Trois continents, une multitude de marchés

Publié le 30/10/2010 à 00:00

Trois continents, une multitude de marchés

Publié le 30/10/2010 à 00:00

Le 5 octobre, une trentaine d'entrepreneurs et d'experts ont participé à trois tables rondes organisées par Les Affaires et Exportation et Développement Canada sur les aspects réglementaires et culturels à maîtriser pour exporter vers la Chine, l'Europe et les États-Unis. Les discussions ont permis aux participants d'accroître leurs connaissances dans le domaine et d'échanger des conseils pour réussir sur ces marchés.

LES PAYS ÉMERGENTS

La croissance des exportations québécoises passera principalement par la Chine, l'Inde et les pays d'Amérique latine, selon Pierre Fournier, consultant en géopolitique à la Financière Banque Nationale. " Pour nous, entrepreneurs du Québec, les marchés émergents sont une nécessité ", ajoute-t-il.

Les entrepreneurs ont peur de la Chine. Le premier mythe à briser, selon Guillaume Liu, directeur chez Secor Asia : la Chine n'est qu'un pays exportateur qui n'a pas besoin de nous.

Mais le pays est tributaire des importations à valeur ajoutée, des produits et des biens de milieu et de haut de gamme surtout.

" Depuis la réforme économique, les importations chinoises progressent de 30 % par an en chiffres absolus ", dit ce spécialiste de la Chine, qui a réalisé une étude sur les occasions pour les entreprises québécoises qui souhaitent exporter en Chine.

Dans la catégorie des produits industriels, la machinerie, les appareils mécaniques, l'équipement, les composants électriques, les produits du bois, l'équipement médical, les nouveaux matériaux, les technologies vertes et l'énergie se classent parmi les secteurs prometteurs. Le secteur des biens de consommation comporte une multitude de créneaux à exploiter, ajoute M. Liu. L'agroalimentaire, les meubles et les produits connexes, les équipements de loisir, les produits de luxe et les produits de santé-beauté offrent d'excellentes perspectives.

Exportation et implantation

Toutefois, pour une entreprise cherchant à s'implanter dans un pays émergent, M. Fournier, de la Financière Banque Nationale, a exprimé une nette préférence pour l'Amérique latine par rapport à l'Afrique, et pour l'Inde par rapport à la Chine.

La stabilité politique, à moyen et à long termes, est l'un des principaux critères sur lesquels M. Fournier base son analyse. Aussi, deux aspects fondamentaux doivent être pris en considération par un entrepreneur qui envisage de développer des affaires dans ces pays : le type d'investissement et l'horizon temporel.

Par exemple, rentabiliser une usine de textile peut prendre cinq ans, alors que récupérer des investissements dans le secteur minier peut demander de 20 à 25 ans.

" Faire de la sous-traitance en Chine est relativement simple. En ce qui a trait à l'implantation à long terme en sol chinois, il faut être prudent, dans la mesure où il y a toutes sortes de problèmes relatifs aux transferts technologiques et à la propriété intellectuelle ", dit le consultant en géopolitique qui pratique également à son compte.

Les questions de brevets, de contrats, de lois et de libre entreprise sont d'autres raisons expliquant la préférence de M. Fournier pour l'Inde et l'Amérique latine, toujours dans le cas d'une implantation.

" Si vous voulez vous installer dans une zone, prenez le temps de faire des vérifications. Quel est le statut de la zone ? Quels sont les avantages que vous pourriez y trouver ? ", dit M. Liu.

Le gouvernement chinois a créé plusieurs types de zones économiques industrielles, dont le statut relève soit de l'État, soit de la province, soit des municipalités. Ignorer ces spécificités peut se révéler coûteux, comme pour ce client de M. Liu qui a été forcé de déménager après deux ans d'activité, en raison du statut inapproprié de la zone où il s'était installé.

L'EUROPE

Avec ses 500 millions de consommateurs, l'Europe est une cible de choix. Alors que les exportations des entreprises québécoises vers les États-Unis, leur principal marché à l'étranger, diminuent, les exportations de biens et de services vers l'Europe ont augmenté de 8,5 % par an depuis 2000.

Les entreprises québécoises qui y sont déjà présentes rencontrent sur place une diversité de cultures et de pratiques parfois déroutante. Pourtant, qui dit 27 pays ne dit pas autant de marchés à conquérir. " Il faut aborder l'exportation vers l'Europe par segments de marchés plutôt que par pays, car les marchés couvrent souvent plusieurs États ", conseille Claude Tardif, vice-président de l'Association des maisons du commerce extérieur du Québec (AMCEQ). Cette réalité se vérifie en particulier pour les biens de consommation. La grande distribution, en particulier dans le secteur de l'alimentation, dépasse les frontières. Les fusions-acquisitions dans le domaine au cours des dernières années ont donné naissance à des géants, comme LIDL, qui est à la tête de 3 000 magasins implantés dans 8 pays.

" La première étape pour aborder l'Europe consiste à bien cibler les partenaires qui dominent le marché. Cependant, il faut être déterminé, car la file d'attente est longue et on a peu de temps pour créer une bonne première impression ", mentionne M. Tardif.

Dans le secteur des services, les démarches administratives demeurent l'obstacle le plus difficile à franchir. Les législations européennes sont complexes, en particulier dans le domaine du droit du travail. " Les frais juridiques y sont bien plus élevés qu'en Amérique du Nord. De plus, la mobilité de la main-d'oeuvre est un vrai problème. On n'a pas la même souplesse qu'au Québec ", note Gaétan Migneault, président d'Adèle, un franchiseur de services ménagers qui prévoit mettre le pied en France le printemps prochain.

Sur le plan culturel, les Européens ont leurs particularités. Ils manifestent notamment une certaine réserve à ouvrir leurs livres comptables. " On ne peut pas demander à des entrepreneurs français de communiquer leurs états financiers. C'est impensable pour eux ", signale Michel Julien, président de Moderco.

Par contre, au chapitre des relations interpersonnelles, ils font preuve d'un sens de l'accueil parfois surprenant. " Les Québécois jouissent d'une cote d'amour élevée auprès des Français. C'est un avantage qu'on n'exploite pas assez. Ils vous reçoivent chez eux, ils vous invitent à revenir les visiter pour les vacances. On développe rapidement des liens privilégiés ", raconte M. Migneault.

Les entreprises qui veulent exporter des produits vers les marchés européens se heurtent à des problèmes de certification qui peuvent être épineux. " Faire accréditer ses produits est souvent un casse-tête ", observe Alice Obled, présidente de Quali-Conseil. Le programme REACH, par exemple, qui évalue l'impact de produits sur la santé humaine et l'environnement, constitue un des principaux freins au développement d'échanges plus poussés avec l'Europe.

" Cette contrainte oblige les entreprises canadiennes à faire certifier leurs produits auprès d'instituts européens. Cela peut engendrer des coûts importants. Il faut trouver un mode de réciprocité ", indique Pierre-Marc Johnson, avocat chez Heenan Blaikie. L'ancien premier ministre du Québec représente le gouvernement provincial dans les pourparlers entre le Canada et l'Europe pour la signature d'un traité de libre-échange. Une première entente de principe a été conclue cet été. Le Canada vise à signer un accord définitif en 2011. " Les répercussions de ce traité pourraient être semblables à celles qui ont suivi la signature de l'ALÉNA, soit une explosion des contrats au cours des deux années suivantes ", estime M. Johnson. L'Europe est le deuxième investisseur et partenaire commercial du Canada, après les États-Unis.

LES ÉTATS-UNIS

Deux tiers des exportations québécoises prennent la direction des États-Unis. Pourtant, les échanges avec le premier partenaire commercial du Canada fléchissent depuis quelques années, principalement en raison de la baisse des ventes de produits forestiers.

Néanmoins, les États-Unis restent un marché de choix. " C'est une destination intéressante où on peut rapidement gagner de l'argent et où il est plutôt facile de réaliser des affaires. Nous partageons une culture d'affaires semblable, mais il demeure que les lois et les réglementations y sont beaucoup plus complexes ", résume Robert Beauchamp, président de Invessa Assurances et Services financiers.

Négliger l'importance de l'aspect juridique est une erreur courante commise par ceux qui se lancent aux États-Unis, souligne Bernard Colas, associé et avocat en droit des affaires et du commerce international chez Colas Moreira Kazandjian Zikovsky. Il conseille d'avoir un agent sur place. " Il est indispensable d'étudier d'abord les questions légales avant de songer à conclure des affaires avec les Américains ", rappelle-t-il.

Certains secteurs sont plus favorables. Les liens nord-sud sont plus forts que les liens est-ouest entre les deux pays, pour des raisons de culture d'affaires, d'habitudes et de traditions. " Les entrepreneurs de la Nouvelle- Angleterre ont plus en commun avec les Québécois, par exemple, que les gens du Midwest américain. C'est un aspect important à considérer lorsqu'on veut développer ce marché ", estime Pierre Trudel, président de la firme de consultation Avantage Interaction Client et enseignant en marketing à HEC Montréal.

Plusieurs organismes gouvernementaux aident les sociétés québécoises à établir des liens avec des partenaires aux États-Unis. Cependant, la réticence des entrepreneurs américains à traiter avec des fonctionnaires freinent ces efforts. " Certains organismes, comme le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE) comprennent nos besoins, mais ils ne sont pas sur le terrain. C'est important d'établir des contacts sur place et c'est la plus grande lacune de nos organismes gouvernementaux. Leur rôle doit donc être revu ", croit Sébastien Fauré, président de l'agence de publicité Bleublancrouge.

Pierre Dumas, président du regroupement des professionnels de l'exportation (REPEX), abonde dans le même sens, ajoutant toutefois que ces organismes n'ont pas les moyens de développer des projets à l'étranger. " Ils font souvent ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont comme budget, qui est habituellement restreint une fois les salaires payés. "

redaction@lesaffaires.transcontinental.ca

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