Claude Ananou adore les récessions. Pour cet entrepreneur en série et chargé de formation au Service de l'enseignement du management à HEC Montréal, ce sont de fabuleux moments de renouveau.
"Il y a un changement de paradigme, dit-il, qui crée de nouvelles occasions. C'est exponentiel." La récession actuelle est encore plus prometteuse, selon lui. Financière à l'origine, elle secoue à la fois les milieux politique, économique et social, sur fond de crise environnementale et d'explosion des nouvelles technologies, qui permettent à moindres frais de se lancer en affaires.
À ceux qui ont perdu leur travail, il n'a qu'un message : "Créez votre entreprise ! Il y a plein d'argent à ramasser !"
"Les récessions sont de fabuleux moments de turbulences, positives ou négatives, ce qui crée des occasions", dit Nathaly Riverin, vice- présidente, recherche, vigie et développement, de la Fondation de l'entrepreneurship, qui s'efforce d'aviver la flamme - souvent vacillante - de l'entrepreneuriat québécois.
Après tout, Disney, Cisco, Microsoft ou Hewlett-Packard sont nées lors de récessions. La Silicon Valley a elle- même émergé, au milieu des années 1970, en pleine morosité économique.
Dans son blogue Top 10 Reasons to Start Up in a Recession, l'auteur Brad Sugars, chroniqueur au site Entrepreneur.com, liste plusieurs facteurs favorisant ceux et celles qui veulent lancer leur entreprise durant une récession : les locaux et l'équipement coûtent moins cher; il y a davantage de travailleurs qualifiés sur le marché; plusieurs entreprises songent à changer de fournisseurs pour réduire leurs coûts; et, argument massue, maintenant que vous voilà sans travail, il faut bien vous en créer un !
Des trous dans l'économie
"Durant les récessions, il faut trouver des solutions au manque d'emplois, dit Patrick Lacasse, président de Gestion Sun, une entreprise de Sherbrooke qui aide au démarrage d'entreprises en accompagnant les futurs entrepreneurs. Il se créera naturellement des trous dans l'économie. Certaines entreprises vont s'éteindre, d'autres vont naître."
"Lors des récessions, plusieurs secteurs d'activité sont délaissés par les entreprises, qui veulent moins s'éparpiller", dit Yvon Gasse, titulaire de la Chaire en entrepreneuriat et innovation de l'Université Laval. Il donne l'exemple d'entrepreneurs généraux qui décident de laisser tomber la rénovation résidentielle. "Cela crée automatiquement des occasions pour d'autres, d'autant que c'est un créneau qui ne demande pas de gros investissements de départ, ce qui est important quand le crédit se fait plus rare."
Il faut profiter, dit-il, de ce qu'on appelle les "imperfections du marché", des petits créneaux abandonnés ou sous-exploités qui ne réclament pas de grosses mises de fonds. Il fuirait cependant les secteurs des ressources naturelles et du manufacturier, qui exigent d'importants investissements et tournent au ralenti.
"Les récessions peuvent être un bon moment, selon le produit qu'on vend", dit Marvin Garellek, président de Tableau d'affichage des capitaux Internet, concepteur de logiciels. Les ventes de son logiciel de plan d'affaires ont explosé depuis six mois : elles sont de 5 à 7 fois plus élevées que l'an dernier à pareille date. Plus de 80 % de ses clients proviennent du pays le plus frappé par la tourmente : les États-Unis. "Mes clients ont perdu leur job, ils veulent lancer leur entreprise et ils achètent mon logiciel." À 69 $, il revient moins cher qu'un planificateur financier ou un coach en entrepreneuriat.
Mais il faut être prudent dans ces moments de ralentissement, et bien gérer ses liquidités. Si on y parvient, l'avenir peut être brillant, dit Marvin Garellek. "Une entreprise créée en pleine récession et qui réussit à survivre sera en très bonne position à la reprise."
