Éditorial: Le Canada et la guerre de la potasse

Publié le 18/08/2010 à 16:05, mis à jour le 18/08/2010 à 16:28

Éditorial: Le Canada et la guerre de la potasse

Publié le 18/08/2010 à 16:05, mis à jour le 18/08/2010 à 16:28

Par Jean-Paul Gagné

La guerre est déclarée dans l’industrie de la potasse et le Canada sera frappé de plein fouet. Celui-ci est en effet le premier producteur mondial de ce fertilisant utilisé dans quelque 150 pays, dont la Chine, l’Inde et le Brésil, les trois principaux marchés.

La guerre a débuté avec l’offre d’achat hostile du géant australien BHP Billiton pour Potash Corp., de Saskatoon, premier producteur mondial de potasse. BHP offre 38,6 milliards de dollars américains pour Potash, ce qui en ferait l’une des plus importantes transactions à survenir dans le secteur minier.

Le marché n’a pas jugé sérieux le prix de 130 $ US l’action offert par BHP le 17 août, et a poussé rapidement le titre de Potash à 140 $ US, soit un gain de 25 % par rapport au cours de la veille. Dans cette foulée, les titres d’Agrium (Calgary) et de Mosaic (Minnesota) ont grimpé de 9 % et de 4 % respectivement. Les titres des producteurs européens ont également pris de la valeur.

La direction de Potash a qualifié l’offre de nettement insuffisante, ce qui ouvre la porte à des négociations. Selon elle, l’offre ne reflète pas la position dominante de l’entreprise dans le marché mondial. En effet, alors que les prix de la potasse et d’autres fertilisants sont en forte hausse,

Potash a plus que doublé (à 472 millions de dollars) son bénéfice au dernier trimestre, ce qui en fait le deu­xième bénéfice trimestriel en importance de son histoire. Après avoir affiché une nette baisse de son bénéfice net en 2009, Potash est en voie de connaître une excellente année.

Pour renforcer sa défense, Potash a adopté un programme d’émission de droits d’achat d’actions à un prix « sensiblement inférieur » à celui qui sera alors en vigueur dans le marché boursier. Cela permettra à ses administrateurs d’examiner toutes les solutions qui s’offriront à eux à la suite du déclenchement des hostilités par BHP.

Certes, les actionnaires de Potash ont toutes les raisons de se réjouir, mais l’offre de BHP n’est pas sans conséquence pour le Canada. Elle risque de faire passer un autre joyau de l’industrie minérale canadienne à des mains étrangères, comme cela est arrivé pour Falconbridge, Inco et Alcan.

Falconbridge a été absorbée par la suissesse Xstrata pour 22,8 G$ CA en juillet 2006; Inco a été vendue à la brésilienne Vale pour 19 G$ CA en octobre 2006; et Alcan a été achetée par l’anglo-australienne Rio Tinto pour 38,1 G$ US en octobre 2007.

Deux tentatives avaient été faites pour que les deux géants du nickel, Falconbridge et Inco, restent sous contrôle canadien. Alors qu’Inco tentait de fusionner avec Falconbridge, Teck a déposé une offre d’achat pour Inco.

Cette offre, qui comprenait un échange d’actions subalternes de Teck, a été rejetée par les administrateurs d’Inco.

Le meilleur scénario pour le Canada aurait été une fusion d’Inco et de Falconbridge, mais le gouvernement fédéral n’a exercé aucun leadership pour qu’il se réalise. Quant à Alcan, c’est après avoir refusé un projet de fusion présenté par Alcoa que ses dirigeants ont négocié une entente avec Rio Tinto.

Bien sûr, les actionnaires des trois sociétés canadiennes ont empoché beaucoup d’argent grâce à ces transactions, mais le Canada n’y a rien gagné, puisque trois importants sièges sociaux ont été rationalisés, et que des centaines d’emplois ont été perdus.

Il est trop tôt pour prédire les répercussions, ici et à l’étranger, de l’offensive de BHP, qui exploite des gisements en Saskatchewan et qui a acquis la canadienne Athabasca Potash pour 341 millions de dollars au début de 2010.

En Russie, l’industrie de la potasse se consolide autour d’une grande société et le Belarus tente d’influer sur les prix mondiaux, comme le faisait autrefois Potash en contrôlant ses livraisons. Si Potash passe aux mains de BHP, c’est cette dernière qui deviendra le leader du marché mondial.

Il se peut qu’Agrium, numéro deux des fertilisants au Canada, soit aspirée dans le tourbillon créé par BHP. Agrium vient d’offrir 1,16 G$ pour l’australienne AWB, mais on ne sait pas encore de quelle façon son offre sera accueillie. Potash pourrait-elle tenter d’acquérir Agrium ou une autre société pour se défendre ?

Souhaitons que le gouvernement fédéral ne fasse preuve d’autant de passivité dans ce dossier que dans celui du nickel.

 

 

 

 

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