Des créateurs d'avenir, de génération en génération

 
René Vézina

À pareille époque, l'an passé, nous lancions notre grande tournée sur la relève en entreprise, qui allait nous conduire aux quatre coins du Québec et nous donner l'occasion de vérifier si, oui ou non, notre économie était à la veille de s'effondrer avec le départ prochain à la retraite des baby-boomers.


Par René Vézina


Ne riez pas, dans certains milieux, c'est la thèse dominante : on ne reverra plus jamais chez nous des leaders comme ceux qui ont relancé le Québec depuis la Révolution tranquille. Les véritables bâtisseurs s'éteignent les uns après les autres, disent ces nostalgiques. Et non seulement la relève est-elle rare, mais les jeunes qui se disent prêts à foncer n'ont pas la même trempe, paraît-il.


J'ai même entendu dire, il n'y a pas si longtemps : «Imaginez, ils/elles veulent même avoir leurs fins de semaine.» Sacrilège ! Des aspirants entrepreneurs qui n'ont pas le goût de mourir à la tâche !


Sans y souscrire, j'admets que ces préjugés faisaient quand même partie du bagage de départ au début de notre tournée. De toute façon, les relevés les plus récents faisaient état d'une pénurie de jeunes entrepreneurs et d'une crise potentielle, parce que les «cédants» sont - statistiquement - beaucoup plus nombreux que les possibles repreneurs.


Au fil des mois et des kilomètres (7 000 km en tout), nos échanges nous ont montré, région après région, que les candidats entrepreneurs n'étaient pas si rares et qu'ils étaient à la fois réfléchis, organisés et déterminés.


Oui, leur rapport au travail n'est pas le même que celui de leurs prédécesseurs. Ils ne rechignent pas devant le boulot, sans avoir l'intention de se laisser ensevelir par les tâches. Comme ils sont souvent mieux formés que leurs prédécesseurs, ils savent aussi mieux calibrer leurs efforts. Inutile pour eux de se lancer dans toutes les directions et de penser remplir toutes les fonctions. En plus, ils disposent d'un outil fabuleux : Internet. Que ce soit pour trouver des informations clés ou pour discuter des bons coups avec leurs pairs, ils en connaissent l'usage et ne se gênent pas pour s'en servir. À cet égard, ils sont bien plus productifs que leurs aînés, qui devaient parfois consacrer des heures de recherches pour en arriver aux résultats que Google fournit aujourd'hui en un clic de souris...


Un phénomène n'a pas changé : la génération en place regarde toujours la suivante avec un peu de complaisance, voire de paternalisme. Dans les années 1960, les dirigeants d'aujourd'hui ont eu droit à ce traitement de la part de leurs aînés qui déploraient, par exemple, le déclin du cours classique et les nouvelles idées en rupture avec le passé. Le «Canada français» s'en allait tout droit vers sa perte...


La relève de la garde a pourtant eu lieu sans que le désastre annoncé se produise, bien au contraire. Et les barbus chevelus du moment ont évolué en mettant en place les fondements d'une société dynamique tournée vers l'avenir ; ils en ont raffermi la culture tout autant que l'économie.


Comment expliquer, alors, qu'ils reproduisent les mêmes comportements teintés de suffisance, du type «après moi le déluge» ? Qu'ils regardent aujourd'hui de haut les plus jeunes, alors qu'ils se sont fait faire le même coup il y a 30 ou 40 ans ?


Ce doit être dans notre nature, je présume, de nous penser uniques et irremplaçables. Mais il faudra bien finir par donner la chance au coureur, et notamment trouver une façon de financer des aspirants entrepreneurs, dont l'expérience est embryonnaire et le modèle d'entreprise, déroutant. Auriez-vous misé dix dollars sur Facebook en 2005 ?


Talent et détermination


Là réside l'un des intérêts du concours Créateurs d'avenir* que vient de lancer Les Affaires. J'ai bien hâte de voir quel portrait d'ensemble présenteront ultimement les plus méritants. En ce sens, le fait qu'on retienne comme critère, par exemple, l'importance de l'engagement communautaire illustre à quel point les valeurs ont changé. Ce critère est pourtant un élément clé, au même titre que la qualité des réalisations, pour reconnaître les leaders actuels.


Ce sera bientôt le moment de les présenter au grand jour. On ne connaît pas la tournure des événements, si le potentiel d'aujourd'hui mène aux réalisations de demain, mais il faut y croire. En fait, il faut surtout admettre que le talent et la détermination survivront aux baby-boomers...


* www.createursdavenir.com


DE MON BLOGUE


Finances publiques


Le trou noir de la dette québécoise


Une dette publique, c'est comme un trou noir : elle aspire la lumière autour et on a peine à s'y retrouver. Observons la toute dernière bataille de chiffres [...] La dette du Québec est nettement plus élevée que prévu, soutient le vérificateur général, Michel Samson [...] Il n'y a rien de nouveau, répond le ministre des Finances, Raymond Bachand (notre photo).


Vos réactions


«Je me demande ce qu'attendent les agences de notation pour réagir, pendant encore combien de temps elles vont gober les magouilles et la comptabilité fantaisiste ?»


- pbrasseur


«Comment peut-on tolérer que la Financière subventionne des productions agricoles chroniquement déficitaires comme le veau d'embouche et le porc à l'engraissement ? Cette organisation est devenue un kyste disgracieux. Elle ne sert qu'à perpétuer un modèle d'inefficacité dont nous devrions avoir honte.»


- Patrick


rene.vezina@tc.tc


blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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