Aucun contenu ne justifie que nous l'achetions à n'importe quel prix

Publié le 19/02/2011 à 00:00, mis à jour le 26/02/2011 à 22:14

Aucun contenu ne justifie que nous l'achetions à n'importe quel prix

Publié le 19/02/2011 à 00:00, mis à jour le 26/02/2011 à 22:14

Par Diane Bérard

Crédit: Bloomberg

Newsweek affirme que " Netflix a révolutionné la façon dont nous regardons les films ". En 2005, trois ans après que l'entreprise eut fait son entrée en Bourse, Time classait Reed Hastings parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde.


En 2010, le pdg de Netflix figure sur la liste des 30 pdg les plus respectés de Barron's, en plus d'être nommé personnalité de l'année du magazine Fortune. Depuis 2007, il siège au conseil d'administration de Microsoft. Généreux donateur du Parti démocrate, il est aussi engagé dans la politique californienne, en particulier envers l'éducation : il a été président du California State Board of Education.

En 2010, le titre de Netflix a gagné 288 %. Et, le 27 janvier, grâce à des résultats dépassant les prévisions des analystes, il a grimpé de 15 %. J'ai joint le pdg de Netflix à ses bureaux de Los Gatos, en Californie. Quoi qu'en pense les investisseurs, le fondateur de Netflix affirme qu'il a l'oeil rivé sur ses marges.

Diane Bérard - Dans les années 1990, vous étiez pdg de Pure Software et vous avez demandé à votre conseil d'administration de vous congédier. Pourquoi ?

Reed Hastings - Parce que j'étais devenu médiocre. Cela vient souvent avec la croissance; la bureaucratie s'installe et la créativité recule. En fait, tout a dérapé à partir des acquisitions. Nous avons raté la fusion et il a fallu vendre Pure Software à un tiers.

D.B. - Comment passe-t-on de pdg médiocre à homme d'affaires de l'année ?

R.H. - En apprenant à la dure. J'ai connu mon lot d'échecs. Après Pure Software, je me suis juré de ne jamais me relancer dans un secteur qui ne peut pas se contenter de croissance organique. Gérer une société qui a besoin d'acquisitions pour croître n'est pas pour moi.

D.B. - Vous prônez la culture de la liberté comme style de gestion. Expliquez.

R.H. - Si vous recrutez les bons candidats, vous n'avez pas besoin de leur dire quoi faire. Ils vont le trouver par eux-mêmes.

D.B. - Pourquoi Netflix ne verse-t-elle aucun boni à ses employés ?

R.H. - Nos employés méritent tous un boni, et ce, chaque année. Nous nous simplifions la vie en leur accordant tout simplement un salaire plus élevé que la moyenne dans l'industrie. Je ne recommande toutefois pas ce modèle aux entreprises dont la main-d'oeuvre représente l'essentiel des coûts, car elles ont besoin de la souplesse que permet un système de bonis.

D.B. - L'idée derrière Netflix est née après avoir accumulé 40 $ de frais de retard au club vidéo pour la cassette VHS du film Apollo 13. Racontez.

R.H. - Je ne voulais pas le dire à mon épouse... et j'étais en colère contre moi, car je savais que ce retard était ma faute. Puis, un ami m'a parlé du tout nouveau format, le DVD, qui pèse moins d'une once et ne nécessite qu'un seul timbre. Je me suis dit qu'il y avait sûrement d'autres clients délinquants comme moi qui pourraient profiter d'un service postal de prêts et de retours de films.

D.B. - Vous avez déjà avoué que vous n'étiez pas convaincu que le modèle Netflix de location postale de DVD serait populaire. Aimez-vous le risque ?

R.H. - Je ne cherche pas le risque, mais je suis prêt à le tolérer pour vérifier une idée. J'étais assez curieux de la réaction des consommateurs pour supporter l'incertitude.

D.B. - En 2010, vous avez recruté 7,7 millions de clients et votre marge bénéficiaire a atteint 35 %. Combien de temps pouvez-vous soutenir ce rythme ?

R.H. - L'année 2010 a été la dernière à enregistrer une croissance quant à la location de DVD. Par contre, le potentiel de distribution de films en ligne est énorme. Nous investissons dans l'acquisition de contenu ainsi que dans la technologie.

D.B. - Vous avez déboursé 1 milliard de dollars pour acquérir 1 500 titres d'Epix, un service créé par Lions Gates, Paramount et MGM. Devrez-vous bientôt choisir entre l'acquisition de contenu et vos marges ?

R.H. - Nous n'avons aucune intention de débourser un coût disproportionné par rapport à notre structure de profit. L'acquisition de contenu et les frais postaux - pour notre division de location de DVD - représentent de 65 à 70 % de nos coûts. Aucun contenu ne justifie que nous l'achetions à n'importe quel prix. Si le coût d'acquisition croît plus vite que nos prévisions, nous opterons pour moins de contenu plutôt que pour des marges moindres.

D.B. - Qui sont vos amis et vos ennemis ?

R.H. - Les producteurs de contenus nous aiment, nous contribuons à les faire circuler tout en leur rapportant des revenus. Les fabricants de matériel électronique - X-Box, WII, Blu-ray et autres - aussi nous apprécient. Notre service contribue à ajouter de la valeur à leur équipement. Les distributeurs de contenus, comme Rogers et Comcast, ne nous aiment pas. Car, plus nous sommes nombreux à vouloir conclure des ententes avec des créateurs de contenus, plus le prix d'achat de ceux-ci grimpe.

D.B. - Qu'est-ce que le " bouton rouge Netflix " sur les télécommandes ?

R.H. - Au printemps, votre télécommande sera équipée d'un bouton rouge, notre couleur signature, qui donnera directement accès à notre service de visionnement en ligne.

D.B. - Le CRTC veut mettre fin aux forfaits Internet illimités. Les citoyens s'y opposent. Les grands fournisseurs d'accès l'appuient. Qui va gagner ?

R.H. - Je suis un homme d'affaires mais, pour cette bataille-là, je souhaite que le lobby des entreprises échoue et que les citoyens gagnent. Plus la population a accès à Internet, plus elle l'intègre dans sa vie. Et plus elle sera encline à consommer des services comme celui que propose Netflix.

D.B. - Vous prévoyez que votre division canadienne, démarrée en septembre 2010, sera rentable d'ici la fin de l'année. Plusieurs consommateurs ont boudé votre service, jugeant votre catalogue canadien trop mince. Que leur dites-vous ?

R.H. - Qu'ils profitent de notre offre d'un mois gratuit pour essayer encore. En décembre, nous avons acquis beaucoup de contenu. Explorez notre catalogue avec l'esprit ouvert. Si vous ne trouvez pas ce que vous cherchez, vous ferez de belles découvertes.

D.B. - Votre secteur évolue vite. Comment vous tenez-vous informé des tendances pour élaborer vos stratégies futures ?

R.H. - Je lis entre 300 et 400 blogues par jour. Cette lecture est intégrée dans mes activités quotidiennes au même titre que la gestion de l'entreprise.

D.B. - Netflix n'est pas la seule à exploiter l'énorme popularité du visionnement en ligne. Les concurrents se multiplient. Craignez-vous Amazon plus que les autres ?

R.H. - Non. En fait, nous avons plus à l'oeil un service comme TV Everywhere [l'équivalent américain de Tou.tv] qui offre du contenu gratuit aux internautes. Cette concurrence prend de l'ampleur mais, à court terme, elle ne nous touche pas encore.

D.B. - Quels sont vos priorités en 2011 ?

R.H. - Par où commencer ? Lancer notre site en français, améliorer l'expérience utilisateur, commercialiser le " bouton Netflix ", rentabiliser notre division canadienne, conquérir un nouveau marché...

D.B. - Vous êtes un fervent démocrate. Obama vous a-t-il déçu ?

R.H. - Obama a erré au cours des deux premières années en n'accordant pas suffisamment d'attention à l'économie et au chômage. Mais, depuis novembre, il a ramené la croissance au centre de ses préoccupations. À mes yeux, sa récente proposition de réduire les impôts des entreprises a une valeur symbolique aussi bien que réelle.

" Si vous recrutez les bons candidats, vous n'avez pas besoin de leur dire quoi faire. Ils vont le trouver par eux-mêmes. " Reed Hastings

Le contexte

De plus en plus de joueurs, dont Amazon, se lancent dans la distribution de films en ligne. Netflix fait partie des précurseurs, mais combien de temps restera-t-elle en tête ?

Saviez-vous que...

Reed Hastings a fait du porte-à-porte pour vendre des aspirateurs pendant un an après l'école secondaire; Il a fait partie du Peace Corp pendant deux ans; il enseignait les mathématiques au Swaziland.

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