Investissement: adaptez-vous ou vous perdrez vos clientes!


Édition du 20 Mars 2024

Investissement: adaptez-vous ou vous perdrez vos clientes!


Édition du 20 Mars 2024

Par Catherine Charron

(Illustration: Sébastien Thibault)

Les chiffres sont sans équivoque: d’ici 2030, la part des richesses détenues au Canada par les femmes devrait exploser. Ce marché longtemps peu considéré par l’industrie de la gestion de patrimoine est une occasion en or pour ses professionnels, s’ils savent adapter leur stratégie d’accompagnement. Toutefois, beaucoup de chemin reste à faire de ce côté.

Le rapport «Women and wealth. Time to step up and answer the call», (Les fortunes et les femmes:le temps d’améliorer nos pratiques et de répondre à l’appel) paru en 2022, est un des gestes concrets posés par Placements Mackenzie afin de mieux comprendre quels seront les besoins des investisseuses dans les années à venir.

On y apprend notamment que les parts de richesse que les Canadiennes détiendront passeront de 37 % en 2018 à 45 % en 2028. «Elles vont représenter, en termes de dollars, un poids de plus en plus considérable, indique Hadiza Djataou, vice-présidente à la gestion de portefeuille à revenu fixe chez Placements Mackenzie. Elles devraient posséder 4 billions (4000 milliards) de dollars en actif. C’est le double de ce qu’elles contrôlaient au moment de rédiger ce rapport.»

Plusieurs facteurs contribuent à ce changement démographique, si on se fie aux différentes études menées par les institutions financières. Plus nombreuses sur les bancs universitaires, les femmes ont davantage de succès en affaires et se taillent une place de plus en plus importante parmi les hautes sphères des entreprises.

Elles ont aussi plus de chance de recevoir un héritage deux fois plutôt qu’une, anticipe-t-on à la Banque TD. D’abord de leurs parents, puis de leur conjoint, ayant en moyenne une espérance de vie plus longue. Pour cette simple raison, le patrimoine des Canadiennes devrait bondir de 1 billion de dollars au cours des 10 prochaines années, rapporte Suzanne Tremblay vice-présidente et cheffe régionale, Québec et Atlantique, Services privés, à Gestion de patrimoine TD.

Encore faut-il que cette distribution soit équitable, et ça, ce n’est pas gagné d’avance, prévient la chercheuse à l’Institut national de recherche scientifique Maude Pugliese, dans son étude «The Genre Wealth Gap in Quebec»(L’écart de richesse au Québec selon le genre) publiée à la fin de 2023.

Les notions de propriété, de contrôle, d’accès et de bénéfices, surtout dans les très grandes fortunes, complexifient l’interprétation de ces chiffres, nuance-t-elle. De plus, les conjoints de fait n’ont pas les mêmes droits que les couples mariés lors d’un décès ou d’une séparation. Malgré tout, confirme-telle, «on observe une augmentation de [leur] pouvoir économique». Flairant l’occasion en or, la Banque TD a créé, en 2018, tout un segment pour offrir de justes conseils de gestion de patrimoine à leurs clientes, rapporte Suzanne Tremblay. De toutes les divisions de l’institution financière, c’est celle qui connaît la plus forte croissance.

Le hic, c’est qu’entre charge mentale plus importante et habitudes héritées d’un passé pas si lointain où elles devaient obtenir l’approbation de leur mari pour ouvrir un compte bancaire, les femmes ont moins tendance à s’investir dans leurs finances personnelles, relatent moult études et spécialistes.

Encore aujourd’hui, bien que la situation évolue tranquillement, elles se sentent peu incluses dans les discussions entourant la gestion de patrimoine, surtout lorsqu’elles recontrent un expert en étant accompagnées de leur conjoint.

«Il ne faut pas se leurrer, on a souvent observé le phénomène du vendeur d’autos, où on disait “à la p’tite madame qu’on allait lui arranger tout ça ”», confirme Caroline Ste-Marie, conseillère en placements à Patrimoine Richardson. Dans «Why women leave their financial advisors and how to prevent it», (Pourquoi les femmes changent de conseiller financier et comment éviter que ça se produise) Judy Paradi et Paulette Filion, de la firme Strategy Marketing, rapportaient en 2014 que 80 % des veuves qu’elles avaient sondées avaient changé de conseillers dans l’année suivant la mort de leur mari. La principale raison mentionnée ? Le manque de respect à leur égard. Bien que la statistique date, elle est encore régulièrement citée dans les rapports produits au cours des dernières années.

Près de 10 ans plus tard, Gestion de patrimoine TD observe plutôt que 22 % des femmes interrogées avaient l’intention de quitter leur conseiller à cause d’un service mal adapté, ou de l’impression de ne pas être écoutée, indique Suzanne Tremblay.

L’industrie de la gestion du patrimoine doit donc mener un sérieux examen de conscience afin d’épauler convenablement ces détentrices d’une part toujours plus grande des richesses au pays.

 

Des profils différents

Dans le cadre de cette étude menée à l’automne 2023 pour l’aider dans ses choix stratégiques, Gestion de patrimoine TD a notamment constaté que les femmes souhaitaient certes entendre parler de fiscalité et de philanthropie, mais surtout de comprendre si elles étaient sur la bonne voie pour atteindre leurs objectifs financiers à long terme.

«Elles veulent par exemple savoir quels seront leurs revenus à la retraite, comment elles vont décaisser, comment se déroulera le transfert de patrimoine. Or, l’approche traditionnelle du conseil se penche davantage sur ce qui s’est fait comme transactions dans le portefeuille et sur ce qui s’y passe à court terme», explique la vice-présidente.

La vice-présidente à l’expansion des affaires et à la croissance Québec à ScotiaMcLeod, Gestion de patrimoine, Angela D’Angelo, remarque que de plus en plus, les hommes aussi souhaitent que leur conseiller adopte une telle approche. «Aujourd’hui, le rendement est important, mais pas autant que de m’enlever des préoccupations que j’ai.»

De plus, bien qu’il rétrécisse, un certain écart salarial persiste, rappelle Jean-Philippe Vézina, chargé de cours à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval et collaborateur à la Chaire IG Gestion de patrimoine. Les femmes ont une espérance de vie plus longue et elles risquent davantage de diminuer la place qu’occupe le boulot pendant leur parcours professionnel afin de prendre soin de leurs proches.

«La répercussion financière est importante, dit celui qui est aussi planificateur financier dans l’équipe de conseil de planification financière Jean-Maurice Vézina, affiliée à Valeurs mobilières Groupe Investors. D’après le modèle développé par la banque UBS en 2017 dans son rapport «How women can best protect and grow their weatlh» (Comment les femmes peuvent protéger et faire prospérer leur patrimoine), «une femme qui cesse de travailler pendant six mois ou plus accumulera 43 % moins de richesse à ses 85 ans qu’une personne qui n’aura pas quitté le marché du travail. Il faut le prendre en considération», indique-t-il.

Si les clientes ont généralement moins tendance que leurs homologues masculins à avoir confiance en leurs connaissances financières, l’écart s’estompe chez les plus jeunes, observe Caroline Ste-Marie, de Patrimoine Richardson.

N’empêche qu’Hadiza Djataou palpe ce malaise sur le terrain:lorsqu’elle donne des conférences devant une assemblée entièrement féminine, les questions fusent de toute part. Dès qu’elle est mixte, rares sont les participantes qui osent prendre la parole. «Elles viennent me voir après pour me poser leurs questions directement», rapporte la vice-présidente chez Placements Mackenzie.

Tous les experts sondés précisent toutefois que ces grandes tendances ne s’appliquent pas mur à mur, chaque investisseuse ayant son propre niveau d’aisance et d’intérêt. La clé, conseillent-ils tous, c’est d’adapter son accompagnement aux besoins de chacune, de bien effectuer leur travail, en quelque sorte.

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