Dosez le risque, maximisez vos rendements

Publié le 11/02/2012 à 00:00

Dosez le risque, maximisez vos rendements

Publié le 11/02/2012 à 00:00

Par Marie-Claude Morin

Malgré les taux d'intérêt au plancher, les marchés volatils et l'incertitude économique qui persiste, il est encore possible de faire fructifier ses épargnes REER. À condition de bien doser le risque.

Prudence ou audace ? À moins de trois semaines de l'échéance pour contribuer à son REER pour l'année 2011, la question se pose sérieusement. Selon Hélène Gagné, associée et gestionnaire de portefeuille chez PWL Capital, il faut vous faire à l'idée : «Les gens qui ne veulent pas prendre de risque seront malheureux cette année !»

En fait, dit-elle, les épargnants gagneraient à mieux comprendre le risque. Une opinion qui trouve écho chez les autres conseillers consultés. Les véritables risques, préviennent-ils, sont ceux à long terme, beaucoup plus que les fluctuations passagères des marchés boursiers. «Les gens regardent le risque des actions, mais il y a actuellement un bon gros risque du côté des obligations», explique Raphaël Hainault, planificateur à la Financière des professionnels.

Geler ses avoirs pendant cinq ans avec un certificat de placement garanti (CPG) ou acheter des obligations long terme résultera vraisemblablement en une érosion du pouvoir d'achat. En effet, les CPG 5 ans offrent actuellement un rendement moyen de 2 % à 2,5 %, et les obligations à prime du Canada échéant dans dix ans, 1,20 %. Ce qui n'annule pas l'effet de l'inflation, qui s'établissait à 2,3 % en décembre dernier.

Un rendement perdu

Un investisseur qui s'engage à conserver un placement garanti pendant plusieurs années, comme c'est le cas avec les obligations d'épargne et des CPG non rachetables, devra mettre une croix sur des occasions d'investissement futures plus intéressantes. Conséquence : il encaissera un rendement inférieur à ce qu'il aurait obtenu autrement. Comme les obligations s'échangent sur les marchés, il est assez facile de constater la perte de valeur lorsque les taux d'intérêt augmentent, et donc que les investisseurs leur préfèrent d'autres placements. «Les CPG aussi impliquent un rendement perdu lorsque les taux montent», met en garde Vincent Fournier, gestionnaire chez Claret.

Il faut différencier fluctuations passagères et perte définitive de rendement ou de capital. Un portefeuille d'actions peut perdre de la valeur, mais il a également la chance de rebondir. Un investisseur peut adopter une stratégie de placement qui lui évitera de devoir sortir de la Bourse au mauvais moment, suggère Raphaël Hainault : «Si le portefeuille génère assez de liquidités sous forme de dividendes pour répondre à ses besoins, le client ne sera pas pressé de vendre ses actions et pourra ainsi investir à long terme.»

Avec cette approche, le planificateur ne juge pas pertinent de conserver beaucoup d'encaisse en portefeuille. «On garderait des liquidités en attendant quoi ? Il sera trop tard pour entrer dans le marché boursier lorsqu'il aura déjà remonté. C'est maintenant le bon moment, alors qu'il est déprimé.»

Même son de cloche du côté de Nancy Paquet, vice-présidente, distribution aux conseillers à la Banque Nationale. Selon elle, un investisseur ayant un profil «équilibré» devrait limiter son encaisse entre 5 à 7 % de son portefeuille. D'ailleurs, pour générer un certain rendement sur cette somme, elle suggère les comptes d'épargnes à haut rendement, comme celui d'Altamira, de la Banque Nationale, offrant 1,2 % d'intérêt.

Quoi mettre (ou non) dans son REER cette année

Certificats de placement garanti

Que ce soit des certificats de placement garanti de trois ou cinq ans, à taux fixe ou progressif, les rendements offerts sont loin d'être mirobolants. Ce qui est normal, si l'on considère que le taux directeur est de 1 % ou moins depuis février 2009.

«Ce n'est pas avec les rendements d'un CPG qu'on peut s'assurer de vieux jours confortables», prévient Nancy Paquet, de la Banque Nationale. Les CPG indiciels peuvent s'avérer une solution plus intéressante, tout en continuant de protéger le capital. Ces produits procurent un rendement minimal inférieur à celui des CPG traditionnels, mais permettent de profiter d'une partie des hausses boursières. «Ça peut être une bonne solution de rechange, mais vraiment juste pour les investisseurs très prudents», dit Mme Paquet.

Aux épargnants qui tiendraient à investir une partie de leur portefeuille en CPG, ce qu'il juge plus ou moins intéressant, Éric F. Gosselin, planificateur associé au groupe financier Peak, conseille fortement de se limiter à une échéance de 18 mois ou moins. «Ce sera alors moins loin s'ils ont des besoins de liquidités à combler ou des occasions de placement plus intéressantes à saisir.»

Obligations

La place occupée par les obligations dans un portefeuille dépend grandement des attentes des investisseurs quant à la trajectoire des taux d'intérêt et à la progression des marchés boursiers, deux éléments qui dépendent du contexte économique. Les optimistes délaissent les obligations, alors que les plus inquiets aiment bien la sécurité qu'elles procurent.

C'est le cas de Sylvain Ratelle, vice-président et stratège pour Valeurs mobilières Banque Laurentienne : «Les problèmes qui ont causé la volatilité des marchés en 2011, c'est-à-dire l'Europe et les États-Unis, demeurent d'actualité en 2012.»

Il suggère de surpondérer les obligations et de sous-pondérer les actions, selon le profil de chaque investisseur. Pour ce faire, les obligations provinciales de moyenne échéance (cinq à sept ans), les fonds négociés en Bourse (FNB) ou les fonds communs d'obligations représentent de bons choix à ses yeux.

D'autres préfèrent les obligations de sociétés. Comme elles n'offrent pas une garantie aussi solide que les obligations gouvernementales, elles sont plus risquées, mais offrent un rendement supérieur. «On peut y aller d'un mélange d'obligations provinciales, plus intéressantes que les fédérales, et d'obligations de sociétés», suggère Nancy Paquet, pour qui la durée moyenne ne devrait toutefois pas dépasser six ans.

Selon Éric F. Gosselin, la durée moyenne devrait être encore plus courte et se limiter à trois ans ou moins. Quant à l'instrument, le planificateur opte pour les fonds communs, qui peuvent selon lui procurer 6 ou 7 % de rendement dans ce créneau. «On délègue la sélection des titres au gestionnaire et on profite d'une meilleure diversification, ce qui est important dans le cas des obligations de sociétés.»

Pour sa part, Hélène Gagné, de PWL Capital, recommande les FNB d'obligations à rendement élevé, qui offrent des rendements supérieurs et une bonne diversification.

De son côté, François Rochon, président de Giverny Capital, déconseille carrément les obligations : «C'est la chose la plus risquée en ce moment. Les taux sont tellement bas, on est certain de s'appauvrir !»

Les actions sont incontournables

Pour faire fructifier les avoirs à long terme, la majorité des conseillers consultés préfèrent les actions. Les rendements des dernières années, inférieurs à ceux qui ont été enregistrés dans l'histoire, les rassurent quant au rebond à venir. «Personne n'a de boule de cristal, et peut-être que le marché ne rebondira qu'en 2013», prévient Hélène Gagné, de PWL Capital, pour qui c'est le bon moment d'investir afin d'en profiter.

Dans le contexte actuel, il vaut mieux bien diversifier son portefeuille et opter pour des entreprises solides, bien capitalisées et versant des dividendes.

Les États-Unis ont la cote

Les vues diffèrent quant à la répartition géographique idéale.

Nancy Paquet suggère d'investir le quart du portefeuille en actions canadiennes, 10 à 12 % en actions américaines et 8 à 10 % à l'international. «Souvent, les investisseurs en profitent pour acheter des fonds de marchés émergents, ce qui est une bonne idée si l'horizon de placement est de cinq ans ou plus.»

Hélène Gagné y va plutôt pour une approche équipondérée, consacrant le tiers de la portion actions à chaque marché. Pour leur part, Raphaël Hainault, Éric F. Gosselin et François Rochon accordent plus de poids aux États-Unis qu'au Canada. Comme le marché canadien est très concentré dans les ressources et les financières, investir aux États-Unis offre une importante diversification, fait valoir M. Haineault. En plus, dit-il, les sociétés américaines sont sous-évaluées et la force du dollar canadien est avantageuse pour les investisseurs.

Des placements à favoriser

Côté instruments, Mme Gagné préfère les FNB calquant les principaux indices et exclut les FNB sectoriels, à levier (qui amplifient les rendements des indices à la hausse ou à la baisse) ou gérés activement. Pour le Canada, elle utilise l'indice de grandes sociétés TSX 60 et l'indice composite de la Bourse de Toronto pour s'assurer une participation dans les petites et moyennes capitalisations.

Sylvain Ratelle aime bien lui aussi les sociétés de petites capitalisations au Canada, qu'il juge sous-évaluées. «Elles ont un potentiel de croissance des bénéfices supérieur aux grandes sociétés en 2012 et 2013», dit-il. Pour en profiter, Mme Paquet suggère de son côté d'y consacrer environ 5 % du portefeuille.

À ceux qui souhaitent un mélange de dividendes et d'intérêt tout en restant prudents, Éric F. Gosselin suggère le Fonds de rendement stratégique Dynamique ou le Fonds enregistré de revenu stratégique Mackenzie Sentinelle. «Ils ont bien traversé les fluctuations boursières et ont enregistré de bons rendements en 2011.» Le fonds Dynamique a par exemple réalisé un rendement de 7,2 % l'an dernier.

Aux États-Unis, des fonds calquant l'indice S&P 500 ou le Dow Jones font l'affaire pour la plupart des investisseurs, croit François Rochon. Dans les fonds communs, M. Gosselin aime le Mackenzie Universal Américain, le Fonds de croissance américaine Dynamique Power et le Fonds de croissance américain O'Shaughnessy RBC.

À l'international, Mme Gagné conseille des FNB calquant le MSCI EAFE (Europe, Asie et Moyen-Orient), alors que Vincent Fournier, de Claret, préfère plutôt les grandes sociétés américaines actives à l'international. «Une entreprise comme Coke, par exemple, dégage plus de la moitié de ses bénéfices à l'extérieur des États-Unis», explique-t-il.

Lorsqu'ils investissent à l'extérieur du Canada, la plupart des conseillers ne jugent pas nécessaire de se protéger contre le taux de change. Les coûts associés à une telle protection ne sont pas justifiés en ce moment, vu la relative stabilité du dollar canadien.

CES CHIFFRES POURRAIENT GUIDER VOS DÉCISIONS

2,57 %

CPG Évolutaux non rachetable de cinq ans offert par la Banque Nationale. Le rendement est de 2 % pour le rachetable.

0,90 %

CPG non rachetable d'un an offert par Desjardins.

3,30 %

Obligations à escompte du Québec venant à échéance dans 10 ans.

+ 0,3 %

Rendement prévu de l'indice S&P 500 en 2012, selon les 14 stratèges sondés par Bloomberg, en date du 6 février.

50

Le multiple auquel se négocient les obligations américaines de 10 ans, soit l'inverse d'un rendement de 2 %, calcule François Rochon, de Giverny Capital.

«Une bonne diversification reste le conseil numéro un. Une concentration dans une seule catégorie d'actif présente un risque de perte de capital et de rendement.» - Éric F. Gosselin, planificateur associé au Groupe financier Peak

«Les actions sont actuellement le seul instrument qui permettra de conserver son pouvoir d'achat. Malheureusement, cela suppose de la volatilité.» - Raphaël Hainault, planificateur à la Financière des professionnels

«Il est possible de trouver sur le TSX ou le S&P 500 des entreprises solides qui offrent un meilleur rendement, grâce aux dividendes, que ne le font les obligations.» - Vincent Fournier, gestionnaire chez Claret.

marie-claude.morin@tc.tc

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