Du pétrole à l'île d'Anticosti ? De grâce, calmons-nous !

Publié le 26/02/2011 à 00:00

Du pétrole à l'île d'Anticosti ? De grâce, calmons-nous !

Publié le 26/02/2011 à 00:00

La présence hypothétique de pétrole de schiste à l'île d'Anticosti a énervé bien du monde la semaine dernière.

À Québec, l'opposition péquiste a accusé le gouvernement d'avoir cédé " un trésor " à l'entreprise privée, en référence aux permis qu'Hydro-Québec détenait à l'île d'Anticosti et qu'elle a vendus à une petite société québécoise, Petrolia.

Cette décision d'Hydro fait suite à la mise au rancart de la division pétrole et gaz qu'elle avait créée dans les années 2000 pour explorer et mettre en valeur les ressources en hydrocarbures du golfe et de l'estuaire du Saint-Laurent. Cette initiative, dans laquelle la société d'État a investi 300 millions de dollars (M$) sur 10 ans, fut d'ailleurs retenue dans la stratégie énergétique 2006-2015 qu'adopta par la suite le gouvernement Charest. Hydro voulait aussi explorer la structure Old Harry située dans le golfe.

La société d'État dépensa 30 M$ dans ce domaine jusqu'à ce que son conseil d'administration décide d'abandonner cette filière. Hydro avait été échaudée par la controverse suscitée par son projet de centrale au gaz du Suroît, projet auquel elle renonça, conformément à la volonté du gouvernement Charest de faire la paix avec les écologistes.

Sans le démembrement de la division des hydrocarbures par Hydro, on serait sans doute plus avancé à l'île d'Anticosti et dans le projet Old Harry. L'État aurait à sa disposition un outil d'intervention important pour agir comme catalyseur avec le secteur privé.

Cela devrait nous faire réfléchir. Alors que la pression des environnementalistes a fait reculer Hydro, certains Québécois déplorent aujourd'hui cette décision. Ils regrettent que l'entreprise privée ait pris la relève et que l'État doive se contenter de redevances.

Quant au " trésor " que représenteraient les permis d'Hydro, on nage dans la plus pure spéculation. Sur les trois puits forés l'été dernier à l'île d'Anticosti par Petrolia et Corridor Resources, on n'a trouvé des indices de pétrole que dans une carotte extraite d'un seul puits. Shell avait aussi trouvé des indices lors des dix forages qu'elle y avait effectués avant qu'elle n'abandonne ses permis.

Mais c'est chez les spéculateurs que l'énervement a été le plus important, puisque ceux-ci ont fait passer l'action de Petrolia de 50 cents (prix de fermeture, le 8 février, veille de la publication du communiqué annonçant les résultats des forages) à un sommet de 2,04 $ le 17 février. Qui plus est, cette explosion s'est accompagnée d'un volume de transactions aussi inhabituel qu'étonnant : 2,7 millions (M) d'actions échangées le 15 février, 5,8 M le 16 février, 13 M le 17 février et 6,2 M le 18 février, par rapport à des volumes quotidiens variant de 11 600 à 102 683 actions dans les 22 jours précédant l'annonce.

Cette spéculation effrénée est d'autant plus suspecte que l'action de Corridor, partenaire de Petrolia dans le puits, n'a presque pas bougé au cours de la même période. Son prix a monté, passant de 5,09 $ (fermeture le 8 février) à un sommet de 6,07 $ le 17 février, mais le nombre d'actions échangées chaque jour est resté stable. Cette réaction est justifiée, car il faudra sûrement investir des centaines de millions de dollars avant de trouver un gisement de pétrole à l'île d'Anticosti.

La spéculation sur l'action de Petrolia s'explique en partie par les déclarations démesurées de son président, qui a poussé sa mise en marché jusqu'à montrer son projet de communiqué à la ministre Normandeau la veille de sa publication (selon ruefrontenac.com, il était dans son bureau à 15 h 45, le 8 février, alors que le marché boursier termine ses activités à 16 h). Petrolia nous a habitué à l'ambiguïté, comme l'indique cet extrait consacré à l'île d'Anticosti dans son rapport de gestion du 30 septembre 2010 : " Shell a déjà évalué à 30 milliards de barils la quantité de pétrole produite par cette roche-mère dans l'histoire de ce bassin sédimentaire. " Comme si Shell avait identifié ces réserves à l'île d'Anticosti, où elle a abandonné ses permis !

L'explosion qu'a connue le titre de Petrolia a peut-être aussi été aidée par des activistes proches de Pilatus Energy, une société suisse dont la propriété est mystérieuse, qui détient 8,6 % de Petrolia et qui est représentée à son conseil d'administration. Selon des documents déposés en cour aux États-Unis, des proches de Pilatus ont manoeuvré pour intervenir dans les affaires de Vaalco Energy, une société inscrite à la Bourse de New York, et la valoriser (pour en savoir plus, lire http://tinyurl.com/62fenhn).

Compte tenu des vagues spéculatives qu'ont subies Vaalco et Toreador Energy à la suite des interventions de proches de Pilatus, les investisseurs doivent se montrer prudents face à la promotion faite sur l'action de Petrolia.

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