Des clients qu'on aurait tort d'ignorer

Publié le 21/04/2012 à 00:00

Des clients qu'on aurait tort d'ignorer

Publié le 21/04/2012 à 00:00

Par Marie-Eve Fournier

Il a moins de 40 ans, les yeux bridés, il se soucie du sort de la planète et se fie aux commentaires d'internautes sur les médias sociaux pour prendre ses décisions d'achat, parce qu'il n'a pas trop confiance en la publicité. De qui s'agit-il ? Du consommateur socialement responsable. Celui qui est prêt à payer plus cher les produits et services vendus par des entreprises qui partagent ses valeurs.

Tel est le portrait-robot du consommateur à la conscience sociale aiguisée qu'a dressé la firme Nielsen après avoir sondé 28 000 Terriens dans 56 pays.

Partout dans le monde, 55 % des répondants se sont définis comme étant responsables. Mais la conscience sociale est loin d'être répartie également sur la planète. Tandis qu'environ la moitié des résidents de l'Asie (55 %), du Moyen-Orient/Afrique (53 %) et de l'Amérique latine (49 %) acceptent d'allonger quelques billets de plus pour encourager des entreprises qui redonnent à la société, seulement 35 % des Nord-Américains en font autant. Les Européens ferment la marche, avec 32 %.

«Ces chiffres sont encourageants si on les compare à ce que l'on observait il y a 7 ans, commente Luc Dupont, docteur en sociologie, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste du comportement des consommateurs. Mais je m'empresse de les relativiser à cause du biais de désirabilité sociale [la volonté de bien paraître quand on répond à un sondage].»

Risqué de ne rien faire

À voir les données compilées par Nielsen, on serait tenté de croire que les entreprises canadiennes n'ont pas beaucoup intérêt à miser sur leur engagement communautaire dans leurs campagnes marketing. Car entre les paroles vertueuses et le geste, il y a un pas que plusieurs ne franchissent pas.

«Le marketing associé à une cause ne fonctionne pas avec tous les segments de consommateurs», observent les auteurs de la recherche.

Or, «c'est encore plus risqué de ne rien faire que de faire quelque chose» fait valoir Alain d'Astous, professeur de marketing à HEC Montréal, qui a aussi réalisé des études sur la consommation responsable. L'universitaire suggère aux entreprises de mettre en valeur leurs bonnes actions et même «d'orienter leurs stratégies en fonction de ceux qui achètent de façon responsable étant donné que c'est un segment qui est de plus en plus important».

Luc Dupont est d'accord avec lui, mais il souligne qu'il est difficile de rejoindre ceux qui consomment de façon responsable puisqu'ils accordent beaucoup moins de crédibilité aux moyens de communication traditionnels que la population en général. Pour les spots télé, l'écart est de 17 %. C'est encore plus marqué sur Internet (24 %) et les réseaux sociaux (28 %), révèle Nielsen. Les consommateurs «engagés» font plutôt confiance aux recommandations d'amis (95 %).

La conscience sociale a un âge

Autre constat : le sort de la planète intéresse surtout les plus jeunes. Tandis que 51 % des 15 à 39 ans sont enclins à payer plus cher pour encourager des entreprises qui redonnent à la société, la proportion est de 37 % chez les plus de 40 ans.

C'est aussi la conclusion de la plus récente étude sur la question réalisée par Statistique Canada et dévoilée l'an dernier. On y expliquait que les valeurs dites «postmatérialistes» (extériorisation et sécularisation) se sont développées chez les personnes nées après la Deuxième Guerre mondiale et que, par conséquent, «elles sont moins prévalentes chez les personnes de 65 ans et plus.»

Quels sont les arguments qui nuisent à la consommation responsable ?

«Il y a en trois principaux. La rationalisation économique, c'est-à-dire croire que ça coûte trop cher ; la dépendance au gouvernement, se dire que s'il était néfaste, le bien en question ne serait pas sur le marché ; l'idée qu'en achetant des produits provenant de pays en voie de développement, on aide ces derniers à se développer économiquement.» - Alain d'Astous, professeur de marketing à HEC Montréal

À la lumière des résultats, que doivent faire les responsables du marketing ?

«La plus grande difficulté pour les entreprises est de corriger la perception que les produits socialement responsables sont plus chers. Car l'excuse du prix, dans quelques cas, est une excuse facile et rassurante pour ne pas en consommer. Et si le prix est effectivement plus élevé, le défi est de communiquer un message plus social.» - Luc Dupont, docteur en sociologie, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste du comportement des consommateurs

68 % La plus forte concentration de consommateurs qui acceptent de payer plus cher les produits ou services vendus par des sociétés socialement responsables se trouve aux Philippines (68 %)... la plus faible, aux Pays-Bas (20 %).

QUELLES CAUSES LES ENTREPRISES DEVRAIENT-ELLES APPUYER ?

66 %

Environnement, développement durable

56 %

Amélioration des sciences, de la technologie, l'ingénierie et l'enseignement des mathématiques

53 %

Éradication de l'extrême pauvreté et de la faim

52 %

Soutien aux personnes touchées par des catastrophes naturelles

50 %

Soutien aux petites entreprises et à l'entrepreneuriat

Selon les consommateurs qui se définissent comme étant socialement responsables. Étude «Who is the global, socially-conscious consument ?» par Nielsen.

LE SOUCI ÉTHIQUE VARIE SELON L'ÂGE ET LA PROVINCE DE RÉSIDENCE

Pourcentage de Canadiens ayant choisi ou boycotté un produit pour des raisons éthiques, 2008 *

25-34 ans 32 %

65 ans et + 15 %

Colombie-Brit. 31 %

Québec 29 %

...

Terre-Neuve 14 %

Nouv.-Brunswick 14 %

* Statistiques les plus récentes disponibles, dévoilées à la fin 2011

POURCENTAGE DES CONSOMMATEURS PRÊTS À PAYER DAVANTAGE POUR UN PRODUIT OU UN SERVICE D'UNE ENTREPRISE QUI REDONNE À LA COLLECTIVITÉ

Asie Pacifique

55 %

Moyen-Orient / Afrique

53 %

Amérique latine

49 %

Amérique du Nord

35 %

Europe

32 %

marie-eve.fournier@tc.tc

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