Immobilier : où sont les bons coups ?

Publié le 23/04/2011 à 00:00

Immobilier : où sont les bons coups ?

Publié le 23/04/2011 à 00:00

Le marché immobilier présente des signes d'affaiblissement. À Montréal, plusieurs quartiers centraux subissent des baisses pouvant atteindre les 3 %. À Québec, le prix des copropriétés a chuté de 6 % au dernier trimestre dans l'arrondissement Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge. " Ceux qui achètent obtiendront des rendements presque nuls. Tôt ou tard, il va y avoir une correction ", prédit Carl de Rico, évaluateur à Québec. Robert Pouliot, courtier chez CB Richard Ellis, croit qu'il faut se concentrer " là où le gros investisseur institutionnel ne veut pas se rendre ". Les Affaires décrypte pour vous cinq façons d'investir son demi-million de dollars en immobilier...

TERRES À BOIS

Retour aux souches

Le Fonds de solidarité FTQ et la Société générale de financement ont racheté pour près de 200 millions de dollars en terres à bois depuis 2009. Si c'est bon pour les grands investisseurs, est-ce bon pour vous ?

Certainement, répond Mathieu Pelletier. En décembre dernier, le résidant de Saint- Georges-de-Beauce a acheté pour 378 000 $ de terres à bois près de Lac-Etchemin, dans Chaudière-Appalaches. Aujourd'hui, l'agronome de formation possède des lots d'une valeur de " près de 600 000 $ ". " J'ai plus ou moins 1 000 acres, dont une grosse partie que je détiens à 100 % ", dit-il. C'est environ quatre kilomètres carrés d'épinettes et de sapins.

Ces terres, Mathieu Pelletier les conçoit comme un investissement sûr. " Leur prix n'a jamais baissé depuis que j'ai commencé à en acheter, en 2001, dit-il. En fait, ça a doublé. " En outre, la récolte du bois sur ses terres lui a rapporté environ 20 000 $ l'an dernier. Mais c'est surtout le commerce des lots qui est rentable. En 2010, il a réalisé un rendement de plus de 10 % en revendant une terre, après l'avoir détenue moins de quatre mois.

Bon an, mal an, la valeur des lots à bois peut prendre jusqu'à 8 %, selon diverses évaluations. Mais près des grandes villes, ça peut monter beaucoup plus vite. Bien des gens voient plus que des arbres sur ces terres. " Les acheteurs cherchent de plus en plus des terrains de villégiature, pour chasser, faire du véhicule tout terrain ", dit Marco Fournier, ingénieur forestier et évaluateur.

Pour répondre à cette nouvelle demande, la firme de Marco Fournier, Consultants forestiers MS, a mis en ligne un site Internet (lotavendre.com) pour annoncer les terres à bois à vendre au Québec. Une espèce de site SIA/MLS pour épinettes !

ATTENTION

La crise forestière a diminué de moitié la valeur de ventes de bois de lots privés au Québec depuis 2005, à 180 M$.

Plus on s'approche des grands centres urbains, plus la valeur des terres est susceptible de chuter avec celle des maisons en cas de repli du marché.

IMMEUBLES

Pénurie au pays de l'aluminium

Avis aux gens d'affaires : Sept-Îles a besoin de promoteurs immobiliers. Et ça urge. Depuis le début de la construction de la deuxième phase de l'Aluminerie Alouette, en 2002, le nombre de mises en chantier n'a jamais suivi le flot de nouveaux ménages dans la ville métallurgique de la Côte-Nord. Dans le secteur locatif, le taux d'inoccupation n'est que de 0,6 % !

Résultat : la population de la municipalité de 25 000 habitants a du mal à se loger. Pour encourager la construction d'appartements, la Ville accorde des subventions atteignant 10 000 $ pour un cinq pièces.

Près de la baie, François Turmel vient de construire le deuxième immeuble en copropriété de la ville, et négocie en ce moment avec la Ville pour commencer la construction d'un autre immeuble de 15 unités. L'homme d'affaires était pourtant peu porté sur le résidentiel, mais il y avait une demande. Les unités se vendront " plus ou moins 200 000 $ " pour un quatre et demi, dit François Turmel. Cher ? " Ça pourrait l'être plus ! Les coûts de construction sont élevés ici. "

Martin Noël le confirme. L'homme d'affaires a décidé de construire neuf immeubles de six logements chacun. C'est le premier projet locatif depuis des décennies dans la ville. Mais il doit payer le prix fort. " Ça coûte à peu près 30 % plus cher ici [qu'en moyenne au Québec] ", dit-il. Après tout, les grandes sociétés métallurgiques de la ville paient des salaires qui frisent souvent les six chiffres...

Question de profiter de cette prospérité, Martin Noël a décidé d'investir un créneau jusqu'ici inexploité dans la métropole de la Côte-Nord : les appartements de luxe. Comptoirs en granit, planchers chauffants en céramique... Il les louera 1 400 $ par mois et plus. " Je n'ai pas encore fait de publicité, et j'en ai déjà sept de réservés ", assure-t-il.

ATTENTION

Coûts de construction élevés

Peu de place pour de nouveaux constructeurs

Marché éloigné des grands centres

LOCATIF

De la valeur dans le décrépit

Un locataire vient de quitter un trois et demi, au rez-de-chaussée du 5733, chemin de la Côte-des-Neiges, à Montréal. Les nouveaux propriétaires en profitent : dans la salle de bains, les ouvriers ont arraché le gypse. Seuls les madriers restent en place. Les autres matériaux étaient d'un vert suspect... La cuisine, la chambre et le salon subissent le même sort : Raymond Brasseur et son partenaire refont tout.

C'est justement le côté décrépit de l'immeuble qui attire ce " retraité ", devenu propriétaire et gestionnaire immobilier à temps plein. Sa spécialité : trouver des immeubles mal entretenus, mal gérés, et les retaper de bout en bout. " La seule façon de faire du profit en ce moment, c'est d'acheter un immeuble bon marché, puis de réinjecter des fonds pour faire des rénovations ", dit-il.

Deux mois après l'achat de l'immeuble de Côte-des-Neiges, Raymond Lussier et son partenaire ont déjà investi 68 000 $ pour changer le système de chauffage. Les fenêtres, les balcons, la brique, les couloirs et la buanderie subiront aussi d'importants travaux. Au total, ils prévoient engager environ 270 000 $ dans un immeuble payé 2,15 millions. Sans parler des appartements, où ils comptent dépenser de 10000 à 15 000 $ chaque fois qu'un locataire quitte.

L'ancien occupant du trois et demi chauffé, au rez-de-chaussée du 5733, payait 595 $ par mois. Après les rénovations, le nouveau locataire payera 725 $, une augmentation de plus de 20 %.

Des immeubles mal-aimés

C'est Benoît Poulin qui a déniché cet immeuble pour Raymond Brasseur. Selon ce courtier de CB Richard Ellis, c'est le meilleur moyen de réaliser des rendements en immobilier actuellement. " Là où il y a du profit à faire, c'est dans les immeubles qui n'ont pas leur pleine valeur. "

L'investisseur doit concentrer ses efforts sur les quartiers ou les catégories d'immeubles qu'il connaît bien, et éviter ceux où les grosses légumes ont déjà tout raflé, comme les grands immeubles de béton dans les centres-villes de Montréal et de Québec.

" Il faut prendre son temps, faire de bonnes analyses avant de réaliser une acquisition ", ajoute Raymond Brasseur. Et surtout, rester ouvert aux occasions. Car il y en a. L'ancien propriétaire du 5733, par exemple, habite Toronto. " Il a préféré prendre un profit plutôt que de se charger des rénovations à distance ", dit l'homme d'affaires. Il a vendu au rabais avant d'entreprendre des travaux devenus urgents.

ATTENTION

L'investisseur doit être prêt à débourser l'équivalent d'une deuxième mise de fonds pour faire des rénovations en achetant des immeubles négligés.

L'approche demande une recherche approfondie pour trouver les immeubles bon marché qui auront été négligés par les gros acteurs.

COMMUNAUTÉS PROTÉGÉES

Précieuses barrières

De grands terrains, des arbres préservés par règlement, trois lacs, quelques ruisseaux... et à l'entrée, une barrière de sécurité, avec vidéosurveillance.

Tel est le concept du Domaine des 4 Collines, près de Val-David, dans les Laurentides. À un peu plus d'une heure de route de Montréal, Yvan Gémus et Martine Prévost viennent d'acheter un terrain dans ce quartier en plein essor. Aujourd'hui, sur les 250 terrains disponibles, 50 maisons ont été construites. Et, depuis un peu moins de deux ans, une barrière à son entrée empêche les intrus de venir troubler la paix de ses habitants.

La " gated community ", ou communauté protégée, un concept immobilier venu des États-Unis, prend diverses formes, mais elle prévoit toujours l'aménagement d'une clôture en travers du chemin d'accès. Les services, comme le déneigement, incombent généralement au promoteur, et non à la municipalité.

Les nouveaux propriétaires apprécient. " Avec les barrières, on sait qu'on est en sécurité ", dit Yvan Gémus. Pour lui, ce " service " est garant d'une meilleure appréciation de sa propriété au fil des ans. Avec son épouse, il a acheté trois parcelles de terrain totalisant 120 000 pi2. Le couple prévoit construire sa maison " d'ici deux, trois ans ". La direction du Domaine vend les terrains 35 000 $ chacun.

Chicanes de clôtures

Gilles Ouellet, consultant pour les promoteurs de projets résidentiels, est convaincu que ce n'est qu'une question de temps avant que le concept ne s'impose au Québec. Reste à voir s'il convient à la culture locale. Car pour l'instant, Les Affaires n'a pu retracer qu'une seule autre tentative de véritable communauté protégée au Québec... et elle a échoué.

À Rosemère, dans les Basses-Laurentides, un promoteur a créé le Domaine du Manoir Bleury à la fin des années 1980. Mais quand le mécanisme de la lourde clôture en fer forgé est tombé en panne, une dispute a éclaté entre les voisins. " Certains trouvaient que ça coûtait trop cher en frais annuels ", dit Serge Prévost, un résidant de ce quartier de maisons luxueuses. De toute façon, le voisin immédiat de la clôture était excédé par les livreurs de pizza et de mets chinois qui sonnaient chez lui parce qu'ils ne savaient pas comment se rendre chez leur client...

Depuis des années, le parc privé est en friche. Plus personne ne taille le gazon. " C'est un peu "broche à foin", notre affaire ", convient Serge Prévost.

ATTENTION

Certains pensent que le concept n'est pas adapté à la culture québécoise.

Des frais importants peuvent être prélevés pour l'entretien et la sécurité, comme dans certaines communautés des États-Unis.

DÉVELOPPEMENT RÉSIDENTIEL

Chasseur de terrains

Norman McKinley construit des maisons dans la région de Québec. Il est constamment à la recherche de terrains. S'il veut avoir du pain sur la planche dans deux ou trois ans, il doit déjà chercher les emplacements prometteurs, faire des propositions d'achat et négocier avec les municipalités pour obtenir les permis nécessaires.

Depuis quelques années, sa tâche est plus difficile. " Le prix des terrains a beaucoup augmenté, dit-il. Il y a une rareté qui se crée, parce que la Ville de Québec ne développe pas les terrains assez vite. Quand un terrain se libère, plusieurs promoteurs accourent. "

Mais des terrains abordables, il en reste. Dans le secteur de Val-Bélair, M. McKinley vient de mettre la main sur un terrain de près de 700 000 pi2, pour un demi-million de dollars. Situé à moins de 10 minutes de l'autoroute 573, dans l'ouest de l'agglomération de Québec, le vendeur en avait hérité en 1982. À l'époque, il était évalué à environ 20 000 $.

C'est aussi une bonne affaire pour le promoteur immobilier. À environ 80 ¢ le pi2, ce serait en fait une véritable aubaine si le terrain était déjà inclus dans la zone de développement prioritaire délimitée par la Ville.

Ce n'est pas le cas. " On avait des informations selon lesquelles ils allaient le faire dès 2009, dit M. McKinley. Mais finalement, ils ont décidé de réviser le schéma d'aménagement. On espère avoir des nouvelles à la fin de 2011. "

Dans les bons secteurs ouverts au développement, les terrains peuvent valoir entre trois et quatre dollars le pied carré à Québec, selon Carl de Rico, évaluateur dans la capitale. Si Norman McKinley convient que ce type d'achat relève de la spéculation, il garde confiance en son investissement. Son nouveau terrain à Val-Bélair est sans doute voué à s'approcher de ces valeurs si la Ville finit par l'inclure dans le périmètre à développer. Le promoteur pourra alors construire son nouveau lotissement, puis revendre les terrains avec des maisons dessus, en encaissant le profit. Et il aura remporté son pari.

ATTENTION

Trouver un terrain sous-évalué n'est pas à la portée de tous : cela demande d'importantes connaissances et des personnes-ressources informées, en plus de comporter une bonne part de risque.

Les municipalités veulent de plus en plus densifier leur territoire, ce qui rend la mise en valeur des terrains plus difficile.

11 % Il s'est vendu 11 % de moins de résidences au Québec au premier trimestre de 2011 qu'à la même période l'année précédente. | Source: Fédération des chambres immobilières du Québec.

5,2 G$ La valeur totale des habitations ayant changé de main au Québec au premier trimestre de 2011 s'élève à 5,2 millards. Il s'agit d'une baisse de 6 % par rapport à la même période l'année précédente. | Source : Fédération des chambres immobilières du Québec

hugo.joncas@transcontinental.ca

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