Trois grands chantiers avant-gardistes en cours


Édition du 21 Février 2024

Trois grands chantiers avant-gardistes en cours


Édition du 21 Février 2024

Par Philippe Jean Poirier

En 2022, les ports de Montréal, Trois-Rivières (sur la photo) et Québec ont signé une entente de collaboration tripartite. (Photo: courtoisie)

SECTEUR MARITIME. Avec Avantage Saint-Laurent, le gouverne-ment a lancé un vaste chantier de modernisation du secteur maritime. Les ports québécois se sont rapidement approprié le dossier, en proposant leur propre version de ce que signifie être «à l’avant-garde»de leur secteur. Voici trois exemples de projets innovants.

 

1. Des ports partenaires plutôt que concurrents

En 2022, les ports de Montréal, Trois-Rivières et Québec ont signé une entente de collaboration tripartite. «Quand on considère le fleuve et non les ports comme entrée maritime, ça change tous les paradigmes de gouvernance des ports sur le Saint-Laurent, dit Gaétan Boivin, président et chef de la direction du Port de Trois-Rivières, pour expliquer la décision. Au lieu d’être en concurrence, les ports devraient agir en complémentarité les uns avec les autres. Chacun pourrait se spécialiser dans ce qu’il fait de mieux et l’on dirigerait le trafic où c’est le plus productif pour tous.»

Pour le moment, le groupe de travail se limite à un partage des meilleures pratiques en logistique et en gestion environnementale. «La Loi maritime du Canada nous met en concurrence. Donc, elle nous empêche d’avoir certaines discussions, notamment sur la spécialisation de chacun. En tant que ports généralistes, nous sommes obligés de construire nos infrastructures pour tout faire, et ça coûte cher.»

Mathieu St-Pierre, PDG de la Société de développement économique du Saint-Laurent, salue l’initiative directement inspirée de ce qui se fait outremer. «En Europe, les ports qui ont créé des alliances — par exemple, Haropa Port, qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris, ou Antwerp-Bruges, issus de la fusion des ports d’Anvers et de Zeebrugge — ont vu des gains de volume et de valeur de marchandises transbordées, tout en renforçant leur positionnement international.»

 

2. Place au transport maritime courte distance (TMCD)

Lorsque le ministère des Transports et de la Mobilité durable parle de développer le TMCD, le PDG du Port de Sept-Îles, Pierre D. Gagnon, acquiesce avec enthousiasme. «La route 138 est l’axe routier québécois ayant le plus haut taux ou la plus forte densité de transport lourd, avec deux millions de tonnes de marchandises qui y transitent annuellement. Depuis 20 ans, nous travaillons pour faire un transfert modal de 200 ou 300 mille tonnes vers l’autoroute bleue, qui est le fleuve Saint-Laurent.»

Convaincu que la formule fonctionne, le PDG en prend pour preuve l’initiative d’Aluminerie Alouette, qui expédie 90 % de son aluminium vers les Grands Lacs avec un système de barges, alors qu’autrefois, tout passait par la route. Le principe pourrait s’appliquer à l’industrie minière — qui continue d’importer par camion le nitrate utilisé pour la fabrication d’explosifs —, ou aux entreprises ferroviaires, qui acheminent chaque année de 20 à 30 mille tonnes de dormants pour chemin de fer par la route 138. Ce sont autant de volumes qui pourraient transiter sur le fleuve. «Le port a un rôle d’intégrateur, explique Pierre D. Gagnon. Nous sommes là pour mettre en liaison les différents intervenants de la chaîne de transport et leur proposer des options de transports plus durables et plus sécuritaires.»

 

3. Électrification des quais

Notons finalement la volonté des ports de réduire l’empreinte carbone de leurs propres activités. Le Port de Québec en fait une priorité pour l’année 2024. Cela passe inévitablement par l’implantation de bornes d’électrification pour les navires. «Sur le territoire portuaire, 88 % des GES proviennent des bateaux et pas des opérations à quai, souligne Mario Girard, PDG du Port de Québec. Lorsque les navires pourront se brancher à quai, nous serons pratiquement carboneutres.»

Le Port de Québec veut électrifier ses trois quais qu’il consacre aux croisières, car c’est sa clientèle la plus énergivore. «Un bateau de croisière, c’est une ville flottante d’une puissance de 15 mégawatts, comparativement aux bateaux industriels, qui oscillent de 2 à 3 mégawatts.»La puissance en jeu est importante, puisque le gouvernement priorise les projets de plus de 5 mégawatts, compte tenu de la forte demande hydroélectrique liée à la transition énergétique.

L’administration portuaire sollicite les gouvernements fédéraux et provinciaux pour financer ce projet évalué à 50 millions de dollars. «C’est impossible pour un port seul de prendre le virage de l’électrification des navires, et ce, peu importe sa grandeur, que ce soit à Montréal (qui a électrifié des quais en 2017), à Vancouver ou à New York», soutient le PDG.

Cela répond en outre à un besoin de l’industrie, ajoute-t-il. Selon un rapport de la Cruise Lines International Association, 46 % des navires de croisière seraient équipés pour se brancher. «Les opérateurs de croisière ont été à l’arrêt près de deux ans, ce qui leur a donné l’occasion de convertir leur moteur diesel en système hybride.»En contrepartie, seuls 2 % des ports offriraient le branchement à quai. «D’ici quelques années, nous sommes convaincus que ce sera obligatoire», estime toutefois Mario Girard. Aussi bien prendre le virage dès maintenant.

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