Le moment idéal pour mettre fin à l'orgie de rémunération

Publié le 08/11/2008 à 00:00

Le moment idéal pour mettre fin à l'orgie de rémunération

Publié le 08/11/2008 à 00:00

Jamais dans l'histoire boursière le moment n'a été aussi propice pour mettre le holà à l'incroyable orgie de rémunération des dirigeants de sociétés ouvertes. Et l'exemple devrait venir précisément des entreprises à l'origine de la crise, les financières.

Avec l'écroulement des Bourses du monde et la crise du crédit qui menace les économies, les actionnaires et investisseurs sont sous le choc. Leurs portefeuilles sont décimés, leur valeur ayant dégringolé depuis le début de l'année.

Encore plus douloureux, lorsqu'ils feront quelques calculs, ils réaliseront que leurs titres ne leur ont procuré aucun rendement depuis au moins cinq ans. Même que plusieurs titres n'ont pas progressé depuis 10 ans. Cela signifie que ces investisseurs n'ont pas été récompensés, tout en ayant exposé leur argent au risque boursier. Rien n'est plus frustrant.

Traitement princier chez Goldman Sachs

Pendant ce temps, les dirigeants ont été récompensés généreusement. Les exemples d'abus sont légion. Les sociétés financières ont été pointées du doigt, à juste titre.

Un exemple : le président et chef de la direction de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, a reçu 205 millions de dollars américains (M$ US) en salaire, primes et options, de 2003 à 2007. Seulement en 2007, il a obtenu 70,3 M$ US. Pendant ce temps, le titre de Goldman Sachs stagne au même niveau qu'en 2000, à 91 $ US !

Sans oublier que la société a dû émettre des actions ordinaires en septembre afin d'éviter le pire, tandis que Warren Buffett achetait pour 5 milliards de dollars américains (G$ US) d'actions privilégiées.

Dans ce contexte, l'actionnaire se demandera pourquoi on donne tant d'argent à des dirigeants qui, de toute évidence, ne sont pas si géniaux.

Le capital humain est crucial pour des sociétés comme Goldman Sachs. C'est pourquoi la rémunération compte pour la majeure partie de son budget : 20,1 G$ US par rapport à des dépenses totales de 28,4 G$ US et des revenus de 88 G$ US en 2007.

Mais ce n'est pas une raison pour que presque tout l'argent se retrouve dans les poches des employés et des dirigeants au détriment des actionnaires !

Goldman Sachs n'est qu'un des nombreux exemples d'excès en matière de rémunération. Et les sociétés financières sont loin d'être les seules fautives. Dans tous les secteurs, tant aux États-Unis qu'au Canada et au Québec, la rémunération des dirigeants est une véritable farce, une orgie où presque systématiquement la médiocrité se transforme en une richesse souvent colossale.

Que les dirigeants soient bien rémunérés, cela va de soi en raison de leurs importantes responsabilités. De plus, il est tout à fait normal que ceux qui affichent un rendement exceptionnel soient récompensés en conséquence.

Par contre, que des rendements ordinaires mènent à des émoluments princiers, voilà qui devrait révolter les actionnaires.

Arrêter de chialer et agir

Je crois que le contexte est plus propice que jamais au changement.

Je suis conscient que les appels à une réforme de la rémunération sont rarement entendus. La complaisance des conseils d'administration et la façon dont l'actionnariat est structuré mènent naturellement à l'inaction.

Toutefois, après tant d'années de vaches maigres, et devant l'effondrement des cours boursiers et l'absence de retenue des dirigeants, les actionnaires devraient ressentir une colère fort légitime, sinon de la rage.

C'est aussi vrai des petits investisseurs que des actionnaires institutionnels.

Mais il ne faut pas se leurrer. Ce n'est pas M. Untel, avec ses 100 actions de Goldman Sachs, qui va impressionner le conseil d'administration. Ce sont les investisseurs institutionnels, comme les caisses de retraite et les gestionnaires de fonds communs, qui ont vraiment le pouvoir de faire changer les choses. Ils doivent arrêter de chialer et passer à l'action.

Cela signifie renverser des conseils qui approuvent des régimes de rémunération indécents. Cela signifie refuser systématiquement tout octroi d'options et de primes pendant au moins un an (pourquoi récompenser les dirigeants alors que les actionnaires sont saignés à blanc ?).

Surtout, cela signifie une grande vigilance pour qu'à tout le moins, les conseils n'approuvent pas l'émission de nouvelles options aux cours déprimés ou, pire encore, la modification du prix d'exercice d'options existantes.

Imaginez l'horreur pour les actionnaires de Goldman Sachs si le prix d'exercice passait de 199 à 90 $ US avec la complicité du conseil d'administration.

Pourtant, je me demande si Warren Buffett dénoncerait cet abus.

DE MON BLOGUE

www.lesaffaires.com/rene-vezina

Bill Miller écrit à ses clients

Le gestionnaire Bill Miller n'écrit rien de bien génial à ses détenteurs du fonds Legg Mason Value Trust. Il leur conseille la patience, même si les parts du fonds ont fondu de plus de 50 % cette année.

Vos réactions

" Quand on réalise que des gestionnaires de fonds ne sont pas capables d'avoir l'heure juste sur les sociétés dans lesquelles ils investissent, au point de ne même pas se rendre compte que certaines sont au bord de la faillite, on ne peut être que perplexe. La leçon que je retiens de cette crise, c'est qu'à l'avenir je m'occuperai moi-même de mon REER et de mon portefeuille. On n'est jamais si bien servi que par soi-même. "

- Solange Petit

" C'est à se demander s'il n'y a pas un certain élément de chance à la Bourse. "

- Yan Faubert

" Normalement, j'achète lors de toutes les crises. Dans ce cas, pour la première fois de ma carrière d'investisseur, je réduis significativement mes positions. Il y a une probabilité suffisamment forte qu'il s'agisse d'un véritable retournement d'une vague de crédit de plusieurs décennies. "

- Jacques Simard

bernard.mooney@transcontinental.ca

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