«Il faut amorcer le virage de l'aluminium» - Jean Simard, de l'Association de l'aluminium du Canada

Publié le 26/11/2011 à 00:00

«Il faut amorcer le virage de l'aluminium» - Jean Simard, de l'Association de l'aluminium du Canada

Publié le 26/11/2011 à 00:00

Le président de l'Association de l'aluminium du Canada exhorte les donneurs d'ordres au Québec à fabriquer des produits en aluminium. Sinon, notre expertise pourrait disparaître. Entrevue.

LES AFFAIRES - Comment évaluez-vous l'état de votre industrie au Québec ?

Jean Simard - Les investissements récents démontrent la valeur du Québec pour cette industrie : la qualité de notre main-d'&#339uvre et la performance de nos usines sont reconnues. Nous avons aussi la production la plus verte de tout le parc mondial d'alumineries. C'est au Québec que les usines sont les moins énergivores. Bref, je dirais que nous avons encore des conditions gagnantes aujourd'hui. Mais si je dis «encore», c'est parce que le contexte mondial est en train de changer et que nous courons le risque de perdre notre compétitivité. Nos concurrents sont maintenant au Moyen-Orient, en Inde, en Chine, où les coûts de production sont beaucoup moins élevés qu'ici. En Chine et en Inde, on utilise le charbon, au Moyen-Orient, le gaz naturel - des sources d'énergie captives à très bas prix. On y bâtit de gigantesques usines, comme celle de Maaden aux Émirats arabes unis qui, une fois en opération, équivaudra à la capacité de production totale des 10 alumineries canadiennes. Ce n'est pas avec des usines de cette taille que nous pourrons être concurrentiels, d'autant plus que nos coûts d'énergie vont augmenter bientôt.

L.A. - Notre défi dans ce contexte ?

J.S. - Il faut faire plus de deuxième et de troisième transformations. On a longtemps essayé d'en faire, mais sans grand succès. Je crois, toutefois, que nous sommes actuellement face à une occasion formidable grâce à l'industrie du transport qui a besoin de matériaux légers. Nous avons d'importants acteurs au Québec, comme Bombardier, Novabus, Prévost Car, etc. En poussant ces fabricants d'équipements de transport à utiliser de l'aluminium dans la construction de leurs nouvelles flottes de véhicules, nous créons un marché, une masse critique et nous mettons au point des produits innovants que l'on pourra ensuite exporter. L'aluminium pourrait aussi être utilisé dans la construction de ponts, par exemple. Toute la chaîne d'approvisionnement sera solidifiée. J'irai plus loin : si nous n'accroissons pas la transformation de l'aluminium, nous risquons de perdre notre expertise au profit des pays en émergence. Il y a une masse critique d'intelligence derrière la technologie AP60 [à l'usine de Rio Tinto Alcan, à Chicoutimi], et elle pourrait se déplacer ailleurs si on perd du terrain.

L.A. - Qu'est-ce qui nous empêche de concrétiser cette vision ?

J.S. - À l'heure actuelle, les soumissionnaires ne sont pas incités à utiliser l'aluminium. Les appels d'offres spécifient que le matériau doit être de l'acier - ou un matériau équivalent. Cette spécification n'incite pas les soumissionnaires à proposer autre chose : ils savent qu'on a un préjugé favorable envers l'acier, et cela leur prendrait trop de temps - du temps qu'ils n'ont pas - pour faire la démonstration que l'aluminium est tout aussi bon, et plus performant parce que plus léger. Le signal doit donc venir des donneurs d'ordres qui sont, la plupart du temps, des organismes gouvernementaux.

L.A. - Pourquoi n'y a-t-on pas pensé avant ?

J.S. - Cela fait deux ans que je suis en poste. Je ne peux pas répondre pour mes prédécesseurs. Mais depuis mon arrivée, je frappe à toutes les portes. Je me suis aperçu que les ingénieurs, les architectes - ceux qui conçoivent des produits - n'ont pas de formation sur l'aluminium. Ils ne sont donc pas sensibilisés à l'utilisation de ce produit. Je vous donne un exemple : le paralume qui est tombé du tunnel Ville-Marie était fait en béton. Il pesait 27 tonnes. Il n'y a aucune raison pour que cet équipement soit fait en béton - c'est comme utiliser des blocs de béton comme rideau de chambre ! Ce dont nous avons besoin, c'est de prendre le virage de l'aluminium et de transformer le métal en produits innovants que nous allons exporter.

CV

Nom : Jean Simard

Âge : 56 ans

Titre : Président- directeur général

Organisation : Association de l'aluminium du Canada (AAC)

Avant de prendre la tête de l'AAC, M. Simard était vice-président, développement durable, chez Gaz Métropolitain.

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