Le «Sommet des Amériques» de Biden perturbé dès son lancement

Publié le 06/06/2022 à 12:00

Le «Sommet des Amériques» de Biden perturbé dès son lancement

Publié le 06/06/2022 à 12:00

Par AFP

Les difficultés politiques de Joe Biden, impopulaire et qui risque de perdre le contrôle du Congrès après des élections cet automne, n'échappent pas aux dirigeants de la région. (Photo: 123RF)

Los Angeles — Le «Sommet des Amériques» de Joe Biden, censé inaugurer une nouvelle ère dans les relations des États-Unis avec l'Amérique latine, qui s'ouvre lundi connaît déjà bien des cahots, le président mexicain refusant d'y participer à la suite de l'exclusion de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua.

Après des semaines de suspens, le président du Mexique Andrés Manuel Lopez Obrador a finalement mis sa menace à exécution et annoncé qu'il ne participerait pas à l'événement diplomatique qui débute lundi à Los Angeles.

«Je ne vais pas au sommet parce qu'on n'invite pas tous les pays de l'Amérique. Je crois en la nécessité de changer la politique qui a été imposée depuis des siècles: l'exclusion», a déclaré devant la presse M. Lopez Obrador.

Cuba, le Nicaragua et le Venezuela ne sont en effet pas invités au Sommet des Amériques, a confirmé lundi à l'AFP un responsable de la Maison-Blanche soulignant «les réserves» des États-Unis face «au manque d'espace démocratique et au respect des droits humains» dans ces trois pays.

Des dirigeants de toute la région sont toutefois attendus pour une semaine d'échanges, Washington souhaitant montrer les muscles face à la Chine, qui avance ses pions dans une zone longtemps considérée par les Américains comme leur pré carré.

 

Boycottage

Le principal conseiller de Joe Biden pour l'Amérique latine, Juan Gonzalez, a indiqué à la presse que le président américain entendait «promouvoir une vision d'une région sûre» et «démocratique», ce «qui est au fond dans l'intérêt stratégique des États-Unis».

M. Biden va, selon lui, faire des annonces sur la coopération économique et la lutte contre la pandémie de COVID-19 ainsi que contre le changement climatique.

Le démocrate de 79 ans espère aussi conclure un accord de coopération régionale sur un sujet politiquement explosif, et qui lui vaut de violentes critiques de l'opposition républicaine: l'immigration.

Le nombre de personnes cherchant à entrer aux États-Unis après avoir fui la pauvreté et la violence en Amérique centrale et à Haïti est en hausse.

L'administration Biden n'a jusqu'ici pas tenu sa promesse de mener une politique d'immigration rénovée, qu'elle veut plus humaine que celle du mandat Trump.

 

Déclin américain

Washington s'est assuré de la venue de certains dirigeants majeurs, aussi bien le président argentin de centre-gauche Alberto Fernandez que le chef d'État d'extrême droite brésilien, Jair Bolsonaro.

Mais l'absence du président mexicain sera perçue comme «significative», selon Benjamin Gedan, qui dirige les études sur l'Amérique latine au Woodrow Wilson International Center for Scholars.

Sa menace de boycottage avait déjà occasionné «un rebondissement véritablement malvenu pendant la préparation du sommet, car cela a mobilisé une énorme quantité d'énergie diplomatique américaine», note-t-il.

Très populaire dans son pays, M. Lopez Obrador a indiqué qu'il pourrait rencontrer en juillet à la Maison-Blanche le président Joe Biden, avec qui il affirme très bien s'entendre.

Benjamin Gedan relève par ailleurs que, là où la Chine investit lourdement dans la région, le président américain n'a jusqu'ici pas annoncé d'effort économique substantiel.

«Il faudra juger le sommet à l'aune des propositions des États-Unis en termes d'accès commercial, de prêts et d'assistance pour financer la reprise et les infrastructures dans la région», déclare encore Benjamin Gedan. «Et sur ces points, les États-Unis décevront, c'est inévitable», estime-t-il.

 

L'attrait perdu du libre-échange

Le Sommet des Amériques avait été lancé en 1994 à Miami par le président Bill Clinton, désireux de lancer un vaste accord régional de libéralisation du commerce.

Mais le libre-échange n'a plus le vent en poupe, ni aux États-Unis ni ailleurs, et en la matière Joe Biden n'a sur le fond pas rompu avec les réflexes protectionnistes de son prédécesseur Donald Trump.

Eric Farnsworth, vice-président du Conseil des Amériques («Council of the Americas», une organisation qui promeut les échanges commerciaux à l'échelle du continent américain) a récemment estimé lors d'une audition parlementaire que chaque édition du Sommet des Amériques était «moins ambitieuse» que la précédente.

Michael Shifter, chercheur à l'organisme Inter-American Dialogue, voit dans la controverse autour de la liste des invités un indice de l'influence déclinante des États-Unis. Surtout que les difficultés politiques de Joe Biden, impopulaire et qui risque de perdre le contrôle du Congrès après des élections cet automne, n'échappent pas aux dirigeants de la région.

Les États-Unis «ont encore beaucoup de “soft power”», constate-t-il, c'est-à-dire d'impact en termes de contenus culturels ou d'habitudes de consommation. Mais leur «influence politique et diplomatique baisse chaque jour».

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