BLOGUE. Il semble y avoir quelque chose dans l'air en cette fin de 2011 qui favorise enfin un peu les consommateurs de services de télécommunications, en particulier pour l'accès à Internet.
Il y a d'abord eu la décision du CRTC de revenir sur un verdict précédent et de reformuler la façon dont les petits fournisseurs d'accès qui revendent le réseau de Bell ou Vidéotron aux consommateurs étaient facturés. La première décision avait été extrêmement impopulaire, entre autres parce qu'elle attaquait fortement la notion d'accès Internet « illimité ».
Puis il y a eu une autre décision du CRTC, concernant cette fois les exclusivités mises de l'avant par les entreprises intégrées. Cas type: des matchs des Canadiens accessibles uniquement sur les téléphones intelligents branchés sur le réseau de Bell. Le CRTC n'en veut pas.
Cette fois, c'est Bell elle-même qui annonce, peut-être parce qu'elle sent que l'air du temps ne lui est pas trop favorable, qu'elle mettra fin le 1er mars prochain à une autre pratique impopulaire. Celle-ci consiste à limiter la vitesse de certains types de trafic sur Internet, plus particulièrement celui des échanges poste-à-poste (P2P). Cas type encore une fois: les internautes qui téléchargent des films ou de la musique via BitTorrent, parfois légalement, mais très souvent illégalement.
Dans la lettre qu'elle a envoyée au CRTC pour expliquer sa décision, Bell avance les raisons suivantes:
« Avec la popularité grandissante des services de vidéo en direct et d'autres types de trafic, la portion du trafic total attribuable à l'échange de fichiers poste-à-poste diminue. Cela ne signifie pas que les échanges de ce genre n'ont plus d'impact sur les réseaux. Néanmoins, grâce aux importants investissements que nous avons faits pour augmenter la capacité de notre réseau, et compte tenu des mesures économiques déjà en place (NDLR: des frais excédentaires une fois dépassée une limite de téléchargement, par exemple), nous retirerons cette mesure, tant pour nos clients directs que pour nos clients de gros à compter du 1er mars 2012. »
Je n'éprouve pas de sympathie particulière pour la grande majorité des clients qui s'estimaient floués par cette mesure. Je continue de croire que les activités que Bell limitait ainsi étaient en très large majorité illégales.
Malgré cela, je suis satisfait de l'abandon de cette pratique, parce qu'elle représentait un trou dans une muraille que l'on souhaiterait étanche, celle qui protège la « neutralité » d'Internet. Cette neutralité est un concept voulant que les opérateurs de télécommunications n'aient rien à dire sur la nature des données qui circulent sur leur réseau.
En cette ère de consolidation et d'intégration verticale, il s'agit d'un concept essentiel. En étant un peu paranoïaque, mais à peine, on peut facilement imaginer qu'un opérateur comme Vidéotron pourrait, un jour, décider de limiter l'accès de ses abonnés à des sites ou toute autre forme de contenu produit par un concurrent.
C'est peut-être un peu gros, allez-vous dire. Je vous répondrai que c'est très gros. Mais auriez-vous pensé, il y a quelques années, qu'il serait interdit de montrer des iPhone à l'écran de TVA parce que Vidéotron n'en vend pas? Et pourtant, petit trou par petit trou, on a fini par franchir cette muraille-là.
Très content, donc, que Bell ait refermé son trou dans l'autre muraille.
