Les prix élevés du chocolat font partie d’une tendance plus large

Publié le 29/03/2024 à 10:28

Les prix élevés du chocolat font partie d’une tendance plus large

Publié le 29/03/2024 à 10:28

Par La Presse Canadienne

«Je pense que les gens s’intéressent de plus en plus à la provenance de leurs aliments», estime Sophia Carodenuto, une professeure de géographie à l’Université de Victoria dont les recherches s’attardent aux systèmes alimentaires mondiaux. (Photo: La Presse Canadienne)

La hausse des prix du chocolat de Pâques après de mauvaises récoltes à l’autre bout du monde n’est que le dernier exemple en date des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, une tendance que les consommateurs remarquent de plus en plus, de l’avis d’experts. 

«Je pense que les gens s’intéressent de plus en plus à la provenance de leurs aliments», estime Sophia Carodenuto, une professeure de géographie à l’Université de Victoria dont les recherches s’attardent aux systèmes alimentaires mondiaux.

Ces dernières années ont été marquées par un certain nombre de perturbations très médiatisées, notamment une flambée des prix de la laitue attribuable aux inondations en Californie, une hausse des prix du jus d’orange en raison de mauvaises récoltes et une hausse des prix du blé liée à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Ce genre d’événements perturbateurs semble devenir de plus en plus courant, mentionne l’économiste principal à la société de prêt agricole Financement agricole Canada, Graeme Crosbie.

Les contrats à terme sont un moyen de mesurer les prix des matières premières sur la base de contrats de livraison future, une façon courante de suivre les prix des matières premières comme le blé, l’or et le pétrole.

Un rapport de la banque coopérative agricole CoBank, publié en février, indiquait que les prix du cacao étaient près de 65% plus élevés qu’il y a un an et que les prix à terme à New York étaient à leur plus haut niveau depuis 46 ans.

 

Changement climatique et maladies 

Le mauvais temps et les maladies en Afrique de l’Ouest ont endommagé les rendements des cultures, a déclaré M. Crosbie, nuisant à l’approvisionnement en produits destinés aux confiseries de l’Halloween, de la Saint−Valentin et de Pâques.

«Le secteur de la confiserie va supporter le plus gros de l’impact sur les marges dues au cacao», a déclaré Steven Voskuil, directeur financier de Hershey, aux analystes lors d’une conférence téléphonique en février.

La majeure partie du cacao, en particulier celui que l’on trouve dans de nombreux produits chocolatés populaires, provient d’Afrique de l’Ouest, a indiqué Mme Carodenuto. La Côte d’Ivoire, qui, selon elle, produit environ 40% du cacao mondial, a vu sa production diminuer de 30% au cours de l’année écoulée en raison du changement climatique et des maladies, a-t-elle déclaré.

«C’est l’un des principaux moteurs de (…) cette énorme hausse des prix sur les marchés des matières premières», a-t-elle déclaré.

«Je pense que nous constatons cela partout dans le monde, que la saison des pluies et la saison sèche ne sont plus prévisibles comme elles l’étaient auparavant.»

 

Les prix de détail seront touchés

Contrairement à certaines cultures, la production de cacao est très concentrée géographiquement, ce qui signifie qu’une grande partie de l’offre mondiale est cultivée dans une poignée de régions, a souligné M. Crosbie. Cela rend la culture et sa chaîne d’approvisionnement plus vulnérables aux perturbations.

Les prix du cacao ne se reflètent pas directement dans les prix de détail, car il existe bien d’autres éléments que le cacao qui composent une barre de chocolat, a indiqué M. Crosbie. Mais ils ont un effet et il s’attend à une augmentation des prix de détail.

Selon les données sur l’inflation de Statistique Canada, le prix des produits de confiserie a augmenté de plus de 9% entre janvier 2023 et 2024, comparativement à une inflation globale de 3,4% pour les aliments achetés en magasin.

Michael Medline, chef de la direction de la société mère de Sobeys et IGA, Empire, a déclaré aux investisseurs plus tôt en mars que l’épicier constatait des augmentations de prix «importantes» de la part de certains de ses fournisseurs qui «affecteront inévitablement le client».

«Cela est dû en grande partie au fait que certains produits comme le sucre et le cacao continuent d’être très volatils en raison de facteurs climatiques et géopolitiques qui ont un impact sur l’offre mondiale», a-t-il déclaré.

La montée des prix du cacao constitue un obstacle pour les fabricants qui ont déjà été aux prises avec la hausse des prix du sucre au cours des trois dernières années, a souligné Billy Roberts, économiste principal de l’alimentation et des boissons, dans le communiqué de presse de CoBank.

«Cela pourrait entraîner une nouvelle érosion du volume des ventes de chocolat et commencer à avoir également un impact sur les ventes en dollars», a-t-il déclaré.

Les consommateurs sont de plus en plus conscients de ce type de perturbations à mesure que les prix des aliments augmentent de manière généralisée, a indiqué M. Crosbie.

Dans une enquête réalisée en 2021 par Deloitte, près des trois quarts des personnes interrogées ont déclaré qu’il était important pour elles de comprendre d’où proviennent leurs aliments.

Et le cacao est l’un des nombreux produits alimentaires que les consommateurs regardent de plus en plus d’un œil critique.

 

Des agriculteurs qui écopent 

Le cacao est originaire d’Amérique centrale et pousse naturellement sous une canopée d’arbres de la forêt tropicale dans un écosystème diversifié, a rappelé Mme Carodenuto. Mais de vastes étendues de forêt tropicale en Afrique de l’Ouest ont été détruites pour laisser place à la culture du cacao, ce qui signifie moins de diversité écologique et des cultures plus vulnérables.

Des prix à terme plus élevés sur les matières premières ne dictent pas non plus nécessairement les prix payés aux agriculteurs en temps réel, a noté Mme Carodenuto.

Au Ghana et en Côte d’Ivoire, les plus grands pays producteurs de cacao, le gouvernement établit un prix minimum pour les agriculteurs pour la saison, a-t-elle expliqué. Mais les grandes sociétés multinationales qui achètent et négocient le cacao concluent des contrats à terme, ce qui signifie que les prix sont convenus à l’avance.

Il faut beaucoup de travail manuel et d’investissements pour construire une ferme de cacao, les agriculteurs ont donc besoin de soutien, notamment financier, a déclaré Mme Carodenuto.

On espère que la hausse des prix à terme entraînera une augmentation des revenus l’année prochaine, mais ce n’est pas une garantie, a-t-elle ajouté: les prix du cacao sont cycliques, ce qui signifie qu’il y aura probablement une chute des prix à un moment donné.

Les consommateurs qui cherchent à prendre des décisions de dépenses éthiques sont confrontés à un choix difficile, a déclaré Mme Carodenuto, en particulier compte tenu de l’écart de prix entre le chocolat de qualité supérieure et d’origine éthique et les confiseries populaires du marché de masse.

Mme Carodenuto a suggéré que les gens n’ont pas besoin d’arrêter d’acheter du chocolat, mais qu’ils peuvent s’informer et rechercher la transparence de la chaîne d’approvisionnement en retraçant l’origine du cacao contenu dans un produit.

Les acheteurs qui peuvent se permettre de dépenser plus peuvent également rechercher des entreprises spécialisées dans l’approvisionnement en produits à base de cacao éthiques, a-t-elle déclaré.

À long terme, il existe un grand potentiel de culture du cacao de manière plus durable, a-t-elle indiqué, mais cela pourrait entraîner une baisse de la production à court terme.

«C’est juste de savoir qui va payer pour ça. Ce ne devrait pas être l’acteur le plus marginalisé du système. Les petits exploitants agricoles ne devraient pas payer pour ça.»

– Avec les informations de l’Associated Press

Rosa Saba, La Presse Canadienne

 

 

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