Leaders, votre façon de communiquer est «débile», dit Elon Musk!

Publié le 14/09/2017 à 06:12, mis à jour le 14/09/2017 à 11:16

Leaders, votre façon de communiquer est «débile», dit Elon Musk!

Publié le 14/09/2017 à 06:12, mis à jour le 14/09/2017 à 11:16

Elon Musk est à la tête de Tesla et de SpaceX. Photo: DR

Elon Musk, l'homme à la tête du constructeur automobile de voitures électriques Tesla et de la firme astronautique SpaceX, est récemment sorti de ses gonds. En août dernier, il s'est fendu d'un mémo interne à Tesla carrément renversant, dans lequel il dénonce la façon «incroyablement débile» dont les employés communiquent avec leurs managers, puis les managers entre eux. Une façon – je le souligne – dont tout le monde, en vérité, communique au sein d'une organisation...

Il enchaîne par une explication lumineuse de la totale inefficacité de la manière dont, vous comme moi, nous communiquons à l'interne. Puis, préconise une toute nouvelle façon de s'y prendre, a priori aussi simple qu'efficace.

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Curieux d'en savoir davantage? Parfait. Voici, donc, ma libre traduction du mémo en question, sur lequel le magazine Inc. a réussi à mettre la main:

«Objet : Communication interne chez Tesla

«Il y a deux écoles de pensée concernant la meilleure façon de communiquer au sein d'une organisation. La plus commune est la chaîne de commandement, qui veut qu'un employé doit impérativement passer par son manager immédiat pour faire circuler une information. Le hic? C'est que cette façon de faire ne sert qu'à renforcer le pouvoir du manager, et est dépourvue de la moindre utilité pour l'organisation elle-même.

«Du coup, lorsqu'un problème survient, il ne peut être réglé vite et bien, comme cela serait le cas si la personne consciente du problème en parlait directement à la personne idoine, par exemple d'un autre département, afin que la meilleure solution soit mise en branle avec efficacité. Ce à quoi nous assistons, en fait, c'est l'obligation pour l'employé en question d'en parler à son manager immédiat, lequel est obligé d'en parler au manager concerné d'un autre département, lequel en parle ensuite à l'employé de son département qui est en mesure de régler le problème soulevé; enfin, l'information doit prendre le chemin inverse pour revenir au premier employé.

«Cette façon de faire est incroyablement débile. Et à l'avenir, si jamais un manager y recourt à nouveau, ou même la laisse perdurer au sein de son département, croyez-moi, il va lui falloir trouver une autre job ailleurs. Je ne plaisante pas.

«Désormais, chez Tesla, nous allons nous concentrer sur l'autre école de pensée en la matière. Chaque employé se doit à présent de communiquer (de vive voix ou par courriel) directement avec la personne qu'elle pense être la plus à même de résoudre le problème rencontré, pourvu qu'il soit persuadé que cela est dans le plus grand intérêt de l'organisation. Ce qui signifie que vous pouvez maintenant parler directement au manager de votre manager sans demander la permission de ce dernier; vous pouvez maintenant parler directement au VP d'un autre département; vous pouvez maintenant me parler directement; oui, vous pouvez parler directement à n'importe qui sans avoir à en demander l'autorisation à quiconque.

«Mieux, vous devez désormais considérer que vous avez l'obligation de faire en sorte qu'un problème dont vous avez conscience soit résolu vite et bien; et donc, de mettre en oeuvre ce qui doit l'être pour y parvenir. L'idée n'est pas ici de se mettre à discuter à tort et à travers avec n'importe qui, mais d'assurer une résolution éclair du problème rencontré. Car, si nous ne pouvons rivaliser avec les grands constructeurs automobiles par la taille, nous le pouvons en revanche par notre intelligence et notre agilité...

«Un dernier point. Les managers doivent veiller à ne plus jamais créer de silos au sein de l'organisation, lesquels se traduisent par des réflexions du genre «nous vs. les autres» et par des barrages empêchant une saine circulation de l'information. Je sais que la création de tels silos est un réflexe naturel, néanmoins chacun doit lutter farouchement contre cette tendance. Et ce, en commençant par réaliser que la moindre barrière entre les départements et entre les gens représente un obstacle au succès collectif.

«Nous sommes tous sur le même bateau. Chacun de nous doit par conséquent oeuvrer pour le bien commun, et non plus pour celui de son seul département.

«Merci

«Elon.»

Wow! C'est dit, et par nul autre qu'Elon Musk. Notre façon de communiquer, basée sur la hiérarchie, est une nuisance. Ni plus ni moins. Si bien qu'il convient sans tarder de passer outre les barrières hiérarchiques. Carrément. Je vous l'avais dit, il s'agit là bel et bien d'un renversement de paradigme...

L'idée est, somme toute, assez simple... Il suffit de considérer votre organisation comme une forme géométrique composée de points identiques – les employés, sans aucune considération de leur niveau hiérarchique – reliés entre eux par des traits – les liens effectifs entre eux, et non pas les liens hiérarchiques. Puis, de regarder l'aspect de cette forme géométrique :

> Harmonie. Si elle paraît équilibrée, pour ne pas dire harmonieuse, c'est que tout va bien, l'information peut librement y circuler, c'est-à-dire passer aisément du point de départ A au point d'arrivée B (et inversement). C'est ce que prône Elon Musk.

> Disharmonie. Si elle paraît déséquilibrée, avec des amas de liens autour de certains points et des absences de liens autour d'autres, c'est qu'il y a un problème de communication à l'interne. L'information peine dès lors à se rendre du point A au point B (et inversement). D'ailleurs, j'imagine que vous le constatez jour après jour au sein de votre propre organisation : quand il vous faut attendre des jours entiers le GO d'un boss; ou encore, quand vous n'osez pas envoyer un courriel à votre PDG pour lui faire part d'un problème épineux, «parce que ça ne se fait pas».

C'est clair, un changement s'impose. Ne serait-ce qu'en raison du fait que le bien commun est en jeu, comme l'indique Elon Musk. Pourtant, je m'interroge : «Un changement aussi brutal a-t-il la moindre chance d'être couronné de succès?» J'en doute...

Pourquoi? Parce que tout le monde ne peut pas accepter de changer du tout au tout, du jour au lendemain. Parce que tout le monde n'est pas prêt à être vraiment à l'écoute des autres (imaginez la tête de votre PDG si vous débouliez sans prévenir dans son bureau, dans les cinq minutes qui viennent...). Parce que tout le monde n'est pas à l'aise d'assumer la responsabilité de régler de lui-même le problème auquel il est confronté. Bref, pour un million de raisons axées sur le fait que chacun de nous a ses forces et ses faiblesses en matière de communication, et donc, qu'il n'est pas réaliste d'imposer à chacun de devenir d'un coup d'un seul un pro de la communication.

Cela étant, la voie désignée par Elon Musk est celle qu'il convient de prendre. Résolument. Car elle favorise l'épanouissement de chacun et, par suite, celui de l'organisation. Mais à condition d'être empruntée en douceur, avec méthode; certainement pas en menaçant d'emblée de virer les réfractaires.

Que retenir de tout ça? ceci, à mon avis:

> Qui entend instaurer une saine communication au sein de son organisation se doit de s'inspirer d'Elon Musk. Il lui faut considérer son organisation comme un vaste réseau de points (les employés) et de traits (les liens effectifs entre eux). Puis, constater les défauts de la forme géométrique que représente ce vaste réseau – les accumulations de traits à certains endroits, et les absences de traits à d'autres. Enfin, rendre plus harmonieux cette forme-là, en supprimant les éventuels barrages et en nouant les éventuels liens absents. Bref, il doit libérer la parole, et non plus la bureaucratiser.

En passant, l'écrivaine belge Amélie Nothomb a dit dans Mercure : «La parole émancipe».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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