Prison ferme pour les salariés de Goodyear qui ont séquestré deux cadres dirigeants

Publié le 13/01/2016 à 11:17

Prison ferme pour les salariés de Goodyear qui ont séquestré deux cadres dirigeants

Publié le 13/01/2016 à 11:17

Par AFP

Neuf mois de prison ferme: les huit ex-salariés de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord ont été condamnés mardi à une peine inédite pour la séquestration durant 30 heures en 2014 de deux cadres dirigeants de l'entreprise, suscitant nombre de réactions choquées.

Le parquet avait requis contre chacun d'entre eux une peine de deux ans d'emprisonnement, soit un an «ferme aménageable» et un an de sursis, lors de l'audience du 24 novembre.

Ils ont écopé mardi de 24 mois de prison, dont 15 avec sursis. Deux d'entre eux ont également été condamnés pour violences en réunion, mais sans peine supplémentaire.

Entre le 6 et le 7 janvier 2014, le directeur des ressources humaines ainsi que le directeur de la production avaient été retenus dans les locaux de l'usine de pneumatiques que plusieurs dizaines de salariés avaient occupée avant de les laisser partir.

A sa libération, ce dernier avait reconnu qu'il n'y avait «pas eu de comportement qui a porté atteinte à notre intégrité physique», même si «certaines fois, nous n'étions pas très rassurés». Lors de l'audience, les violences évoquées faisaient état «d'une oreille tirée» mais cette situation avait été vécue comme «particulièrement humiliante» pour l'un des cadres car filmée par des journalistes.

«Je m’y attendais, mais en même temps on trouve la décision très injuste. On va faire appel. Ça fait longtemps que la confiance en la justice est cassée...», a réagi Hassan Boukri, l'un des prévenus.

Reynald Jurek, un autre prévenu, a dénoncé une «décision purement politique». «Le gouvernement a voulu faire de nous un exemple. Et dire aux gens : "faites attention si vous vous battez pour votre boulot, regardez ce qui peut vous attendre"», a-t-il lancé.

L'avocat des prévenus, Me Fiodor Rilov, a quant à lui qualifié cette décision de «consternante», critiquant «une réelle volonté du parquet et du gouvernement d'intimider les militants syndicaux».

Mickaël Wamen, le leader syndical CGT Goodyear, aussi condamné, a appelé de son côté «l’ensemble des salariés de notre pays, tous ceux qui pensent que la justice sociale est importante à une mobilisation d’ampleur hors norme, le jour de l’appel».

«On a quand même un dossier dans lequel il n’y a plus de plainte de l’employeur, il n’y a plus de plainte des deux cadres qui avaient été séquestrés», a-t-il rappelé.

«Décision choquante»

A la barre, tous les prévenus avaient parlé d'"un coup de colère" face à une direction qui "n'apportait aucune réponse" à la "détresse sociale" dans laquelle se trouvaient les salariés de cette entreprise de 1.143 salariés, fermée quelques jours après.

Ils avaient aussi réfuté toute préméditation de leur geste.

Entre séquestrations, dégradations ou diffamation, les conflits sociaux ont souvent été spectaculaires ces dernières années, mais ils ont engendré peu de poursuites judiciaires, encore moins de condamnations.

En 2010, lorsque des cadres de la Poste avaient été séquestrés à Nanterre, trois salariés avaient ainsi été condamnés en appel à des amendes, et 12 avaient été relaxés dont l'ancien chef de file du NPA Olivier Besancenot.

Les réactions de soutien aux salariés se sont multipliées.

«Très choqué», le député PS du Cher Yann Galut aimerait «la même sévérité à l'égard des patrons voyous», et le chef de file du Front de gauche à l'Assemblée nationale, André Chassaigne, a qualifiée "d'ignoble" cette décision.

Le gouvernement n'a pas réagi à l'unisson. Si Emmanuel Macron a estimé qu'il ne lui appartenait pas de commenter cette décision de justice, Pascal Boistard, secrétaire d'Etat aux Droits des femmes et élue de la Somme, a exprimé une forme de solidarité sur Twitter avec ces mots : «Au-delà des fonctions et responsabilités, devant une si lourde condamnation, je ne peux qu'exprimer mon émotion fraternelle».

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