L'ennui, c'est quand les autres n'ont pas le même humour que le nôtre... Photo: DR
Combien de fois vous a-t-on déjà dit et répété qu'il était vital d'avoir du fun au travail? Un millier de fois? Non, un million de fois? Le hic, c'est que personne ne s'est encore aventuré à vous expliciter ce qu'était 'avoir du fun'. Pas vrai?
Est-ce que ça signifie accomplir des tâches plus passionnantes les unes que les autres? Ou bien, passer de bons moments avec ses collègues, jour après jour? Ou encore, rigoler à tout bout de champ, tant l'atmosphère de travail est détendue? Hum... Il n'est pas évident de trancher, n'est-ce pas?
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Alors? Eh bien, je crois qu'il existe pourtant un réponse. Si, si... Elle tient dans le fil conducteur de chacune de ces interrogations, un fil conducteur qui se résume, lorsqu'on y regarde de près, à un seul mot : l'humour. Explication.
Dans un récent billet de blogue intitulé Can we truly be happy at work?, Dan Pontefract, idéateur en chef, bureau de la transformation, de la compagnie canadienne de télécommunications Telus, explique que ceux qui ont spontanément du fun dans ce qu'ils font, ce sont les enfants.
Pourquoi? Parce que si on leur demande de faire quelque chose qui ne leur plaît pas, ils ont l'intelligence de refuser, ou sinon de grimacer et de réduire leur efficacité à néant. Et parce que s'ils se lancent dans une activité qui leur permet d'exprimer leurs talents, ils donnent d'eux-mêmes leur 110%, tout sourire; et ont, du coup, un fun immense.
D'où sa recommandation : s'inspirer du fun des enfants pour distiller du fun auprès des employés. Comment, au juste? En veillant à miser sur «une culture empreinte d'ouverture, de collaboration, d'harmonie et d'humour», estime-t-il. Oui, vous avez bien lu, d'humour.
«Les blagues ne devraient plus être taboues comme elles le sont pourtant aujourd'hui sur nombre de lieux de travail, dit-il. Elles devraient être au contraire encouragées.»
C'est qu'une étude de Cynthia Leslie-Bole, menée en 1985 alors qu'elle était étudiante en communication à l'Université du Delaware (États-Unis), a mis au jour le fait que l'humour présentait de multiples avantages au travail :
> Il apaise les tensions liées aux inévitables rivalités de pouvoir au sein de l'équipe;
> Il régule l'interdépendance des membres de l'équipe entre eux;
> Il équilibre les forces de différenciation et d'intégration inhérentes à l'équipe.
Autrement dit, l'humour permet de créer une meilleure ambiance de travail, et par suite, une atmosphère propice à l'efficacité, pour ne pas dire la productivité. L'humour est donc bel et bien la clé magique du fun au travail.
Les Françaises Angela Minzoni et Éléonore Mounoud, toutes deux professeures de management à CentraleSupélec, donnent davantage de détails à ce sujet dans leur livre Faisons simplexe de A à Z (puf, 2016). Au mot 'humour', elles indiquent :
«L'humour permet surtout de prendre du recul par rapport à ce que l'on vit. Il peut donc être un moyen pour un groupe soumis à de fortes pressions de s'en échapper. (...)
«Il est des personnes qui utilisent l'humour pour faciliter les interactions sociales par la plaisanterie, et d'autres pour lesquelles l'humour permet d'exprimer des messages de réprimande ou de désaccord, mais sur un ton positif. (...)
«Dans les situations professionnelles difficiles, l'humour semble de nature à réduire les pathologies du travail tel que le stress ou l'épuisement professionnel; il permet aux individus de retrouver de l'énergie. Il est aussi un facteur de cohésion sociale et de bonne communication entre les membres d'une équipe : il développe la confiance puisqu'il signale la bienveillance et manifeste une forme d'attention à autrui.»
Ce n'est pas tout! Mmes Minzoni et Mounoud ajoutent que l'humour présente d'autres avantages :
> Les personnes ayant de l'humour créent plus facilement des réseaux de connexions, car l'humour est un facteur de socialisation;
> L'humour permet d'éviter la colère et la frustration, qui peuvent s'avérer destructrices;
> L'humour représente une manière socialement acceptable d'extérioriser sa propre agressivité liée au stress, et même de contrecarrer l'agressivité d'autrui;
> L'humour permet de rompre les modèles de pensée circulaires et improductifs, car il favorise l'adoption de nouvelles perspectives;
> L'humour développe enfin l'imaginaire, la créativité et l'innovation au travail.
Pas mal, non? Un bémol, toutefois :
«Il existe des usages agressifs de l'humour, qui consistent à être drôle au détriment d'autrui et qui visent à manipuler les autres en les ridiculisant, en les prenant pour cible. Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que l'humour est diversement apprécié, à tel point parfois que ce qui peut paraître comique à l'un peut être perçu comme méchant ou insultant par les autres», soulignent-elles.
On le voit bien, l'humour est un ingrédient essentiel au fun des uns et des autres au travail. Mais un ingrédient qui, mal dosé, risque de tout gâcher — un peu comme le sel peut faire rater un bon petit plat.
«Bien entendu, je ne préconise pas de transformer votre lieu de travail en un vaste cirque rempli de clowns, mais de considérer celui-ci comme un espace de jeu, où l'humour est le bienvenu pourvu qu'il soit maîtrisé. Parce que cela contribuera grandement au fun des employés», dit M. Pontefract.
Voilà. À vous de jouer, à présent, en lâchant votre fou pour le plus grand plaisir de vos collègues!
En passant, le médecin neurologue autrichien Sigmund Freud disait : «L'humour ne se résigne pas, il défie».
