Le lien entre M.Spock et le prix Nobel d'économie 2017

Publié le 10/10/2017 à 11:10

Le lien entre M.Spock et le prix Nobel d'économie 2017

Publié le 10/10/2017 à 11:10

Par Diane Bérard

Mr Spock, l'ultime homo oeconomicus, n'existe pas, rappelle Richard Thaler, prix Nobel d'économie 2017

C’est l’histoire d’un professeur d’économie qui en a marre que ses étudiants râlent à propos du niveau de difficulté de ses examens et de la moyenne trop faible. Il change le système de notation. Désormais, les examens sont notés sur 137 ou lieu de 100. Lors de l’examen suivant, la moyenne est de 96/137 soit 70/100. Une moyenne inférieure à celle de l’examen précédent qui était de 72/100, car l’examen était plus difficile. Pourtant, aucun étudiant ne râle. Au contraire, ils sont réjouis! Une moyenne générale de 96 leur apparaîy beaucoup plus juste qu’une moyenne de 72…

Ce professeur se nomme Richard Thaler. On vient de lui décerner le prix Nobel d’économie 2017. En plus d’enseigner à l’université de Chicago, Thaler a conseillé de nombreux dirigeants politiques dans l’élaboration de politiques publiques.

Richard Thaler est un spécialiste de l’économie et de la finance comportementale. Il s’élève contre des décennies d’Homo oeconomicus. Le consommateur, l’investisseur, le citoyen ne sont pas à l’image de monsieur Spock. Vous et moi, nous prenons nos décisions à partir d’informations incomplètes. Et nous sommes mus par des pulsions incontrôlables et des désirs irrationnels.

Voici quelques exemples des travaux du prix Nobel de l’économie 2017, Richard Thaler

Le paternalisme libertarien (développé en collaboration avec le philosophe et juriste Cass Sunstein): comme ne nous sommes pas des êtres totalement rationnels, nous faisons des choix qui ne sont pas toujours optimaux.

Toutefois, les politiques publiques peuvent être conçues de telle sorte qu’elles incitent/influencent le citoyen à aller vers des choix plus optimaux. C’est le côté paternaliste du concept.

Par contre, aucun choix n’est éliminé de la palette proposée au citoyen. Il n’est pas question de réduire les libertés individuelles. C’est le côté libertarien.

Donnons un exemple, soit l’épargne pour la retraite aux États-Unis (401K). Auparavant, un employé souhaitant cotiser au 410 K devait choisir l’option «oui» sur un formulaire. Par défaut, c’était l’option «non» qui était cochée. Désormais, c’est l’inverse. C’est l’option «oui» qui est cochée par défaut. Toutefois, l‘employé a le choix de ne pas souscrire à un plan d’épargne pour la retraite ou de souscrire à un plan à l’extérieur du travail et de la gérer lui-même.

Le paternalisme libertarien vise à améliorer le bien-être des individus sans pour autant réduire leur liberté de choix.

Le pouvoir des coups de pouce ou l’économie bienveillante

Richard Thaler emploie l’expression « nudge » que l’on pourrait traduire par «coup de pouce». Il en a fait un livre, «Nudge, Improving decisions about Health. Wealth, and Happiness». Le paternalisme libertarien est intrinsèquement bienveillant. Il doit répondre aux trois conditions suivantes :

1-La transparence et l’honnêteté;

2-Tous les choix doivent être accessibles, on doit pouvoir se désabonner facilement du choix favorisé;

3-Les instigateurs de ces politiques doivent avoir des raisons solides de croire que le comportement que l’on tente d’influencer améliorera réellement le bien-être de ceux qui l’adopteront.

La comptabilité mentale

Vous et moi, nous investirons/dépenserons notre argent différemment selon l’étiquette qu’on y appose. Ainsi, les retraités britanniques consacrent une plus grande partie de leur revenu au chauffage de leur maison depuis que le gouvernement a renommé un supplément de revenu «supplément pour le carburant d’hiver ». Les retraités britanniques sont libres de dépenser cet argent comme ils le désirent. Mais la nouvelle appellation aurait un effet incitatif sur son allocation.

Quand l’économie et la finance tiennent compte des vrais comportements humains

Nous vivons tous dans le présent, rappelle Richard Thaler. Le futur n’existe pas. C’est pourquoi l’économiste américain a imaginé le programme SMarT (Save More Tomorrow) adopté par de nombreuses entreprises pour favoriser l’épargne retraite chez leurs employés.

Le principe: on préfère tous réduire nos gains futurs - parce que le futur n’existe pas - que nos revenus présents. Avec le programme SMarT, vous vous engagez à mettre de côté pour la retraite une portion de vos futures hausses de salaire. Vous investissez donc peu aujourd’hui, votre rythme de vie est donc peu affecté.

Depuis que le programme SMarT est implanté, on constate que 80% des ceux qui adhèrent persistent après leur 4e hausse salariale. Il semble aussi que le taux moyen d’épargne augmente de 3,5% à 13,6% au cours des trois premières années au cours desquelles un employé joint ce programme.

Le gros bon sens du Nobel de l'économie 2017

«Mon épouse, mes étudiants, les membres du Congrès américain ne comprennent pas grand-chose à l’économie, mais lorsqu’ils doivent interagir avec le marché on tient pour acquis que la magie de la main invisible va opérer (…) Le marché ne corrige pas les failles des individus. Il ne nous rend pas rationnels. (…) Il est temps que les économistes et les politiciens prennent en considération tous ces comportements humains classés non pertinents (Supposedly irrelevant factors). Cela nous aidera à rendre le monde meilleur.»

 

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