Ottawa permettrait la réhabilitation des entreprises corrompues

Publié le 20/02/2015 à 12:55

Ottawa permettrait la réhabilitation des entreprises corrompues

Publié le 20/02/2015 à 12:55

Par François Normand

Photo: Shutterstock

EXCLUSIF. Ottawa pourrait mettre en place un processus formel permettant aux entreprises de se défendre et de pouvoir se réhabiliter en cas de radiation pour corruption dans le cadre d'intégrité de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), a appris le journal Les Affaires.

Le gouvernement canadien pourrait introduire ces modifications par voie législative dans les prochaines semaines pour répondre à certaines inquiétudes soulevées par l’industrie à la suite de l’adoption du nouveau cadre d’intégrité, mis en œuvre au cours du printemps 2014.

En renforçant son cadre d'intégrité en 2014, Ottawa voulait s'assurer que les entreprises reconnues coupables d’offenses criminelles liées à la corruption, la collusion aux autres activités frauduleuses au Canada ou ailleurs dans le monde soient bannies de tout contrat public fédéral pendant 10 ans.

Mais selon des associations patronales, telles que le Conseil canadien des chefs d'entreprises, le cadre d'intégrité est trop strict dans sa forme actuelle, et risque donc d'exclure de grandes sociétés comme SNC-Lavalin - la GRC vient d'ailleurs de déposer des accusations de corruption liées à ses activités en Libye.

Un argument qui a trouvé un écho à Ottawa, puisque le gouvernement devrait amender bientôt les règles du cadre d'intégrité actuel, rapportait récemment The Globe and Mail. Le quotidien torontois ne précisait toutefois pas la nature des changements qui seraient apportés.

Comment les entreprises pourraient s'expliquer et se réhabiliter

Selon une source de l'industrie à qui nous avons parlé, la première modification devrait permettre aux entreprises de s'expliquer avant d'être éventuellement radiées des contrats publics de TPSGC.

Dans le cadre actuel, la politique ne fait pas mention des détails du processus de radiation.

Mais selon cette source, on semble donner aux fonctionnaires le pouvoir de radier ou non une entreprise pendant 10 ans des contrats et transactions immobilières gérés par TPSGC, et ce, sans nécessairement avoir à convoquer l’entreprise fautive ou lui permettre d’offrir des explications pertinentes.

Selon des entreprises qui seraient sous la loupe des autorités, et qui ont parlé à notre source, une note serait envoyée à la société pour l’informer qu’elle se voit désormais interdire le droit de soumissionner sur des contrats.

Notre source indique qu'Ottawa mettrait donc en place un système d'audit pour analyser chaque cas, selon la nature des accusations de corruption, de collusion ou d'activités frauduleuses portées contre une entreprise.

Ce processus serait notamment utilisé dans les cas où des sociétés affiliées (des filiales) étrangères seraient mises en cause, et sur lesquelles le niveau de contrôle de la maison mère est moins direct.

Toujours selon la source de l'industrie, une entreprise radiée des contrats pour une faute commise dans le passé pourrait désormais potentiellement réduire la période d'exclusion - il serait toutefois peu probable qu'elle puisse l'éviter - pour tenir compte de facteurs atténuants, comme la mise en place de nouvelles règles de gouvernance et de règles pour prévenir la corruption.

C'est d'ailleurs l'argument qu'a fait valoir SNC-Lavalin à la suite des accusations déposées par la GRC.

Dans le cadre actuel, les entreprises radiées des contrats publics n'ont pas la possibilité de réduire la période de radiation, même si elles ont changé leurs façons de faire et adopté de nouvelles mesures pour empêcher d’autres activités frauduleuses dans le futur.

Joint par Les Affaires, le TPSGC n'a pas confirmé ou infirmé les deux changements qu'Ottawa s'apprêterait à faire pour le cadre d'intégrité.

Dans un courriel, le ministère s'est limité à dire qu'il «prend très au sérieux» la question de l’intégrité des opérations immobilières et des opérations d’approvisionnement.

Questionné aussi à savoir si SNC-Lavalin pourrait être d'ores et déjà être exclue des contrats et transactions immobilières gérés par TPSGC (au premier chef, de la construction du futur pont Champlain), le ministère souligne «que le cadre d’intégrité n’est fondé que sur les condamnations et les plaidoyers de culpabilité avec absolution conditionnelle ou inconditionnelle».

Donc, tant que SNC-Lavalin n'est pas trouvée coupable des accusations auxquelles elle fait face, la firme d'ingénierie peut toujours demeurer dans la course pour la construction du futur pont Champlain.

SNC-Lavalin est à la tête du Groupe Signature sur le Saint-Laurent, l'un des trois consortiums invités par le gouvernement fédéral à soumissionner sur le futur pont.

TPSGC doit annoncer en avril quel consortium remportera le contrat de construction.

 

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