Il faut craindre une crise de l'euro

Publié le 13/03/2010 à 00:00

Il faut craindre une crise de l'euro

Publié le 13/03/2010 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

L'euro a eu un répit la semaine dernière, quand la Grèce a pu vendre une émission d'obligations d'un terme de 10 ans d'une valeur totale de 5 milliards d'euros (7 G$ US). Les investisseurs ont exigé un rendement de 6,37 %, soit plus du double de celui qu'ils demandent pour des obligations d'un même terme de l'Allemagne.

Les investisseurs ont été attirés par le taux de rendement, par un plan de compression des dépenses de 4,8 milliards d'euros adopté par le gouvernement grec et par le sentiment que la Commission européenne ne laissera pas tomber son enfant prodigue, malgré sa mauvaise gestion et son irresponsabilité fiscale.

Un exemple en dit long sur la prodigalité grecque : les Grecs partiraient à la retraite avec un revenu médian équivalant à 95,7 % de leur salaire final, selon une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques citée dans The New York Times. En Allemagne, la rente médiane équivaut à 43 % des salaires. Les Allemands ne sont pas ouverts à l'idée d'un sauvetage du gouvernement grec. Quant aux banques allemandes, elles ont déjà dans leur actif des prêts de 44 G$ US consentis à la Grèce. Elles n'en veulent pas plus.

Toutefois, l'accueil que les marchés ont réservé aux obligations émises par la Grèce pourrait bien n'être que temporaire. En effet, la Grèce devra renouveler des emprunts de 15 milliards d'euros à la fin d'avril et de 33 milliards d'euros plus tard dans l'année. Il est difficile d'imaginer que la Grèce pourra réaliser ces emprunts facilement. D'où le risque d'une autre crise à brève échéance, d'autant plus que la Grèce n'est pas le seul pays européen qui doit faire appel au marché des capitaux. L'Espagne, durement touchée par la récession (taux de chômage de 20 %), entend emprunter 85 milliards d'euros en 2010.

La Grèce et l'Espagne font partie des PIIGS, un acronyme péjoratif attribué au bloc Portugal-Irlande-Italie-Grèce et Espagne (Spain, en anglais), les cinq pays de la zone euro les plus à risque financièrement. Les pays de la zone euro ont tous adhéré au Pacte de stabilité et de croissance qui requiert que leur gouvernement respecte deux ratios clés : leur déficit budgétaire ne doit pas être supérieur à 3 % de leur produit intérieur brut; leur dette ne doit pas dépasser 60 % de leur PIB. Ces ratios ne sont pas respectés, et ce n'est pas de sitôt que plusieurs pays le respecteront. L'Allemagne et la France sont les mieux placés, avec des déficits budgétaires qui représentent 6,3 % et 7,5 % de leur PIB respectif.

Comme aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect de ces ratios, les pays trichent. Eurostat, qui a pour mission de surveiller les finances des États membres, n'a même par le pouvoir d'enquêter sur leurs finances.

D'où la facilité avec laquelle la Grèce a utilisé des CDS (credit default swaps) de devises étrangères fabriqués par Goldman Sachs pour enjoliver sa situation financière et pour adhérer à la zone euro, en 2001. D'autres pays européens auraient employé le même stratagème en toute impunité.

L'avenir de l'euro demeure très préoccupant pour plusieurs raisons :

1. La reprise économique sera très lente en Europe, ce qui signifie que les déficits des États resteront élevés et que leur dette continuera de croître, ce qui poussera les taux d'intérêt à la hausse;

2. Comme on le voit en Grèce tous les jours, les citoyens n'acceptent pas les mesures d'austérité qui leur sont imposées. Les grèves se multiplient dans les services publics, ce qui aggrave la situation économique. Les Portugais se rebiffent eux aussi, après que Lisbonne ait annoncé un gel des salaires, une réduction des pensions et des dépenses publiques, et des hausses d'impôt;

3. Les fonds spéculatifs s'acharnent sur l'euro. Selon The New York Times, leurs gestionnaires se sont même concertés dans un restaurant de New York, ce qui leur a valu des demandes d'explications écrites du ministère américain de la Justice.

La Commission européenne appuie l'initiative du ministre des Finances de l'Allemagne de créer un Fonds monétaire européen pour aider les pays en difficulté. Pour qu'il soit viable, ce fonds devra être doté d'un financement adéquat et d'un mécanisme décisionnel efficace, et devra avoir un pouvoir de sanction. Les États-Unis devront aussi mettre au pas les fonds spéculatifs. Ce sera tout un défi.

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