La vérité sur le stress au travail

Publié le 09/05/2009 à 00:00

La vérité sur le stress au travail

Publié le 09/05/2009 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

On connaît la chanson. Les temps sont durs, nous devons mettre l'épaule à la roue et faire plus avec moins pour traverser la crise économique. C'est ce que bien des employeurs disent à leurs employés ces temps-ci, alors qu'ils sabrent dans leurs effectifs.

Mais les employés canadiens sont plus stressés que jamais. Ils sont inquiets pour leur emploi, préoccupés par leur situation financière et surchargés de travail. Si l'on se fie à un récent sondage effectué par SOM Recherches sur Internet pour le compte de Desjardins Sécurité financière et l'Association canadienne pour la santé mentale, une personne sur trois a vu son niveau de stress augmenter depuis le début de la récession, et 30 % des répondants souffrent d'anxiété, d'insomnie, de maux de tête et de douleurs musculaires. Des conséquences du stress. Mince consolation : le pourcentage des Québécois disant avoir éprouvé des problèmes de stress dans la dernière année est moins élevé que la moyenne nationale (36 % comparativement à 47 %).

Un mythe déboulonné

Peut-on demander à des employés à ce point sous pression d'être plus productifs ?

Jusqu'à maintenant, des consultants en gestion et des psychologues industriels faisaient valoir que le stress au travail pouvait être positif et qu'il pouvait même accroître le rendement des employés.

C'est faux, affirment deux chercheurs québécois.

"Les employeurs me demandent comment augmenter la productivité de leurs employés dans un environnement stressant. Je leur réponds : "Impossible, leur cerveau ne le permettra pas"", relate Sonia Lupien, directrice du Centre d'études sur le stress humain de l'Hôpital Louis-H.-Lafontaine, à Montréal.

Impossible, parce que dès que nous sommes stressés notre cerveau se met à fonctionner autrement, d'une façon qui n'est pas productive, poursuit cette neuroscientifique de réputation mondiale qui a étudié l'impact du stress sur la mémoire.

Soumis à un stress, poursuit-elle, le cerveau se concentre uniquement sur l'élément stresseur. Un mécanisme de survie.

Une théorie mal interprétée

Paradoxalement, Sonia Lupien était celle sur qui les employeurs s'appuyaient pour affirmer que le stress était bon pour le rendement. En effet, la chercheuse a établi qu'un stress modéré améliore la mémoire, tandis qu'un niveau de stress trop bas ou trop élevé se traduit par une faible efficacité de la mémoire. Cette relation peut être illustrée par une courbe en U inversé.

Mais cette théorie, explique-t-elle, a été mal utilisée par des gens qui, à son avis, "manquaient d'éthique ou de connaissances scientifiques". Car sa théorie, explique-t-elle, indique que le stress accroît la mémorisation de l'agent stresseur, mais diminue celle de tout ce qui l'entoure !

"Si votre patron vous fait venir dans son bureau et vous engueule au sujet d'une tâche mal accomplie, votre mémoire ne se souviendra pas des détails de la tâche, mais elle se souviendra de ce que votre patron portait ce jour-là."

Inversement proportionnel

Eric Gosselin, du Centre d'étude et de recherche sur l'emploi, le syndicalisme et le travail de l'Université du Québec en Outaouais, est, quant à lui, arrivé à la conclusion que le rendement est inversement proportionnel au stress. Ainsi, selon cette recherche, plus on subit de stress, moins on est productif.

"Le stress induit une motivation extrinsèque et négative - par exemple, la peur de perdre son emploi - et non une motivation intrinsèque qui sera positive - comme le désir de bien faire son travail -, explique-t-il. À mon avis, le stress positif n'existe pas. Mais c'est une croyance populaire répandue parmi les employeurs !"

Les deux chercheurs font la même hypothèse : l'environnement de travail et les facteurs organisationnels peuvent jouer un rôle dans l'augmentation ou la diminution du stress.

Eric Gosselin étudie présentement l'impact de variables organisationnelles sur la perception des agents stresseurs par des enseignants de l'Outaouais. Son hypothèse est la suivante : le leadership, la résolution de conflits et la culture de l'entreprise ont une incidence sur le stress des employés au travail. Par exemple, un leadership participatif réduirait le stress, alors qu'un leadership autoritaire l'augmenterait. Les résultats de son étude seront publiés en septembre.

Standard Life finance la plus vaste étude canadienne sur le stress

Sonia Lupien, elle, participe à une étude portant sur 3 000 travailleurs québécois répartis dans 60 entreprises, la plus vaste enquête au Canada sur le stress humain. Pilotée par l'Université de Montréal et cofinancée par la compagnie d'assurance Standard Life, cette recherche vise d'abord à identifier les stresseurs en milieu de travail et à évaluer leur effet sur la sécrétion de l'hormone de stress, le cortisol. Dans un deuxième temps, il s'agit d'établir le lien entre la sécrétion de cortisol et la détresse psychologique, la dépression et l'épuisement professionnel.

Selon Sonia Lupien, quatre caractéristiques augmentent le niveau de stress d'une tâche : le manque de contrôle, l'imprévisibilité, la nouveauté et l'effet sur l'égo, que Mme Lupien résume par l'acronyme CINE. Le fait d'avoir peu de contrôle sur sa tâche, de devoir constamment s'adapter à de nouvelles technologies, de ne pas pouvoir prédire ce qui va arriver ou encore de subir des atteintes à l'estime de soi (insultes, agressions, critiques constantes) contribuent à stresser un employé. Selon Sonia Lupien, un stress chronique augmente le risque de développer des maladies mentales.

Elle a aussi observé que ces facteurs agissaient différemment d'un groupe à l'autre et d'une personne à l'autre. Pas évident pour un employeur de déterminer quels facteurs ont un effet sur tel ou tel employé. D'autant plus qu'il y a, comme l'indique Eric Gosselin, des types de personnalité plus sensibles au stress, comme l'introverti et le névrosé. Mais de plus en plus d'études et de sondages démontrent que l'environnement de travail est une source importante de stress et de détresse psychologique. À cet égard, le sondage de Desjardins Sécurité financière mentionne que pour les Québécois, le premier facteur de stress est la charge de travail (30,2 %), loin devant les questions d'argent (15 %) et la famille (10,7 %).

Les employeurs ont donc un rôle important à jouer pour réduire le stress, et ils ont tout à y gagner. Les enjeux vont s'amplifier du fait du vieillissement de la population - plus on vieillit, moins on tolère le stress - et de la pénurie de main-d'oeuvre - la proportion d'employés qui changeront de poste à cause du stress risque d'augmenter.

Les solutions restent à inventer. "Je rêve du jour où il y aura une norme ISO pour le stress", lâche Sonia Lupien.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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