Les artères commerciales montréalaises en arrachent

Publié le 05/03/2011 à 00:00

Les artères commerciales montréalaises en arrachent

Publié le 05/03/2011 à 00:00

Il est difficile de croire que la reprise économique est en marche quand on arpente les rues commerciales de Montréal. Dans plusieurs quartiers, les locaux vacants se multiplient. Ailleurs dans la province, toutefois, les rues principales tirent leur épingle du jeu.

Les problèmes auxquels sont confrontées les artères commerciales de Montréal s'accumulent. Hausses de taxes foncières, augmentation du prix des parcomètres, amélioration de l'offre commerciale et culturelle en banlieue, présence de sans-abris, travaux d'infrastructure interminables. Conséquence : les revenus des détaillants chutent et plusieurs ferment leurs portes.

Claude Rainville, président de l'Association des Sociétés de développement commercial (SDC) de Montréal, qui regroupe 16 artères, affirme que, " de façon générale, on constate un ralentissement des affaires ". Même sur l'avenue du Mont-Royal, qui a longtemps eu un taux d'occupation de 100 %, on commence à voir des pancartes " à louer ".

La situation est particulièrement critique sur la rue Sainte-Catherine Est, dans le Village gai. Une vingtaine de locaux y sont vacants. La quincaillerie Rona, les chaînes américaines Payless Shoes et American Apparel, de même qu'une librairie, les restaurants Tomato Pizza et Quiznos Sub, ont fermé boutique ces derniers mois. D'autres locaux sont libres depuis des années. Certains sont laissés à l'abandon.

" Des commerçants présents dans le quartier depuis 20 ans me disent qu'ils n'ont jamais vu ça ", dit le directeur général de la SDC du Village, Bernard Plante. Affichant un certain découragement, il n'ose pas calculer le taux d'inoccupation des locaux sur son territoire.

Rona a refusé de préciser si la fermeture d'un de ses établissements de la rue Sainte-Catherine Est était liée au contexte difficile. " Il s'agit d'un choix professionnel du marchand-propriétaire, qui voulait se concentrer sur ses autres commerces ", indique Émilie Verret, porte-parole de l'entreprise. Payless a aussi été avare de commentaires.

Des coûts sans cesse croissants

Bernard Plante sait toutefois ce qui fait fuir les détaillants. " Ici, 95 % des commerçants sont locataires. Donc, chaque fois qu'il y a des augmentations d'évaluations foncières et de taxes, les propriétaires bénéficient de la hausse de valeur de leur bâtiment. Mais les commerces, eux, absorbent tous les coûts. "

André Poulin, directeur général de la SDC Destination centre-ville, déplore lui aussi le fait que " le coût de faire des affaires à Montréal augmente sans cesse ". Depuis cinq ans, la taxe foncière a beaucoup augmenté, dit-il. Les taxes sur les immeubles non résidentiels à Montréal ont augmenté de 6 %, en 2010, et augmenteront de 4,3 %, en 2011.

Dans le Village, cela s'ajoute au fait que le quartier compte près de 80 organismes d'aide aux démunis. " Ça tue le tissu commercial, croit Bernard Plante. La Ville n'a pas de plan de développement. N'importe qui peut s'installer dans le coin, même dans les rez-de-chaussée. Les commerçants partent, parce qu'ils sont fatigués de se battre contre la misère sociale. "

Il reproche aussi à la Ville de ne pas exiger des propriétaires qu'ils entretiennent leurs immeubles. Sur la rue Sainte-Catherine, entre Papineau et Cartier, ceux-ci sont tellement délabrés que " c'est un no man's land ", dit-il.

À la Ville de Montréal, on rétorque que les commerçants peuvent bénéficier du pr@m - Commerce, un programme de subventions pour moderniser l'aménagement des commerces. Le soutien financier peut couvrir le tiers du coût des travaux jusqu'à concurrence de 33 000 $, sur certaines artères.

Martine Painchaud, attachée de presse du cabinet du maire, ajoute qu'à la Direction du développement économique, " le Bureau des artères commerciales est en constante relation avec les SDC et les gens d'affaires. Pour les travaux sur l'avenue du Parc, par exemple, le Bureau a conçu un plan marketing [publicité, campagne sur les médias sociaux, etc.] pour aider les commerces à passer au travers ".

Vive concurrence de la banlieue

Heureusement, les temps ne sont pas aussi durs partout. Sur la rue Saint-Denis, " les affaires vont mal, mais ça pourrait être pire ", résume Yan Poudrier, président du conseil d'administration de la société de développement commercial (SDC) Pignons rue Saint-Denis. L'artère compte 10 ou 12 locaux vacants sur un total de 322. Les recettes des détaillants " ne sont pas aussi bonnes qu'elles l'ont déjà été " et plusieurs " grugent leurs économies ". Mais on n'assiste pas à une vague de fermetures. Le départ du Second Cup a tout de même été remarqué.

Yan Poudrier croit que " les loyers excessivement chers " et la prolifération des centres commerciaux en banlieue nuisent à la rue Saint-Denis. L'augmentation du prix des parcomètres fait aussi du tort. " Quand on doit payer 2,50 $ de l'heure pour dépenser, on y réfléchit à deux fois ", analyse-t-il.

" On remarque que la banlieue retient ses résidents, ce qui a surtout un impact sur le commerce de détail. Les restaurants et les bars sont davantage épargnés ", poursuit-il. Cela pourrait toutefois changer, car la périphérie propose maintenant une vie nocturne intéressante grâce à l'ouverture de salles de spectacle et de restaurants haut de gamme.

La réputée chocolatière Geneviève Grandbois, par exemple, a ouvert son bar à chocolat à Brossard, plutôt qu'à Montréal, en décembre 2008. " Le choix de nous établir au quartier DIX30 répondait à la volonté d'offrir nos produits à une nouvelle clientèle ", explique la femme d'affaires, qui n'exclut pas l'ouverture d'un deuxième établissement sur une grande artère de la métropole.

Une réputation nuisible au commerce

" Montréal a mauvaise presse à l'égard de son accessibilité, même si ce qui se dit n'est pas nécessairement vrai, indique Claude Rainville, de l'Association des SDC de Montréal. Il faut que les gens se sentent les bienvenus. La Ville tient ses artères pour acquises. Elle ne se soucie pas assez de leur vitalité économique. Il n'y a pas d'actions concrètes. "

André Poulin, de Destination centre-ville, abonde dans le même sens. " La Ville ne fait rien. Elle n'a aucune vision en ce qui concerne le commerce de proximité. On mise sur des gros projets, mais on ne s'intéresse pas à ce qui est vital pour les quartiers et qui pourrait stimuler l'entrepreneuriat. Pourtant, le commerce de détail crée beaucoup d'emplois. "

Les touristes gais font partie de ceux qui se sentent bien accueillis à Montréal, grâce à son Village rempli de discothèques, de saunas et de restos. " C'est ce qui me sauve ", raconte le patron de sa SDC. Il se console aussi en se rendant sur le boulevard Saint-Laurent, où la vue des locaux vides est désolante, dit-il. " J'habite dans le quartier et en 11 ans, je n'ai jamais vu ça ! "

Le président de la SDC du boulevard Saint-Laurent, Francis Blouin, n'est pas d'accord avec ce constat. " En janvier 2010, le taux d'inoccupation était de 8 %, il est tombé à 6,2 % en octobre et il n'a à peu près pas bougé depuis. " Autrement dit, sur les 300 locaux que compte la Main, 18 sont à louer. M. Blouin attribue la réussite de l'artère commerciale à sa diversité. Si certains types de commerces vont moins bien, d'autres continuent de prospérer, explique-t-il.

" J'ai plusieurs commerçants qui investissent dans leur façade. C'est encourageant ", fait valoir Francis Blouin, précisant que de nouveaux commerces - le lounge Maurizio et une SAQ - s'établiront bientôt sur le boulevard.

COMMENT VONT LES RUES MARCHANDES AILLEURS AU QUÉBEC ?

CENTRE-VILLE DE TROIS-RIVIÈRES

" Ici, ça va très bien. On a eu deux fermetures cet hiver sur 500 places d'affaires. C'est bien, en quelque sorte, car ça nous donne une marge de manoeuvre pour attirer des investisseurs potentiels. En moyenne, il y a une quinzaine de commerces qui ouvrent et qui ferment chaque année. En 2010, il n'y en a pas eu davantage. Nous avons 8 500 travailleurs dans les bureaux, dont 400 se sont ajoutés en 2010. D'autres employés du gouvernement étant sur le point d'arriver, la construction d'un autre stationnement étagé se prépare. "

- Catherine Raymond, directrice générale de la SDC Trois-Rivières.

CENTRE-VILLE DE SAINT-HYACINTHE

" Ça ne va pas mal, mais les gens ont été habitués à manger du gâteau avec du glaçage et là, il n'y en a plus. Les commerces de détail font de bonnes affaires, mais pas d'excellentes affaires. Je dirais que les ventes sont en baisse de 3 ou 4 %, en moyenne. Il y a une multiplication des pôles commerciaux avec l'arrivée du complexe le M [un centre lifestyle comptant une dizaine de commerces en bordure de l'autoroute 20, ouvert en mars 2010]. Mais ceux qui vendent des produits exclusifs gagnent bien leur vie. "

- Simon Cusson, directeur général de la Société de développement du centre-ville de Saint-Hyacinthe.

QUARTIER SAINT-ROCH DE QUÉBEC

" La situation de Québec, économiquement, est différente de celle de Montréal. On a moins ressenti la crise économique. D'ailleurs, trois ou quatre boutiques vont ouvrir sur notre territoire au cours de la prochaine année. En 2010, il n'y a eu qu'une seule fermeture. Évidemment, nous avons encore des locaux vides depuis l'enlèvement du toit sur la rue Saint-Roch, en 2007. Notre taux d'inoccupation est de 10 %, ce qui est encore beaucoup, mais c'est moins que les 15 ou 20 % d'il y a trois ans. Notre but est de trouver des commerces de destination qui vont justifier les déplacements. "

- Stéphan Sabourin, directeur général de la SDC Centre-ville de Québec.

QUARTIER SAINT-JOSEPH DE DRUMONDVILLE

" Dans le quartier Saint-Joseph, on est axé sur la revitalisation depuis cinq ans. On a mis en place un comité de citoyens qui travaille avec la SDC. On avait des problèmes de sécurité, de délinquance, qu'on est en train de régler. Le taux d'inoccupation est de 8 %, alors qu'il était de 16 % il y a deux ou trois ans. Il reste des choses à faire, mais il y a une certaine vitalité. On a la chance d'avoir un marché public qui va très bien et qui est ouvert deux jours par semaine. "

- Guy Drouin, directeur général du Commissariat au commerce de Drumondville, responsable de la gestion de la SDC Quartier Saint-Joseph.

marie-eve.fournier@transcontinental.ca

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