Hydro-Québec est une cible pour les espions

Publié le 14/05/2009 à 00:00

Hydro-Québec est une cible pour les espions

Publié le 14/05/2009 à 00:00

Par François Normand

C'est ce qu'affirment deux anciens agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Michel Juneau-Katsuya et David B. Harris. « Hydro-Québec est très à risque », dit M. JuneauKatsuya, président de Northgate Group, une firme-conseil en sécurité.

Pour sa part, M. Harris, directeur d'Insignis Strategic Research, souligne qu'HydroQuébec dispose d'une infra structure informatique semblable à celle des producteurs américains d'énergie. « Je ne vois donc aucune raison que la situation, au Québec et ailleurs au Canada, soit différente de celle des États-Unis », soutient-il.

Les États-Unis attaqués par la Chine et la Russie

Le 8 avril, le Wall Street Journal a révélé que des cyberespions avaient pénétré dans le réseau électrique américain, y laissant des logiciels d'infiltration pouvant être utilisés pour le perturber.

Les services secrets américains affirment que ces espions travaillent pour la Chine, la Russie et d'autres pays non identifiés. Les intrus n'ont pas perturbé le réseau, mais les autorités craignent qu'ils le fassent en cas de crise ou de guerre entre les États-Unis et ces pays.

La doctrine militaire de la Chine prévoit notamment des attaques informatiques sur les infrastructures essentielles de ses rivaux, en premier lieu les États-Unis.

Cette stratégie, expliquée dans le livre Unrestricted Warfare, publié en 1999 par deux colonels chinois, vise à paralyser l'ennemi en provoquant chez lui le chaos social.

Le réseau canadien a-t-il subi les mêmes attaques que celui des États-Unis - Ni le SCRS et ni les ministères de la Sécurité publique du Canada et du Québec n'ont voulu commenter.

Selon M. Juneau-Katsuya, il n'y a aucune indication - du moins publiée par les autorités - que des cyberespions aient pénétré dans des réseaux d'électricité au Canada.

Même si le Canada n'est pas une grande puissance, David Harris croit que certains pays pourraient attaquer ses réseaux pour nuire aux Américains, qui importent de l'électricité du Québec. « Interrompre la production à la Baie James aurait un impact aux États-Unis », rappelle M. Harris.

Hydro-Québec souvent attaquée par des pirates

Hydro-Québec affirme ne pas avoir subi d'intrusions par des cyberespions.  « Il n'y a pas encore eu ce genre d'attaques », indique la porte-parole, Flavie Côté.

En revanche, des pirates informatiques (hackers) indépendants tentent régulièrement de percer les défenses du réseau d'Hydro-Québec. « Il y a souvent des attaques qui sont contrées, notamment des tentatives de vol de nos secrets industriels, précise Mme Côté. Mais à ce jour, les hackers n'ont jamais réussi à pénétrer dans notre réseau informatique. »

Mme Côté assure qu'Hydro-Québec dispose de spécialistes capables de détecter et de contrer des attaques sophistiquées perpétrées par des États étrangers.

Hydro-Québec dispose d'une équipe d'évaluation de la menace pour lutter contre ce genre d'intrusions, explique Mme Côté. Cette équipe est en contact régulier avec le SCRS et les corps policiers par le truchement du Centre intégré d'évaluation des menaces, une agence fédérale.

Mais M. Juneau-Katsuya juge que les services secrets canadiens ne partagent pas assez d'information, ce qui prive Hydro-Québec de renseignements clés pour élaborer une meilleure stratégie de défense. « La société d'État n'a pas la capacité de découvrir d'où viennent les attaques », explique-t-il.

Yannick Berneron, un analyste indépendant en sécurité informatique, souligne que la plupart des entreprises surestiment leur capacité à faire face aux attaques d'États étrangers : « En général, les organisations ne sont pas forcément outillées pour éviter ce genre d'attaques ou de piraterie. »

Aux États-Unis, plusieurs intrusions de cyberespions n'avaient pas été détectées par les producteurs d'énergie, mais plutôt par les agences de renseignement.

Bientôt la cible d'espions étrangers ?

Selon M. Juneau-Katsuya, Hydro-Québec doit redoubler de vigilance.

« Ce n'est qu'une question de temps pour que la société d'État soit la cible de hackers chinois », dit-il.

L'ancien agent du SCRS souligne que des pays comme la Chine ont mis sur pied des groupes de recherche et des groupes offensifs qui ont déjà perpétré des attaques informatiques dans les pays occidentaux, dont le Canada.

De juin à juillet 2007, une vingtaine de ministères du gouvernement fédéral ont été victime d'une cyberattaque, dont ceux de l'Environnement, des Travaux publics et de la Défense, révélait La Presse en juin 2008 grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

À la même époque, les États-Unis, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont été victimes d'attaques similaires. Si les autorités canadiennes ont refusé d'identifier les auteurs de ces attaques, les cinq autres pays ont montré du doigt des pirates informatiques chinois.

Enfin, dans son rapport annuel de 2007-2008, le SCRS souligne que, « depuis un certain temps, le Canada fait l'object d'attaques informatiques d'ordre criminel, politique ou autre ».

francois.normand@transcontinental.ca

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