Les femmes sont de plus en plus nombreuses à se voir remettre les clés d'entreprises familiales. «Elles en dirigeraient environ le tiers», dit Isabelle Le Breton-Miller, titulaire de la Chaire de recherche sur la relève et sur l'entreprise familiale à HEC Montréal.

«Dans mon cours à la maîtrise sur l'entreprise familiale, il y a 90 % de filles», ajoute-t-elle.

La tendance de reprendre les rênes en équipe favorise la relève au féminin. «On voit plus de transferts visant des frères et soeurs, et même des cadres», dit l'universitaire. Comme Isabelle Paiement, qui est en voie de prendre, avec son frère, la relève de Moulures GPL Tradition, l'entreprise familiale de fabrication d'ornements architecturaux.

Il y aurait aussi une plus grande ouverture du côté des cédants. «Pour les baby-boomers, laisser l'entreprise à leur fille ou à leur garçon ne fait aucune différence, dit Mme Le Breton-Miller. Et s'il y en a une, c'est souvent parce que l'entreprise oeuvre dans un secteur masculin.»

Mais là encore, les percées sont nombreuses. Nancy Simoneau dirige depuis déjà 12 ans le Groupe Simoneau, l'entreprise de fabrication et d'entretien de chaudières industrielles fondée par son père à Boucherville. «Avant d'être présidente, j'ai travaillé avec lui plusieurs années et il m'a toujours laissé beaucoup de place. Quand il s'est retiré, en 2001, il m'a dit qu'on ne pouvait pas être deux coqs dans le même poulailler !»

Isabelle Paiement affirme pour sa part que son père avait les mêmes attentes envers elle qu'envers son frère Sébastien, qui travaille pourtant dans l'entreprise depuis son adolescence. «Je faisais carrière ailleurs et il est revenu à la charge deux fois pour me convaincre de faire partie de la relève.»

Diriger comme une femme ?

Isabelle Le Breton-Miller note que les dirigeantes font davantage appel à la collaboration et à la participation de leurs troupes. Geneviève Verrier, qui a succédé à son père à la tête d'Alpha Assurances, de Drummondville, opine. «Je ne tiens pas à avoir toutes les idées et à tout décider. J'aime m'entourer de gens forts et imputables, alors je compte sur eux.» Elle se décrit comme pratiquant une gestion collaborative couplée d'un leadership affirmé.

Même attitude chez Nancy Simoneau. Quand elle s'est retrouvée à la présidence, la santé financière de l'entreprise était précaire. «Je tenais à assurer la pérennité et j'ai abordé cette mission avec humilité. J'ai dit aux employés que nous avions des problèmes, je leur ai présenté le plan de restructuration et je leur ai demandé s'ils embarquaient avec moi dans cette aventure.»

Pari relevé. L'entrepreneure se dit «assise sur une structure financière capable de soutenir ses ambitions», elle qui caresse le projet d'ouvrir une deuxième usine.

«Je consulte beaucoup et j'adore être mise au défi, poursuit-elle. Changer d'idée ne me dérange pas quand c'est pour le mieux.»

Prudentes, les filles !

On dit aussi que les femmes ont une gestion plus prudente, prenant davantage la relève dans la continuité et favorisant la croissance à moyen et à long terme. Encore une fois, Geneviève Verrier se reconnaît : «Je prends rarement des décisions impulsives.»

Elle donne l'exemple du marché de Sorel-Tracy qu'Alpha Assurances vient de percer. Au lieu d'ouvrir rapidement une succursale, elle a consacré 18 mois à analyser différentes options. La décision ? Offrir ses produits par un courtier plutôt que directement. Mais plutôt que de s'adresser à un courtier existant, la femme d'affaires a convaincu deux collègues de lancer leur propre cabinet de courtage. Et elle a les accompagnées dans leur démarche. Prudente, peut-être, mais elle ne craint pas de sortir des sentiers battus !