Les jeux de janvier... en Bourse

Publié le 26/01/2014 à 09:55

Les jeux de janvier... en Bourse

Publié le 26/01/2014 à 09:55

A la veille des JO de Sotchi, se déroule en ce moment l'effet janvier à la Bourse de New York. Photo: Bloomberg

Si les Jeux olympiques qui se dérouleront bientôt à Sotchi monopolisent l'attention, une autre partie se joue et se répète depuis des décennies en Bourse. Il s'agit d'une partie d’échecs à laquelle se livrent plusieurs spéculateurs qui tentent de tabler sur ce que nos voisins du sud appellent le «january effect» pour réaliser un gain rapide et sans effort.

Est-il encore possible, au 21e siècle, de réaliser un profit en utilisant l’effet janvier, ou n’est-ce en fait qu’un mythe? D’abord, définissons ce que l’on veut dire par effet janvier, puis voyons ce que la Théorie des jeux en pense.

Cueillir des aubaines

Lorsqu’on utilise le terme «january effect» ou «effet janvier», on désigne un phénomène récurent qui survient habituellement entre le début de décembre et la fin de janvier de l’année suivante et qui, aussi fidèlement que le solstice, annonce la fin de l’année. Les investisseurs, individuels ou institutionnels, ayant dansé tout l’été, veulent maintenant sécuriser la plus faible imposition possible.

De façon à dégonfler les résultats pour l’année, ceux-ci vendent les pires titres qu'ils détiennent toujours, diminuant du coup le montant total qui sera imposé. Ce grand ménage leur permet aussi de présenter un portefeuille plus blanc que blanc, ne conservant que les titres qu’ils jugent «présentables».

C’est alors que, ayant flairé l’aubaine, le rusé renard entre en scène. Personnifié par une horde de spéculateurs attentifs aux moindres mouvements du marché, ce renard s’empare de ces titres qui, croit-il, se négocient à un prix inférieur à ce qu’ils valent réellement. Ces spéculateurs n'ont qu'à cueillir les aubaines.

Une fois la fièvre de la fin d’année passée, le marché retrouve alors un peu de ce qui lui reste de rationalité, entraînant habituellement un retour à une valeur plus logique de ces titres indésirables. C’est ainsi que le rusé renard peut les revendre et, l’espère-t-il, réaliser un considérable profit.

Bien que cette pratique ait aujourd’hui largement passé ses heures de gloire, elle repose sur un raisonnement «logique» et est colportée depuis des lunes comme un moyen facile de s’enrichir. Elle s’est avérée tellement populaire pour les générations précédentes que bien des spéculateurs s’y risquent encore.

Le rôle du jeu

Le problème avec cette technique réside dans le fait que, comme pour la majorité des soit disant «recettes miracles», son secret n’a pas tardé à être dévoilé au grand jour. Propulsée par la curiosité qu’elle suscitait au sein de la communauté financière, cette stratégie s’est rependue comme une vilaine grippe, menaçant de désarçonner tous ceux qui s’y frottaient de trop près.

Des résultats décevants auraient cependant pu être prévus par une autre mode, apparue environ au même moment et qui s’est aussi rependue à une vitesse folle dans le monde de la finance, celle de la Théorie des jeux.

Popularisée par le professeur John F. Nash durant les années 50, la Théorie des jeux, plus précisément ici, la théorie des jeux non-coopératifs répétés, stipule qu’en considérant les avantages inhérents aux choix que poseront les «joueurs» (acteurs) d’un jeu (toute situation d’interdépendance), on peut prédire la situation d’équilibre (stratégies dominantes et équilibre de Nash) qui en résultera, donc prédire les actions de chacun.

En appliquant ces principes à l’effet janvier, tentons de déterminer ce que serait la stratégie dominante de chacun des joueurs.

L’essentiel du jeu se déroule entre le prix attendu par l’acheteur et le vendeur. Les acheteurs sont si nombreux que nous devons considérer que ceux-ci sont en nombre infini. Ils prennent toutefois tous leurs décisions simultanément et à répétition, soit lors de la vente d’un titre. Cette décision est partagée entre deux choix possibles: acheter ou ne pas acheter le titre.

Au cours des premières années, tandis que peu de joueurs sont au fait de la stratégie, les spéculateurs bénéficieront vraisemblablement d’un avantage à acheter les titres rejetés par les vendeurs, puisque, tel que mentionné en début d’article, les vendeurs désirent se débarrasser de ces boulets et peu d’acheteurs cogneront aux portes pour s’en porter acquéreurs. Les spéculateurs pourront profiter de l’effet janvier pour réaliser un profit.

Quelques années plus tard, lorsque la méthode aura suffisamment attiré l’attention, un nombre beaucoup plus grand de spéculateurs tenteront leur chance à ce jeu. Les vendeurs, bien conscients de la popularité grandissante de leurs titres, auront comme stratégie dominante de ne pas vendre leur titre à un prix inférieur à ce qu’ils valent réellement, puisqu’ils les vendront de toute manière. Les spéculateurs achèteront alors les titres à leur valeur réelle, voire même plus cher, anéantissant ainsi tout espoir de gain.

S’agit-il d’une situation d’équilibre? Il est probable que non.

Après quelques années de maigres profits, la plupart des spéculateurs se seront désintéressés de cette stratégie, faisant ainsi diminuer le nombre potentiel d’acheteurs à un niveau suffisamment bas pour que les acheteurs restants réalisent tout juste un bénéfice. Par conséquent, plus personne a intérêt à entrer dans la dance ou à en sortir. On assiste ainsi à une situation d’équilibre. C’est la situation qui prévaut donc à long terme.

Paradoxalement, c’est la popularité de cette stratégie qui fait en sorte qu’elle ne nous rapportera pas plus que de parier sur la Jamaïque au bobsleigh. Pour l'investisseur individuel, il vaut donc mieux chercher ailleurs cette perle rare tant convoitée par «le marché». La seule chose que vous risquez, c’est de vous éviter une amère déception. À moins que vous ne sentiez que la chance vous sourira cette année?

Je me nomme Marc-Olivier Caron et ceci est mon tout premier article. Il s’inscrit dans une série d’articles rédigés par les membres du Fonds Alpha en collaboration avec Les Affaires. Le Fonds Alpha est un fonds communs géré par des étudiants de la Faculté des Sciences de l’Administration de l’Université Laval dont le but est de faire fructifier le capital des étudiants investisseurs, tout en développant la relève financière. Pour ma part, je suis étudiant de première année au baccalauréat en administration des affaires, majeure en finance. Si vous avez aimé ce que vous avez lu, demeurez à l’affut pour les prochains articles de mes collègues qui paraîtront sur LesAffaires.com.

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