Pourquoi l'Allemagne ne laissera pas tomber la Deutsche Bank

Publié le 08/10/2016 à 08:38, mis à jour le 08/10/2016 à 11:55

Pourquoi l'Allemagne ne laissera pas tomber la Deutsche Bank

Publié le 08/10/2016 à 08:38, mis à jour le 08/10/2016 à 11:55

Photo: Bloomberg

ANALYSE DU RISQUE– Pouvez-vous imaginer Québec laisser le Mouvement Desjardins faire faillite à la suite d'une crise de liquidité, où la Banque Royale(Tor., RY) du côté d'Ottawa? Bien sûr que non, étant donné leur rôle central dans l'économie et les conséquences politiques qu'aurait un tel geste. Eh bien, c'est la même chose en Allemagne: jamais Berlin ne laissera tomber Deutsche Bank (NY., DB) qui est en pleine tourmente.

Aussi, le risque d'une chute de Deutsche Bank–la première banque allemande et la quatrième d'Europe– comme l'américaine Lehman Brothers, qui a fait faillite en 2008, créant une onde de choc sur les marchés financiers, est très peu probable, voire nulle, disent plusieurs analystes.

Le prix économique et financier à payer serait tout simplement trop élevé, tout comme du reste le prix politique.

À l'automne 2017, il y a aura une élection générale en Allemagne au cours de laquelle la chancelière Angela Merkel tentera d'obtenir un quatrième mandat. Une faillite de Deutsche Bank et l'impact désatreux que cela aurait en Allemagne– incluant la perte de symbole national fort– nuiraient à sa réélection.

En 2008, Washington avait refusé de secourir Lehman Brothers, ce qui avait provoqué sa descente aux enfers et celles des marchés financiers. Sachant ce qui s'est passé par la suite (la pire crise depuis la Dépression des années 1930), le gouvernement américain prendrait sans doute une autre décision si l'on pouvait reculer dans le temps, et ce, même si Lehman Brothers n'a pas l'envergure de Deutsche Bank.

Actuellement, la banque allemande inquiète les marchés financiers et les autorités européennes, car le ministère américain de la Justice lui réclame 14 milliards de dollars américains pour régler un ancien litige lié à la crise des prêts immobiliers risqués (les subprimes) qui avait provoqué la Grande récession de 2008-2009.

Des fonds de couverture (hedge funds) ont même vendu à découvert le titre de Deutsche Bank, selon le Wall Street Journal. Depuis un an, l'action a pratiquement perdu la moitié de sa valeur, comme on peut le voir sur ce graphique.

Par contre, l'indice DAX de la Bourse allemande et l'Euro Stoxx 50, le principal indice de la zone euro, ont tenu le coup.

Deutsche Bank et la justice américaine négocient fort actuellement.

Aussi, il est possible que la somme que doit allonger l'institution allemande soit plus faible que prévu, estiment certains analystes.

Pour sa part, la direction de Deutsche Bank se veut rassurante.

Elle affirme que les assises de la banque sont solides et qu'elle pourra faire face à la musique le cas échéant - elle songe même à vendre des actifs afin d'avoir plus de liquidité.

Toutefois, il faut demeurer critique par rapport à ce type de déclaration, car la direction de Lehman Brothers affirmait, elle aussi, qu'elle contrôlait la situation...

L'enjeu est de taille.

Deutsche Bank est l'une des institutions financières européennes qui a le plus de ramifications à l'étranger, avec une présence dans une dizaine de pays. En fait, ce que les investisseurs craignent le plus, c'est une crise de confiance envers Deutsche Bank, selon Pascal Bernachon, stratège chez KBL Richelieu, une banque française.

«C'est-à-dire que la méfiance s'installe et que plus personne n'accepte de prêter à Deutsche Bank, avec un risque de crise de liquidité à la clé», a-t-il dit dans un entretien au mensuel français Capital.

Mais selon lui, ce risque est «faible», car la Banque centrale européenne (BCE) irait au front et assurerait les besoins en liquidité si nécessaire.

Berlin apporterait aussi à coup sûr son soutien.

C'est pourquoi la répétition d'un scénario à la Lehman Brothers est improbable.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand