Quelques lumières sur LA vertu des véritables leaders

Publié le 16/06/2020 à 08:00

Quelques lumières sur LA vertu des véritables leaders

Publié le 16/06/2020 à 08:00

Prendre le temps de se connaître soi-même... (Photo: Tim Bogdanov/Unsplash)

BLOGUE. Hier, je vous indiquais que les véritables leaders avaient un trait de caractère en commun, ou plutôt une vertu commune, soit l’humilité. Des études scientifiques récentes en attestent. Mais voilà, faire preuve d’humilité c’est quoi, au juste? Ce n’est tout de même pas simplement se contenter de dire «Je ne sais pas» quand on n’a pas la solution au problème rencontré…

Anselm Grün est moine à l’abbaye bénédictine de Münsterschwarzach, en Bavière (Allemagne), et auteur de bestsellers empreints de sagesse comme «Accomplis ce pour quoi tu es fais» (Salvator, 2014) et «Les Huit secrets du bonheur» (Salvator, 2008). Dans son livre «Trouver le juste équilibre - Vers une vie épanouie» (Médiaspaul, 2016), il parle justement d’humilité. Voici ce qu’il en dit, en substance…

«De nos jours, l’humilité n’est pas une notion très prisée, note-t-il. Ce n’est pourtant rien d’autre que le courage de la vérité, le courage d’entrer en relation avec soi-même et avec les choses.

«En latin, humilité se dit humilitas. Ce terme vient d’humus, la terre. Elle est donc le courage de prendre en compte son origine terrestre, le courage de descendre dans la profondeur de son âme, dans sa propre vérité. C’est le courage de se tenir les deux pieds sur terre, sans en décoller. (...) Ainsi, l’humilité, c’est la condition pour être attentif à soi-même, et pour bien se comporter envers soi-même.

«Selon le psychologue suisse C.G. Jung, l’humilité est une attitude importante pour l’homme mûr. Cela signifie pour lui d’observer ses propres zones d’ombre pour les intégrer dans sa vie. Celui qui a l’honnêteté de se connaître lui-même devient humble. Il n’a pas en lui seulement des côtés parfaits; il en possède qui le sont moins. Selon Jung, l’humilité est le courage de regarder sa propre vérité. Ce courage conduit à la sérénité. Je cesse d’avoir peur de mes zones d’ombre; je n’ai besoin d’aucune énergie pour les cacher péniblement; je suis capable de me regarder en face tel que je suis.

«Nombreux sont ceux qui dépensent trop d’énergie à sauver les apparences. Tout ce qui les contredit, ils tentent de le refouler. (...) Or, l’humilité est le courage d’assumer tout ce qui m’agite. Quand je le fais, le danger s’atténue. L’humilité me délivre de la peur du volcan qui se trouve en moi. (...)

«Je connais bien des managers qui, dès qu’ils parviennent à des responsabilités, organisent leur bureau d’une nouvelle façon. Ils se débarrassent des vieux meubles. Mais c’est la plupart du temps une perte d’énergie et un gaspillage de ressources, car on aurait pu simplement les nettoyer, leur donner un nouveau lustre. (...) De manière générale, on voudrait que tout soit réaménagé et flambant neuf. Mais il faut se comporter autrement vis-à-vis des choses, adopter une attitude humble, se pencher sur les choses, les apprécier telles qu’elles sont. Sinon, il est impossible d’avoir sur elles un impact à la fois bénéfique et durable.

«Ce concept d’humilité est démodé pour un grand nombre d’entre nous; pourtant, il est crucial pour notre rapport aux choses et à nous-mêmes. Si nous étions davantage attentifs et modestes envers tout ce qui nous environne - êtres comme choses -, nous échapperions à la démesure, nous nous approcherions un peu plus du juste équilibre dans notre existence.»

Bref, faire preuve d’humilité, ça revient à oser se regarder en face, à s’accepter tel qu’on est et, ce faisant, à accepter les autres tels qu’ils sont, avec leurs qualités et leurs défauts. Puis, à agir en conséquence, c’est-à-dire à interagir avec autrui sur un même pied d’égalité, de manière bienveillante. L’idée est alors de grandir ensemble, et non pas l’un au détriment de l’autre.

François de Sales est un prêtre catholique savoyard qui est devenu saint au 17e siècle, quatre décennies après son décès. Ses nombreux écrits sont encore publiés de nos jours tant ils sont inspirants, à l’image du livre «De la modestie» (Folio sagesses, 2018). Dans ce dernier figure un texte sur l’humilité on ne peut plus éclairant…

C’est qu’aux yeux de François de Sales l’humilité comporte cinq degrés qu’on peut ainsi résumer:

1. Se connaître soi-même

«Le premier degré de l’humilité, c’est la connaissance de soi-même, note-t-il. Grâce à notre propre conscience, nous connaissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misère et abjection. (...) Il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d’aveuglement qu’elles ne connaissent assez clairement leur vileté, c’est pourquoi il ne faut pas s’arrêter à ce degré-là, et passer au deuxième, qui est la reconnaissance.»

2. Se faire connaître aux autres

«La reconnaissance, c’est de dire et d’écrire ce que nous connaissons de nous, avec un vrai sentiment de nos défauts. L’important est alors la sincérité de l’aveu.

«Parlez à la femme la plus vaine du monde, ou à un courtisan, en lui disant : «Mon Dieu, que vous êtes brave, que vous avez des mérites! Je ne vois rien qui approche de votre perfection». «Ô Jésus, vous répondront-ils, excusez-moi, je ne vaux rien et ne suis que la misère même, qu’imperfection.» Cependant, ils sont extrêmement aises de s’entendre louer, et encore plus si vous le croyez comme vous le dites. Car, si vous les preniez au mot sur leurs fausses humiliations, ils s’en offenseraient et voudraient sur-le-champ qu’on leur fît réparation d’honneur.»

3. Se dévoiler sans fard

«Le troisième degré est d’avouer et confesser notre vileté et abjection quand les autres la découvrent. (...) Il faut avouer franchement, et dire : «Vous avez raison, j’ai bel et bien le défaut que vous dénoncez, vous me connaissez extrêmement bien». Et ce degré-là est déjà fort bon si vous parvenez à l’atteindre.»

4. S’aimer malgré tout

«Le quatrième, c’est d’aimer le mépris et se réjouir quand on nous avilit. Car, à quoi bon tenter de sauver les apparences, de tromper l’esprit d’autrui?

«Puisque nous savons que nous avons nombre de défauts et que cela ne nuit en rien à la bienveillance dont on peut faire preuve, il faut être bien aise qu’on nous croie, qu’on le dise et qu’on nous traite en conséquence.»

5. Tirer du positif à partir du négatif

«Le cinquième, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d’humilité, c’est non seulement d’aimer le mépris, mais aussi de le désirer, de le rechercher et de s’en servir pour permettre à autrui de grandir. Ceux qui parviennent jusqu’ici sont bien heureux, mais leur nombre est fort petit.»

Voilà. L’humilité est la clé d’un véritable leadership. C’est ce qui permet à un leader de jouer de ses qualités et de ses défauts afin de favoriser le développement des autres. C’est ce qui lui permet d’atteindre des objectifs individuels et collectifs qui, autrement, paraîtraient impossible à atteindre.

Concrètement, un leader qui fait preuve d’humilité arrête de considérer que les autres sont à son service pour se mettre à considérer que c’est à lui de se mettre au service des autres. Il doit non plus commander et contrôler chaque membre de son équipe, mais plutôt rencontrer chacun d’eux individuellement pour expliquer qu’il est juste là pour apporter les ressources dont ils ont besoin pour atteindre l’objectif visé, et pour rien d’autre. Car l’important c’est le but commun et le chemin parcouru ensemble pour y parvenir, et non pas la gloriole du leader. Pas vrai?

En passant, le philosophe français Emil Cioran a dit dans De l’inconvénient d’être né : «N’est pas humble celui qui se hait».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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