Le monde pâtira d'une «Amérique indépendante»

Publié le 03/01/2017 à 16:14

Le monde pâtira d'une «Amérique indépendante»

Publié le 03/01/2017 à 16:14

Par François Normand

Le nouveau président élu des États-Unis, Donald Trump (source photo: Getty)

De tous les risques politiques en 2017, c'est de l'«Amérique indépendante» dont pâtira le plus le reste de la planète cette année, prévoit la firme d'analyse du risque politique Eurasia Group.

Dans ses Tops Risks 2017 (The Geopolitical Recession), le président d'Eurasia Group, Ian Bremmer, affirme que l'élection de Donald Trump modifiera en profondeur le rôle des États-Unis dans le monde.

Pourquoi? Parce que sa philosophie et son engagement «de rendre sa grandeur à l'Amérique» (make America great again) s'appuie une valeur fondamentale américaine: l'indépendance. Or, cette valeur si chère aux Américains n'est pas nécessairement une bonne chose pour le reste de la planète, fait remarquer Ian Bremmer.

«Pour Trump, cela signifie l'indépendance de la responsabilité des États-Unis de jouer un rôle indispensable dans les affaires mondiales, minimisant ainsi le fardeau placé sur les États-Unis par les institutions multilatérales et une gamme de pays alliés», écrit-il.

À ses yeux, cette situation crée plusieurs risques politiques.

1. Le chaos en raison de l'absence de la superpuissance

L'attitude de Donald Trump menace l'alliance historique entre les Occidentaux.

Ainsi, ses sympathies pour la Russie, son faible soutien pour l'OTAN et ses accointances idéologiques avec les partis «anti-establischment» d'Europe (comme le Front national, en France) «affaibliront encore ce qui avait été l'alliance la plus importante pour la protection de l'ordre mondial», souligne Ian Bremmer.

Le meilleur exemple de cette situation - qui a du reste débuté sous l'administration Obama - est l'absence de leadership de Washington au Moyen-Orient, au premier chef en Syrie. L'absence d'un acteur régional fort pour assurer la stabilité et la sécurité de la région laisse la place à une compétition entre États et acteurs non étatiques afin de promouvoir leurs intérêts.

2. L'affaiblissement des institutions internationales

La philosophie de Donald Trump menace aussi l'architecture internationale et la coordination des pays sur divers enjeux.

«L'Amérique indépendante accélère la fragmentation du commerce mondial et des flux de capitaux, d'un réseau internet mondial et d'une réponse coordonnée sur le changement climatique», affirme Ian Bremmer.

Par ailleurs, les États-Unis sont les principaux architectes des grandes institutions internationales crées après la Deuxième Guerre mondiale, et ce, de l'Organisation des Nations unies au Fonds monétaire international en passant par la Banque mondiale.

«Avec l'Amérique indépendante, ces institutions seront soumises à un plus grand contrôle politique et à une pression financière lorsque l'administration Trump réexaminera leur utilité pour les intérêts nationaux américains», souligne Ian Bremmer.

3. Conflit potentiel avec la Chine

Pour le président chinois Xi Jinping, une Amérique indépendante représente une opportunité essentielle «pour faire avancer les intérêts de sécurité de la Chine dans toute l'Asie et ses intérêts économiques de manière beaucoup plus large», fait remarquer le président d'Eurasia Group.

Face au nouveau protectionnisme américain, Xi Jinping souhaite même que la Chine devienne le nouveau chef de la mondialisation -un rôle historiquement échu aux États-Unis depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Selon Ian Bremmer, ce leadership chinois qui s'affirme davantage pourrait conduire la plupart des alliés américains en Asie du Sud-Est à changer d'allégeance politique pour se tourner vers Pékin. Cette situation donnera un rôle plus important à la Chine dans la gouvernance économique internationale.

Par contre, dans un contexte où les relations sont tendues entre la Chine et la nouvelle administration Trump, le président Xi Jinping ressentira la nécessité de réagir de manière décisive lorsqu'il percevra les principaux intérêts nationaux chinois en jeu.

Une situation qui devient hautement risquée, souligne Ian Bremmer.

«On peut voir la confrontation dans un certain nombre de domaines: le réchauffement des relations américaines avec Taïwan, la menace nucléaire croissante de la Corée du Nord ou les tensions économiques sur la monnaie, la propriété intellectuelle et le commerce».

4. Un système en panne ou sans gendarme

Le renaissance géopolitique de la Russie sur l'échiquier mondial tient à deux phénomènes: la stratégie de Moscou et le déclin du leadership américain dans le monde ces dernières années. Et l'élection de Trump de fera qu'accentuer cette tendance, selon Ian Bremmer.

«C'est que la Russie peut agir comme un voyou et un perturbateur - et s'en tirer», déplore le patron d'Eurasia Group. Et selon lui, la réponse «rigide» des États-Unis aux accusations de piratage des élections américaines par la Russie ne changera pas le comportement du président russe Vladimir Poutine.

Ainsi, Moscou pourrait tenter de s'ingérer dans les prochaines élections présidentielles en France, ce printemps, sans parler de celles en Allemagne en septembre.

Et l'Occident ne veut pas ou ne peut pas articuler une réponse sérieuse, déplore Ian Bremmer: «Trump n'est pas intéressé, et les dirigeants de l'UE sont soit trop faibles ou fatigués des sanctions [contre la Russie]».

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