Pouliot: Rona, le remerciement de Robert Dutton

Publié le 09/11/2012 à 15:15

Pouliot: Rona, le remerciement de Robert Dutton

Publié le 09/11/2012 à 15:15

BLOGUE. A-t-on demandé à Robert Dutton de partir? Il semble bien que oui, à la lumière du mutisme dans lequel s'est enfermée vendredi la société.

Un communiqué muet en explications et personne de disponible pour fournir plus d'indications, si ce n'est une responsable des communications forcée de naviguer dans un corridor de communication très étroit.

- Monsieur Dutton aura-t-il une prime de séparation?

« Elle sera conforme aux conditions de son contrat d'emploi », a-t-on répondu. En se gardant évidemment de dire si monsieur Dutton était congédié « sans cause » ou « pour cause ».

Attendez-vous à voir passer une indemnité pour congédiement « sans cause » dans la prochaine circulaire de direction.

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Si l'initiative du départ était venue de monsieur Dutton, l'événement aurait été beaucoup plus transparent et moins immédiat. Le successeur aurait probablement même déjà été trouvé.

Pourquoi le départ

Certains l'attribueront à la forte opposition manifestée par le chef de direction lors de l'offre d'acquisition de Lowe's, il y a quelques semaines.

Le conseil d'administration de Rona avait été fortement critiqué sous plusieurs aspects: prise de position nationaliste plutôt que capitaliste, retard à divulgué l'intérêt de Lowe's pour la société, etc.

Il est possible qu'on lui ait fait reproche de toutes les critiques reçues, mais on n'accorderait pas une forte probabilité à l'hypothèse.

C'est plutôt qu'après avoir refusé une offre à 14,50$ et avoir vu son titre retraiter sous les 10$, le conseil n'était sans doute pas sans voir l'ampleur du travail à faire pour convaincre les actionnaires qu'il peut créer autant de valeur à moyen terme.

Le motif officiel invoqué par le conseil, ne l'oublions pas, était que l'offre de Lowe's ne reflétait pas la valeur intrinsèque de l'entreprise. Ce qui est vrai, la plupart des analystes avaient à l'époque des cibles plus élevées (entre 13 et 19$).

Lorsque l'économie ralentit, et menace d'entrer en récession, il peut cependant s'écouler pas mal de temps avant que la valeur intrinsèque d'une entreprise ne se reflète dans son cours boursier.

Il y a quelques mois, Rona a développé un nouveau plan de match. Afin de se rapprocher de sa clientèle en augmentant le nombre de points de contact. Essentiellement, il s'agit de remplacer 23 big box par 38 magasins de format plus petit, principalement en Ontario. On est en train de fermer certaines grandes surfaces et d'en réduire d'autres.

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L'opération est majeure et l'on prévoit qu'elle pourrait ajouter autour de 40 M$ au bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement (BAIIA) sur deux ans. L'amélioration potentielle du BAIIA attribuable au plan est grosso modo de 15%. Au multiple auquel se négocie actuellement le titre (4,25 fois le BAIIA), c'est autour de 1,50$ de valeur supplémentaire par action. Soyons généreux et postulons que le multiple grimpe un peu, on obtient 2$ de richesse supplémentaire à espérer. Ce qui, ultimement, fait passer le titre de 10$ à 12$ d'ici 18 à 24 mois (dans le contexte d'une économie qui conserve sa cadence actuelle).

Non seulement le plan n'apparaît pas suffisant pour calmer l'humeur d'actionnaires déçus (l'offre était à 14,50$), mais il est probable qu'il n'était pas de monsieur Dutton.

Des analystes racontent en effet que la dernière opération a plutôt été conçue du côté de la comptabilité et il ne serait pas surprenant que le chef de direction intérimaire, Dominique Boies, en soit le réel instigateur.

Dans le contexte, on peut comprendre que le conseil se demandait si, après 20 ans à la tête de Rona, monsieur Dutton n'avait pas épuisé son carquois d'idées.

La séparation n'a pas dû être facile. Malgré les derniers écueils, Robert Dutton était un dirigeant dynamique, qui savait motiver et entraîner à sa suite. Il était aussi dépeint comme une personne ayant de hautes valeurs humaines. C'était un bâtisseur comme il s'en fait peu.

Il reste maintenant à voir si quelqu'un peut vraiment améliorer significativement la performance de Rona, dans un marché mature et après un boom immobilier qui risque d'avoir un effet ressac sur quelques années.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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