Amiante: Ottawa ignore Santé Canada

Publié le 15/06/2011 à 08:18

Amiante: Ottawa ignore Santé Canada

Publié le 15/06/2011 à 08:18

Par La Presse Canadienne

Le gouvernement Harper a ignoré l'avis de Santé Canada qui estime que l'amiante chrysotile n'est pas sécuritaire et souhaite même depuis au moins 2006 le faire inscrire sur la liste des substances dangereuses dans la Convention de Rotterdam.

Et l'appui ferme du gouvernement envers cette substance bannie par de nombreux pays le serait par opportunisme politique, afin de ne pas s'aliéner le Québec en l'interdisant, a fait valoir mardi le Nouveau Parti démocratique (NPD).

La position de Santé Canada est contenue dans un courriel caviardé qui a été dévoilé mardi par le NPD lors d'un point de presse.

"Nous ne pouvons pas dire que le chrysotile est sécuritaire", écrit d'entrée de jeu Paul Glover, directeur général du programme de la sécurité des milieux à Santé Canada à l'époque, mais actuellement sous-ministre adjoint du ministère fédéral.

"La position préférée de Santé Canada serait d'inclure (l'amiante) dans la liste - puisque cela serait cohérent avec l'usage contrôlé - c'est-à-dire, d'informer les gens sur la substance, pour qu'ils aient l'information dont ils ont besoin, (...) pour qu'ils manipulent et utilisent la substance correctement", a-t-il ajouté, reconnaissant toutefois que le chrysotile "est moins 'dangereux' que d'autres formes d'amiante".

Toutefois, dans son courriel, M. Glover "reconnaît que la décision finale ne sera pas basée uniquement sur des faits relatifs à la santé, et que d'autres facteurs-clés devront être considérés".

Avec cette prise de position, Santé Canada a été à la "hauteur de sa mission", estime le docteur Fernand Turcotte, spécialiste en santé préventive.

"C'est le pouvoir politique qui fait défaut", a-t-il jugé lors du point de presse. Selon lui, la question de l'amiante est réglée depuis 50 ans et tous les scientifiques "désintéressés" sont unanimes: l'amiante est une matière cancérigène. Aucun niveau d'exposition n'est acceptable, selon lui.

Selon le NPD, les conservateurs maintiennent leur appui à l'amiante chrysotile pour des raisons politiques uniquement: ils ne veulent pas se mettre à dos le Québec, la seule province productrice de la substance au pays.

Cette position ne tiendrait pas la route, puisqu'elle n'est pas partagée par la population québécoise qui a voté en bloc pour le NPD, un parti qui dénonce depuis longtemps l'usage de l'amiante, a fait valoir mardi le député néo-démocrate Nathan Cullen.

"C'est la pire hypocrisie que de faire aux autres ce qu'on ne voudrait pas que l'on nous fasse", a-t-il déclaré en référence aux efforts faits au pays pour enlever systématiquement l'amiante des édifices pendant qu'on le vend à des pays en voie de développement.

Mais en plus du soutien du gouvernement fédéral, l'industrie du chrysotile a aussi celui du gouvernement québécois, qui en fait aussi la promotion à l'étranger.

"Nous croyons que le chrysotile peut être utilisé de manière sécuritaire. Nous travaillons avec nos partenaires qui achètent de l'amiante pour qu'ils s'assurent que ce soit utilisé de manière sécuritaire", a déclaré mardi le premier ministre Jean Charest lors d'un point de presse à New York.

Des propos similaires ont d'ailleurs été tenus par le ministre fédéral de l'Industrie, Christian Paradis, aux Communes mardi. Le ministre représente la circonscription où se trouve la seule mine encore active au Canada.

"Depuis plus de 30 ans, le Canada fait la promotion de l'utilisation sécuritaire et contrôlée du chrysotile sur la scène internationale et nationale", a-t-il déclaré, répétant la réponse qu'il ressort à chaque fois qu'il est question d'amiante.

Et à l'aube d'une mise à jour de la Convention de Rotterdam la semaine prochaine à Genève, une cinquantaine de médecins du Québec soutiennent que le Canada fait partie d'une poignée de pays qui bloque, depuis sept ans, l'inclusion de ce minerai dans la liste des substances dangereuses qui y sont inscrites.

Dans une lettre envoyée lundi au premier ministre Stephen Harper, les médecins l'exhortent à reconnaître la dangerosité de l'amiante chrysotile en acceptant de l'inscrire sur la fameuse liste.

Mais l'ajout sur la liste ne signifie pas que le produit est interdit ou illégal.

La Convention ne fait qu'encadrer le commerce des produits chimiques reconnus comme étant dangereux, dont l'exportation peut seulement avoir lieu si les pays importateurs acceptent leur importation en toute connaissance de cause.

"C'est difficile de comprendre que le Canada s'oppose à bien informer les pays qui vont l'importer", a pour sa part laissé tomber celui qui est à l'origine de la lettre, le docteur Pierre Deshaies.

"La convention de Rotterdam crée des obligations sur le plan gouvernemental. Notre gouvernement devra donner l'heure juste et imposer à nos industries de donner l'heure juste de façon explicite et préalable à l'exportation", a expliqué le docteur Deshaies, qui y voit un "minimum" pour le Canada.

La communauté médicale et scientifique à l'échelle provinciale, nationale et internationale est unanime, soutiennent les médecins: dans ses utilisations actuelles, le chrysotile cause l'amiantose, le cancer du poumon et le mésothéliome.

Mais pour l'industrie, que le mot "chrysotile" soit inscrit dans la convention est le début de la fin.

"On ne se racontera pas d'histoires. L'objectif déclaré des personnes qui veulent que le chrysotile soit inscrit dans l'annexe de la Convention de Rotterdam, c'est dans le but de se rapprocher d'un bannissement", a fait valoir Guy Versailles, porte-parole de l'Institut du chrysotile, qui défend l'industrie.

Selon lui, les substances indiquées dans la Convention sont toutes bannies ou en voie de l'être.

Le Canada et la Russie sont les deux seuls pays du G8 qui n'ont pas signé le document. Ils sont aussi des importants producteurs d'amiante. Leurs intérêts économiques ne sont vraisemblablement pas étrangers à leur position sur la Convention de Rotterdam.

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