Bien des gestionnaires ont subi la pression de détenir Valeant

Publié le 22/10/2015 à 12:06

Bien des gestionnaires ont subi la pression de détenir Valeant

Publié le 22/10/2015 à 12:06

Photo: Shutterstock

Soulever le nom de Nortel rappelle de bien mauvais souvenirs à plusieurs investisseurs, j’en suis désolé. Or, la chute récente du titre de Valeant(Tor., VRX) et surtout les interrogations concernant son modèle d’affaires me rappellent singulièrement l’épisode Nortel. De façon plus précise, elles mettent en lumière un phénomène qui touche la plupart des gestionnaires de portefeuille, ce que j’appellerais «la pression institutionnelle».

Qu’en est-il exactement? Le gestionnaire de portefeuille qui préconise une philosophie de gestion à long terme fait bien souvent face de la part de ses clients à une pression pour l’inciter à adopter une approche qui est diamétralement opposée à sa façon de gérer. En effet, qu’il s’agisse d’un fonds de pension ou d’un particulier, le client concentre très souvent son attention sur le rendement à court terme de son portefeuille – c’est la nature humaine. Ainsi, les gestionnaires dont le portefeuille fait moins bien que le marché boursier à court terme courent le risque de perdre des clients, voire leur boulot.

La tentation est donc très forte, voire trop forte, pour un gestionnaire de portefeuille de tenter d’obtenir des rendements constamment supérieurs à ceux des marchés. Or, une des façons les plus évidentes pour un gestionnaire de mal paraître face à un indice boursier est de ne pas détenir en portefeuille un titre qui obtient de forts rendements depuis quelque temps. Si par surcroît ce titre représente un fort pourcentage de l’indice de référence, la pression devient encore plus palpable.

Cela a été le cas de Valeant au cours des dernières années. Si je me reporte à la fin de juillet dernier, le titre représentait à lui seul près 5,85% de l’indice canadien S&P/TSX. Qui plus est, le titre avait à ce moment enregistré une hausse de près de 97% depuis le début de 2015 et de 159% au cours des 12 mois précédents. Dans de telles conditions, la pression poussant un gestionnaire à acheter le titre de Valeant devient écrasante.

Ce phénomène explique aussi pourquoi tant de portefeuilles gérés par des gestionnaires professionnels s’apparentent drôlement à leur indice de référence. En construisant de tels portefeuilles «miroirs», un gestionnaire réduit sensiblement son risque de faire moins bien que son indice de référence.

La situation récente de Valeant me rappelle fort bien celle de Nortel à la fin des années 1990. La valeur du titre de Nortel avait tellement augmenté pendant la période de gonflement de la bulle techno qu’il représentait près de 35% de l’indice canadien. C’est donc dire que tant que le titre continuait de s’apprécier, un gestionnaire qui n’en détenait pas dans son portefeuille était condamné à faire sensiblement moins bien que son indice. Imaginez la pression que ressent ce gestionnaire!

C’est d’ailleurs un des avantages que possède Warren Buffett au sein de Berkshire Hathaway. Contrairement aux gestionnaires de portefeuille, il n’est pas soumis à des pressions de ce genre puisque le capital de Berkshire Hathaway ne peut pas être retiré par des investisseurs insatisfaits. De plus, M. Buffett ne risque pas perdre son poste parce que le rendement du plus récent trimestre est inférieur à celui des indices boursiers.

L'objectif d'un gestionnaire ne doit pas être de surpasser les indices à tout moment, mais bien sur de longues périodes.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine. Il est également éditeur de la Lettre financière COTE 100, publiée depuis 1988.

 

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