Ottawa semble pris pour acheter le F-35, même s'il ignore son coût

Publié le 14/04/2012 à 00:00

Ottawa semble pris pour acheter le F-35, même s'il ignore son coût

Publié le 14/04/2012 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Selon le vérificateur général du Canada, le gouvernement de Stephen Harper a très mal géré le programme de remplacement des avions de combat de la Défense nationale.

Non seulement des informations connues de ministres ont été cachées aux parlementaires et aux contribuables, mais on ne sait toujours pas ce que coûteront les 65 chasseurs F-35 que l'état-major de l'armée désire acheter pour remplacer les F-18 actuels, qui doivent être mis au rancart à compter de 2020.

Selon le rapport du vérificateur, le gouvernement savait que les F-35 allaient coûter beaucoup plus cher que le coût de 15 milliards de dollars révélé lors de l'annonce de sa décision d'acheter ces avions en juillet 2010. Toujours selon le vérificateur, la Défense nationale avait présenté au gouvernement dès juin 2010 une estimation de coût de 25 G$ sur 20 ans, soit 6 G$ pour l'achat des F-35, 3 G$ pour les immobilisations additionnelles requises et 16 G$ pour les coûts de personnel et d'entretien. Le gouvernement a également induit en erreur le parlement en mars 2011, quand il a déposé un document faisant état d'un coût de 14,7 G$ sur 20 ans, après que Kevin Page, directeur parlementaire du budget, eut estimé à 25 G$ le coût du programme d'achat de ces avions. Les conservateurs ne voulaient surtout pas d'un débat sur ce dossier pendant la campagne électorale qui a suivi, et dont ils sortirent vainqueurs le 2 mai.

Il est certain que l'estimation de 25 G$ présentée par la Défense nationale en juin 2010 sera dépassée, car certains coûts ont alors été ignorés. Par exemple, on a omis le coût de remplacement des 14 avions qu'on prévoit perdre au cours des 35 à 40 années suivantes si on veut garder une flotte de 65 appareils. Au départ, l'armée avait désiré 80 appareils (on avait acquis 80 F-18), mais on a réduit le programme à 65 avions à cause de leur coût.

Coincé par le rapport du vérificateur, le gouvernement a créé un comité dirigé par des hauts fonctionnaires des Travaux publics, de Services Canada et de la Défense nationale, et qui comprend aussi des représentants de plusieurs autres ministères, pour revoir le processus d'acquisition. Il serait toutefois étonnant que l'on renonce à l'achat du F-35 puisque l'état-major en rêve depuis 15 ans et qu'il presse de remplacer les vieux F-18.

La Ferrari des avions de combat

Le F-35 est assurément la Ferrari des avions de combat. On le dit de la cinquième génération, car il est le seul avion véritablement furtif. C'est aussi un appareil que l'on achète pour 35 à 40 ans, période au cours de laquelle d'autres pays, comme la Russie et la Chine, auront aussi développé leur avion furtif. Il serait donc très difficile de reculer, à moins que le Canada ne révise sa politique militaire, qui est d'accompagner au besoin des alliés dans des campagnes militaires. On cherche aussi à avoir un avion compatible à celui que plusieurs pays alliés se procureront.

Le F-35 est issu du programme Joint Strike Fighter développé par Lockheed Martin sous le leadership du Pentagone et auquel huit pays se sont associés. Le Canada a signé des protocoles d'entente en 1997, 2002 et 2007, et a ainsi avancé chaque fois davantage son bras dans l'engrenage. Il a déjà investi dans le programme 335 millions de dollars sur un engagement de 710 M$, comprenant son soutien à l'industrie canadienne. Aucunes retombées n'ont été promises au Canada, mais des contrats ont été obtenus. Fait plutôt rare, l'engagement du gouvernement dans ce programme ne respectait pas son processus de gestion des approvisionnements.

Au départ, les neuf partenaires envisageaient d'acheter 3 000 appareils, dont 2 443 par les États-Unis. Or, plusieurs pays, dont l'Australie, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas et Israël, envisagent maintenant de réduire leurs achats ou de reporter leur décision à cause de l'explosion du coût de l'avion et de l'allongement des délais de livraison. Même les États-Unis envisagent cette possibilité. Estimé à 50 M$ US en 2001, le prix de l'avion était arrivé à 85 M$ en décembre 2009. Bien entendu, ce prix augmentera encore si le volume de production estimé est révisé à la baisse. Si le Canada passait sa commande maintenant, les premiers F-35 seraient livrés en 2019, un an avant le début de la mise au rancart des F-18.

Ce dossier n'a pas fini de donner des maux de tête à l'administration Harper, car l'opposition a plusieurs arguments en sa faveur. Alors que le ministre de la Défense nationale, Peter Mackay, fait figure de marionnette manipulée par l'armée, le gouvernement a joué à la cachette avec les Canadiens, qui ne savent toujours pas ce qu'il leur en coûtera.

MON COMMENTAIRE

J'aime

Québec a annoncé un régime de remboursement des prêts étudiants, proportionnel aux revenus des bénéficiaires après leur accession au marché du travail. Hélas, les leaders étudiants ont vite rejeté cette amélioration, au lieu d'y voir l'occasion d'une reprise du dialogue, qui aurait pu leur permettre de préparer le terrain à une sortie du bourbier dans lequel ils ont précipité leurs membres. On peut penser que la population réprouvera leur attitude.

Je n'aime pas

Aussi excessive qu'elle puisse être, la rémunération des chefs de direction, et notamment celle des banquiers, ne pourra être comprimée tant que les gouvernements occidentaux, et surtout les États-Unis, ne s'attaqueront pas aux profiteurs de l'extorsion des actionnaires ordinaires. La cause de ce scandale est double : 1. l'industrie de la rémunération ne cesse d'inventer des formules visant à enrichir toujours plus ceux qui paient ses honoraires ; 2. les administrateurs, qui profitent par ricochet de ce système, sont les ultimes décideurs de cet horrible cercle vicieux. On veut agir en Europe, mais personne ne bouge en Amérique du Nord. On n'a rien appris de la cupidité qui a précipité le monde dans la grave crise financière de 2007 et 2008.

jean-paul.gagne@tc.tc

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