La Vie en Rose veut séduire les femmes russes

Publié le 14/04/2012 à 00:00

La Vie en Rose veut séduire les femmes russes

Publié le 14/04/2012 à 00:00

Par François Normand

Après avoir habillé les femmes dans le monde arabe, le détaillant La Vie en Rose se prépare à offrir sa lingerie aux femmes russes.

L'entreprise montréalaise discute avec des détaillants en Russie pour trouver le partenaire idéal afin d'y distribuer ses produits. Si tout se passe bien, les Russes pourront sans doute acheter ses produits à compter de l'automne 2013.

«C'est certain que nos produits seront vendus en Russie à moyen terme», dit Luc Poirier, vice-président des affaires internationales, sans en dire plus à propos des détaillants avec lesquels la PME discute ni sur le nombre de magasins projetés.

L'entreprise veut vendre sa lingerie féminine à Moscou et à Saint-Pétersbourg. D'autres villes pourraient aussi avoir du potentiel, selon Luc Poirier. «La Russie compte aussi 13 villes de plus d'un million d'habitants et 33 villes de plus de 500 000 habitants, et elles doivent être prises en considération.»

Dans ses négociations, La Vie en Rose doit aussi s'assurer d'avoir de bons emplacements pour les magasins - un enjeu central dans le commerce de détail - qu'exploitera son futur partenaire. À l'étranger, ses magasins sont situés dans des centres commerciaux. Au Canada, ses points de vente - qu'elle exploite elle-même - peuvent être de grandes surfaces, comme on en retrouve au Québec et en Ontario.

La même stratégie que dans le monde arabe

La Vie en Rose ne réinvente pas la roue en Russie. Elle applique la recette qui a fait son succès dans les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. La PME ne construira aucun magasin et elle ne réalisera aucun investissement en capital en Russie. C'est son futur partenaire qui s'en chargera. Elle lui accordera une licence d'exploitation par laquelle il s'engage à vendre exclusivement ses produits dans les magasins La Vie en Rose.

Par exemple, en Arabie Saoudite, la PME a un partenariat avec le groupe saoudien Fawaz Alhokair Group, qui vend plusieurs marques et exploite plus de 1 000 magasins dans ce pays.

C'est d'ailleurs Fawaz Alhokair qui a permis à La Vie en Rose d'ouvrir, le 6 avril, un magasin à Tbilissi, en Géorgie, au sud de la Russie. L'entreprise saoudienne détient une participation dans Fashion Retail Georgia, le partenaire local de La Vie en Rose en Géorgie.

À l'international, les revenus de La Vie en Rose ne dépendent pas des ventes réalisées par ses partenaires locaux ; ces derniers lui achètent simplement sa marchandise.

«À l'étranger, nous ne sommes plus un détaillant comme au Canada. Nous devenons un grossiste», précise Luc Poirier. La Vie en Rose participe toutefois à la commercialisation de ses produits. Son partenaire ne peut pas faire ce qu'il veut.

«Il faut que notre concept soit sensiblement le même qu'au Canada, même si nous permettons aux détaillants d'ajuster l'offre en fonction de la culture locale.»

Maximum de gains avec un minimum de risques

Pour JoAnne Labrecque, professeure en commerce de détail à HEC Montréal, la stratégie de La Vie en Rose lui assure un maximum de gains tout en réduisant ses risques financiers.

«Cela coûterait cher si elle ouvrait seule ses magasins à l'étranger», dit-elle, ajoutant que la PME se heurterait aussi aux risques de méconnaître les habitudes de consommation locales. C'est pourquoi ses partenaires sont si importants, selon elle. «Ils lui permettent de pénétrer les marchés.»

La Vie en Rose mise aussi sur un «bon cheval» en s'attaquant au marché russe. «La Russie est un pays où la consommation est galopante. Le contexte sera favorable pour La Vie en Rose», dit Soumaya Ben Letaifa, spécialiste en gestion internationale à l'UQAM.

Ce pays de 138 millions d'habitants compte une classe moyenne émergente et de nouveaux riches. En fait, ce sont les pays émergents dans leur ensemble qui ont beaucoup de potentiel pour des détaillants comme La Vie en Rose. C'est dans ces marchés en effet que les ventes de lingerie connaîtront la plus forte croissance dans le monde d'ici 2017, selon une récente étude publiée sur le site Web spécialisé just-style.com.

Ainsi, les ventes dans les pays émergents devraient augmenter de 14,5 % de 2011 à 2017, alors que celles qui sont réalisées dans les pays développés (Amérique du Nord, Europe, Japon, Corée du Sud) ne dépasseront pas 4,2%.

LES RISQUES DE LA VIE EN ROSE

Se tromper de partenaire

Le vice-président de La Vie en Rose, Luc Poirier, en a déjà fait les frais : l'entreprise a eu un mauvais partenaire au Maroc dans les années 2000. Il s'agissait d'un détaillant saoudien qui avait des activités dans ce pays. «C'était un bon détaillant en Arabie Saoudite, mais au Maroc, l'équipe de gestionnaires a eu des problèmes», confie Luc Poirier. Le partenaire affirmait que le magasin de Casablanca n'était pas rentable. La Vie en Rose n'y croyait pas. Cette relation d'affaires a pris fin en 2011. «Le lien de confiance n'était plus là», dit-il.

En Russie, La Vie en Rose court le risque que son futur partenaire «ne comprenne pas la femme russe», selon Soumaya Ben Letaifa, spécialiste en gestion internationale à l'Université du Québec à Montréal. «Le besoin de séduire est fréquent chez la femme russe.» Selon elle, cela tient au fait qu'il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes en Russie en raison d'une mortalité masculine élevée.

À quand la prochaine révolution ?

Dans les pays émergents, parfois instables, les boutiques de ses détaillants peuvent être vandalisées. Durant le «printemps arabe», en 2011, un magasin a été détruit à Alexandrie, en Égypte. «Il est depuis plus difficile d'exporter nos produits en Égypte, car les règles changent régulièrement», dit Luc Poirier. L'entreprise ne court pas ce risque en Russie, même si y faire des affaires peut être compliqué, notamment à cause de la corruption.

Pierre Fournier, analyste en risque politique à la Financière Banque Nationale, estime toutefois que La Vie en Rose fait face à «peu de risques» dans ce pays en raison de sa stratégie commerciale (licence d'exploitation et distribution par un tiers).

Chiffre d'affaires

150 M$¹

Chiffre d'affaires à l'étranger moins de 10 %

Les quatre enseignes de La Vie en Rose

> La Vie en Rose

> Aqua La Vie en Rose

> La Vie en Rose Entrepôt

> La Vie en Rose & Compagnie (qui vend aussi d'autres marques que La Vie en Rose)

Le quart des magasins sont situés à l'extérieur du Canada

58 magasins ² à l'étranger

157 magasins au Canada

Présente dans 8 pays

¹ Estimation pour 2011 ² Il s'agit de licences d'exploitation.

Source : La Vie en Rose

La valeur projetée du marché de la lingerie féminine dans le monde en 2017 atteindra 30,5 G$ US. Source : just-style.com («Global market review of lingerie and intimate apparel - forecasts to 2017»)

Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise québécoise et analysons ses risques.

Sur le Web, Les Affaires s'associe à L'actualité, Canadian Business, The Report on Business, The Economist Intelligence Unit et à la banque HSBC pour offrir un site axé sur les exportations. À lire sur affairessansfrontieres.ca.

françois.normand@tc.tc

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