L’ouverture d’une petite succursale de la SAQ dans un supermarché Metro de Laval pourrait servir de première et mener, dans le réseau, à l’arrivée d’autres mini boutiques amenant leurs propres travailleurs, au détriment des syndiqués déjà en place qui risqueraient alors de perdre leur emploi. Des projets du genre seraient dans les cartons, comme avec Première Moisson. Et c’est ce qui inquiète le président des TUAC-500, Tony Filato. (TUAC, pour Travailleurs et travailleuses unies de l’alimentation et du commerce).
M. Filato n’a pas aimé que j’écrive dans un précédent blogue que les objections de son syndicat, qui entend contrecarrer ce projet pilote de la SAQ, allaient à l’encontre des intérêts des consommateurs. Parce que fondamentalement, l’idée est séduisante : enfin, pouvoir acheter tous ses aliments, vins de qualité compris, sous un même toit ! Mais la direction des TUAC-500 soutient qu’il faudrait que ce soit les employés du supermarché qui fassent le travail, et non pas le personnel de la SAQ, ce qui est prévu. Ce serait facile de les former, dit-elle.
Là-dessus, j’ai des doutes. On peut aimer ou non le monopole de la SAQ, elle en est venue avec le temps à nous proposer de véritables conseillers dans ses succursales. Pas sûr que les travailleurs affectés à d’autres départements dans les supermarchés pourraient rapidement s’improviser connaisseurs.
Mais les craintes de M. Filato pourraient être fondées si, comme il le dit, cette arrivée de la SAQ signale une tendance qui pourrait faire mal à ses gens. Par exemple, il paraît que Metro songe à implanter des mini boulangeries Première Moisson (qu’elle vient d’acheter) en lieu et place des comptoirs qu’on trouve déjà dans ses épiceries. Si ça arrive, les employés qui faisaient auparavant le travail ne seraient plus requis. Peut-être que le pain de Première Moisson est bon, mais généralement, les miches arrivent congelées et il suffit de les faire cuire ou de les faire réchauffer. Ce n’est pas si différent de ce qu’on fait déjà sur place.
Qui plus est, le président du syndicat n’a pas apprécié que cette arrivée de la SAQ se soit négociée en catimini sans que les TUAC n’en ait été avisés, dit-il, ce qui aurait été la moindre des choses, selon lui. Par le passé, on a accepté des aménagements du genre quand ils sont apparus fondés. La confection des sushis dans des supermarchés Metro, par exemple, est assumée par des employés extérieurs à l’établissement parce que c’est un travail plus spécialisé. Le personnel serait celui de Bento Sushi.
Autrement dit, la porte n’est pas automatiquement fermée. Mais elle le sera si les employés syndiqués subissent un préjudice, et M. Filato estime que dans de cas de la SAQ, c’est ce qui risque de se produire.
Il se défend bien de tomber dans le corporatisme, comme je l’écrivais, même s’il prend d’abord, et c’est compréhensible, la part de ses membres. C’est leur statut, et leur salaire, qu’il entend protéger en voulant bloquer le projet de la SAQ avec Metro. Peut-être. Je persiste à croire que ce serait un beau progrès pour les consommateurs, mais on peut comprendre les réticences d’un syndicat qui craint de voir éroder les conditions de travail de ses membres. Idéalement, on finira par en arriver à un compromis.
En passant, il est toujours rafraîchissant, pour un chroniqueur, de pouvoir discuter intelligemment avec un interlocuteur qui ne partage pas le même point de vue… mais qui soulève des arguments pertinents. C’est ce qui est arrivé dans ce cas-ci. Tant mieux.
