Les actionnaires du Fonds de solidarité FTQ devraient élire la majorité des membres au conseil

Publié le 31/10/2013 à 11:18, mis à jour le 16/11/2016 à 10:32

Les actionnaires du Fonds de solidarité FTQ devraient élire la majorité des membres au conseil

Publié le 31/10/2013 à 11:18, mis à jour le 16/11/2016 à 10:32

Texte co-écrit avec Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance.

BLOGUE-À l’aire de la finance mondialisée et rapace, le Fonds de solidarité FTQ représente une remarquable innovation financière. Devenu en trente ans un grand partenaire financier avec des actifs de plus de $ 9,3 milliards appartenant à quelque 616 000 épargnants, le Fonds détient des investissements dans 2 400 entreprises québécoises de petite et moyenne taille.

Les états financiers du Fonds montrent que ses rendements sont enviables et que la majorité des placements sont de haute qualité. Donc, le Fonds de solidarité est en excellente santé et joue un rôle essentiel au Québec avec plus de 700 millions $ de nouveaux investissements annuels, ce qui représente un apport précieux en capital de risque nécessaire aux entrepreneurs québécois.

Si les fonds de travailleurs FTQ et CSN continuent de prospérer au Québec alors qu’ils ont lamentablement échoué dans les provinces anglophones, c’est parce que les centrales syndicales se sont fortement investies notamment dans leur gouvernance et la cueillette de l’épargne chez leurs membres. Faut-il rappeler que 56 % des actionnaires du Fonds de solidarité sont des syndiqués FTQ.

Malheureusement, depuis 2010, le Fonds de solidarité FTQ a été périodiquement éclaboussé par certaines allusions à des transactions douteuses, soupçonné d’avoir cédé aux pressions indues exercées sur lui par des centrales syndicales associées à la FTQ. Ces allégations restent à prouver mais en toute éventualité, le Fonds de solidarité doit mettre en place des garde-fous et une gouvernance à toute épreuve de façon à placer le Fonds au-dessus de tout soupçon.

La Commission parlementaire qui se penchera le 5 novembre prochain sur la gouvernance du Fonds devrait soulever au moins trois questions :

1.- En 2013 et pour la suite, quelle devrait être la nature des liens entre la FTQ et le Fonds de solidarité?

2.- Est-il normal et de saine gouvernance que les 616,000 épargnants du Fonds, qui apportent 100% des fonds, ne puissent élire que deux administrateurs sur 17 et que le bureau de direction de la FTQ désigne au moins 10 membres du conseil du Fonds, en l’occurrence tous des dirigeants syndicaux?

3.- Le président du conseil d’administration du Fonds doit incarner l’indépendance de l’organisme et son autonomie décisionnelle. N’est-il pas contraire à ce principe que de présider à la fois la FTQ et le Fonds de solidarité?

Trente ans après la mise sur pied du Fonds de solidarité, la FTQ, tout en continuant de suivre l’évolution de cette grande institution financière, doit comprendre que le moment est venu pour la FTQ de prendre une certaine distance.

Proposition 1 : Neuf membres sur 17 membres du conseil du Fonds de solidarité devraient être élus par l’assemblée annuelle des « actionnaires ».

La direction de la centrale devrait maintenant déléguer aux actionnaires le droit de choisir la majorité des administrateurs. Quelques administrateurs proches de la centrale continueront de siéger pour rappeler l’importance de la culture particulière de l’institution, laquelle n’est pas un simple fonds d’investissement. Évidemment, le comité de gouvernance du conseil devra s’assurer que les personnes proposées aux actionnaires partagent les valeurs propres à un fonds de travailleurs.

Proposition 2 : Un de ces neuf membres devrait être choisi par ses pairs pour présider le conseil d’administration. Il faut éviter toute confusion entre le rôle de président du conseil d’une grande institution financière et le rôle de président d’une centrale syndicale.

Les dirigeants de la FTQ rappellent à juste titre que la gouvernance du Fonds a évolué avec la création en 2009 des comités sectoriels composés d’une majorité de membres indépendants qui doivent approuver tous les projets d’investissements avant leur présentation au conseil. Toutefois, au 31 août dernier, des hauts dirigeants de la FTQ présidaient la quasi-totalité de ces cinq conseils « d’indépendants » Cette structure de gouvernance est ainsi viciée dans sa forme et, de toute façon, ne change pas le fait que le conseil d’administration exerce la responsabilité ultime sur ces décisions.

La Loi régissant la FTQ n’a pas été modifiée depuis sa création en 1983. L’heure est maintenant venue d’ajuster la gouvernance du Fonds de solidarité à sa réalité contemporaine. La FTQ doit continuer de jouer un rôle significatif dans la supervision du Fonds. Mais la gouvernance de ce grand fonds de travailleurs ne doit ne laisser aucun doute que les membres du conseil d’administration et la haute direction ne poursuivent qu’un seul objectif : la réussite à moyen et long terme de cet instrument de développement économique remarquable et essentiel pour le Québec.

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que les auteurs.

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Yvan Allaire est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance (IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. Il est membre de la Société royale du Canada ainsi que du Council on Global Business Issues du World Economic. Professeur de stratégie pendant plus de 25 ans, il est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées, dont les plus récents coécrit avec le professeur Mihaela Firsirotu : Capitalism of Owners (IGOPP, 2012), Plaidoyer pour un nouveau capitalisme (IGOPP, 2010), Black Markets and Business Blues (FI Press, 2009), à propos de la crise financière et de la réforme du capitalisme.

 

À propos de ce blogue

Yvan Allaire, Ph. D. (MIT), MSRC, est président exécutif du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance(IGOPP) et professeur émérite de stratégie à l’UQÀM. M. Allaire est le co-fondateur du Groupe SECOR, une grande société canadienne de conseils en stratégie (devenue en 2012 KPMG-Sécor) et de 1996 à 2001, il occupa le poste de vice-président exécutif de Bombardier. Il fut, de 2010 à 2014, membre et président du Global Agenda Council on the Role of Business – Forum économique mondial (World Economic Forum). Profeseur Allaire est auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la stratégie d’entreprises et la gouvernance des sociétés publiques et privées.

Yvan Allaire

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