Le triomphe du Mateus aura permis à la famille portugaise Guedes d'étendre son empire.
Juin 1943. L'Europe occidentale tremble sous la menace des forces de l'Axe. Alors propriétaire de Quinta da Aveleda, dans l'appellation Vinho Verde, Fernando van Zeller Guedes observe l'intérêt naissant des troupes américaines pour les plaisirs du vin à table. Convaincu que les États-Unis deviendront un marché d'exportation immense, il crée un vin rosé légèrement sucré et pétillant, destiné aux Anglo-Saxons. Son nom : Mateus.
Au faîte de sa popularité, le rosé de la famille Guedes était distribué dans une centaine de pays, qui se partageaient une production annuelle de 50 millions de bouteilles ! Ce succès monumental a contribué à l'essor de son entreprise, le groupe Sogrape, chef de file de la viticulture portugaise depuis la fin des années 1980.
Le développement tant de Sogrape que du Portugal a toutefois été considérablement ralenti par la dictature qui a régné sur le pays de 1933 à 1974. Une des régions viticoles qui en a le plus souffert est le Dão, où le gouvernement avait instauré un monopole de caves coopératives. Banalisé, cultivé industriellement, ce grand vignoble n'était plus que l'ombre de lui-même.
Heureusement, la Révolution des oeillets (1974) et l'entrée du Portugal dans l'Union européenne (1986) ont permis aux investisseurs indépendants - dont Sogrape - de se réapproprier cet écrin de granit entouré de montagnes.
En 1989, deux ans à peine après avoir acquis la maison de porto Ferreira, aussi créatrice du légendaire Barca Velha, les héritiers de Fernando van Zeller Guedes jouent gros lorsqu'ils rachètent la Quinta dos Carvalhais. Ils arrachent et replantent alors la totalité du vignoble, puis y font construire un chai de vinification ultramoderne. Cette opération a donné naissance au sublime Unico 2005 (Signature - 11075841 : 99 $) et a aidé l'entreprise à s'aventurer dans l'Alentejo et à s'imposer comme un producteur majeur de porto, grâce à l'acquisition d'Offley et de Sandeman.
Grâce au succès du Mateus, la famille Guedes a pu étendre son empire sur quelque 1 200 hectares au Portugal - six fois la taille de Monaco ! - , mais aussi en Argentine (Finca Flichman), au Chili (Los Boldos) et en Nouvelle-Zélande (Framingham). Un académicien français écrivait que le succès fut toujours un enfant de l'audace. Dans le cas qui nous occupe, précisons à juste titre d'une vision d'avenir et de beaucoup d'audace.
DU VIN ET DES GENS
Quinta da Ponte Pedrinha
Ce domaine situé entre Seia et Gouveia, dans la partie Est du Dão, appartient à la même famille depuis le 18e siècle.
Le Branco 2008, Dão (10760492 : 15 $) est, à sa manière, un témoin des avancées technologiques dont bénéficie le Dão depuis quelques années. Il mise sur l'originalité aromatique des cépages locaux encruzado, cerceal et arinto. Un savoureux vin blanc parfaitement sec, assez nourri, désaltérant et offert à prix invitant.
Casal dos Jordões
L'entreprise centenaire de la famille Jordão a amorcé le virage vers l'agriculture biologique en 1994.
À prix d'aubaine, le Guardião 2007, Vinho da Mesa (IP - 11168280 : 14 $) est un très bon vin de table qui mise avant tout sur la rondeur du fruit et sur le charme singulier des cépages portugais.
L'alternative...
Vinha Grande 2007
Douro
(865329 : 19,50 $)
Jugeant son prix (159 $) trop élevé,notre monopole a décidé de ne pas acheter le sensationnel Barca Velha 2000. Il prive ainsi les consommateurs d'un des meilleurs vins de la péninsule ibérique.
Pour se consoler à prix plus doux, le Vinha Grande 2007, Douro (865329 : 19,50 $), qui s'inscrit dans le même esprit de droiture et d'équilibre. La cuvée 2007 s'appuie sur un assemblage de touriga nacional, de touriga franca, de tinta barroca et de tinta roriz. Remarquable pour ce prix.
Agence La QV www.laqv.ca
suivez notre chroniqueur sur Twitter : @NadiaFournier
nadia.fournier@transcontinental.ca
Nadia Fournier est coauteure du Guide du vin 2011 et porte-parole du Salon des importations privées (raspipav.com)
