Les producteurs d’alcools demandent d’accélérer les allégements réglementaires


Édition du 14 Juin 2023

Les producteurs d’alcools demandent d’accélérer les allégements réglementaires


Édition du 14 Juin 2023

Par Benoîte Labrosse

Les producteurs de bières et de spiritueux se disent encouragés, mais restent sceptiques à l'égard des effets réels des propositions du projet de loi provincial concernant l'allégement du fardeau réglementaire et administratif. (Photo: 123RF)

INDUSTRIE DES ALCOOLS. Des « pas dans la bonne direction » ; voilà comment le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), Pierre Fitzgibbon, qualifie les 13 mesures sur les boissons alcooliques du projet de loi provincial concernant l’allégement du fardeau réglementaire et administratif (PL17) déposé le 24 mai. Quant aux producteurs de bières et de spiritueux, ils se disent encouragés, mais demeurent sceptiques à l’égard des effets réels de ces propositions. 

La direction que souhaite prendre le gouvernement avec les alcools vise à « conserver l’équilibre entre les dividendes de la Société des alcools du Québec (SAQ), qui sont réalloués à des missions d’État, et la création d’une chaîne de valeur la plus intégrée possible sur le territoire » provincial, résume Pierre Fitzgibbon. 

« Le ministre et le MEIE sont cohérents avec la volonté qu’ils nous ont exprimée par le passé », reconnaît Joël Pelletier, président de l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD). Les trois associations de producteurs interrogées sont en train d’analyser en détail le PL17, « mais nous voyons déjà des entraves assez majeures qui vont empêcher le gouvernement d’atteindre ses propres objectifs », prévient celui qui est aussi cofondateur de la Distillerie du St. Laurent. 

Il prend l’exemple de la principale mesure touchant les spiritueux, soit l’élargissement de la définition des producteurs artisanaux à ceux qui fabriquent des alcools à partir de grains de céréales, de patates et de lactosérum. L’objectif est de les exempter de payer une majoration à la SAQ quand ils font des ventes sur leur lieu de production — ce que réclame l’ensemble de la filière. Actuellement, cette mesure a le potentiel de concerner qu’une dizaine de distillateurs. « En fait, dans sa forme actuelle, elle ne s’applique à personne ! », clarifie Hugo D’Astous, président de l’association Spiritueux Québec.

« En plus d’avoir à cultiver 100 % de sa matière première, on exige que le maltage soit fait sur place, mais il n’y a aucune distillerie dans le monde qui le fait, parce que c’est une opération très spécialisée », se désole le cofondateur d’Ubald Distillerie, qui produit entre autres des alcools de grain et de patate du champ à la bouteille, c’est-à-dire qu’il fait pousser sa matière première.

S’il a espoir de faire retirer la notion de maltage en commission parlementaire cet automne, Hugo D’Astous est déçu de ne pas avoir été consulté en amont, ce qui aurait évité cette incompréhension. « On demande depuis un an de créer une table de concertation avec le gouvernement pour bâtir une vision commune pour notre filière », mentionne-t-il.

Même s’il parvient à faire ajuster la mesure concernant les producteurs artisanaux dans le PL17, le distillateur ne pourra toutefois pas se prévaloir de l’exemption de la majoration. Dans le but de pouvoir vendre de l’alcool de base à d’autres microdistilleries, Ubald est en effet obligé d’avoir un permis de type industriel. « Mais qu’est-ce que ça changerait pour le gouvernement de permettre [aux détenteurs de permis de production artisanale] la vente à d’autres producteurs, au lieu qu’ils achètent leur alcool de l’Ontario ou des États-Unis ? s’interroge-t-il. Ou encore de leur permettre l’achat de matière première d’autres agriculteurs québécois, comme le fait la Distillerie Côte des Saints ? » 

Voilà des questions sur lesquelles le MEIE a prévu se pencher bientôt. « On va regarder dans les prochains mois si on ne peut pas élargir un peu [les critères de production artisanale] pour favoriser l’intégration verticale du grain à la bouteille », soit les distilleries qui achètent leurs matières premières à d’autres producteurs québécois, annonce Pierre Fitzgibbon. Il rappelle que son gouvernement s’est engagé à déposer un projet d’allégement réglementaire par année.

 

Des revendications en attente 

Les différents permis de fabrication d’alcool — placés sous la responsabilité de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) — et leurs limites sont également au cœur des revendications des microbrasseries. 

Actuellement, une directive de la RACJ permet aux titulaires d’un permis de production artisanale de vendre et de servir leurs alcools dans plus d’une centaine de marchés publics, d’événements et de foires agricoles. Elle exclut donc les microbrasseries et les microdistilleries, qui détiennent des permis différents. « Le consommateur ne voit pas la différence entre les types de permis, fait valoir Marie-Eve Myrand, directrice générale de l’Association des microbrasseries du Québec (AMBQ). L’esprit est le même : c’est du circuit court et de l’approvisionnement local. » Un avis partagé par l’UQMD et l’Association des marchés publics du Québec, qui a fait une sortie publique à ce sujet en avril. 

Les Affaires a voulu en discuter avec la RAJC, mais l’organisme de contrôle et d’encadrement « n’accorde jamais d’entrevue », car « son rôle est de faire appliquer la loi telle qu’elle existe », indique sa porte-parole, Me Joyce Tremblay. Quant au ministre Fitzgibbon, il atteste qu’« il y a eu des représentations à ce sujet, mais [que le gouvernement a] décidé de ne pas agir » sur le dossier dans le PL17, considérant que celui-ci « peut encore mûrir ». 

« Je prends ça comme une porte ouverte à continuer le dialogue, se réjouit Marie-Eve Myrand. Je suis optimiste de nature, donc je vais espérer que l’on puisse l’inclure à la suite des commissions parlementaires. » 

En matière d’accès aux consommateurs, le PL17 ne répond pas non plus à la requête des microbrasseries de pouvoir livrer leurs bières directement au domicile des clients. Pierre Fitzgibbon réplique que Québec « y va progressivement » dans ce domaine et qu’il « n’est pas encore rendu à ouvrir le marché de cette façon ». 

« Personne ne peut nier qu’il y a une évolution dans les habitudes de consommation — qui intègrent maintenant la vente en ligne —, donc comme industrie, il va falloir suivre, rétorque la directrice générale de l’AMBQ. Et on trouve qu’il y a une iniquité réglementaire, car acheter de l’alcool en ligne et se le faire livrer, c’est possible à partir de la SAQ. » 

En somme, le PL17, « c’est comme si on prenait une petite cuillère pour pelleter un banc de neige, illustre-t-elle. Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt prendre une pelle pour aller plus vite ? »

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