La marge de profit brute d'Apple a atteint un nouveau sommet de 44,7 % au premier trimestre de son exercice 2012. Pourtant, les prix pratiqués par l'entreprise, traditionnellement plus élevés que ceux de la concurrence, n'ont jamais été aussi compétitifs. Alors, qu'est-ce qui explique la rentabilité d'Apple ?
C'est du côté de la chaîne d'approvisionnement du géant de Cupertino que résiderait le secret de sa rentabilité : «Apple n'a pas toujours porté autant d'attention à sa chaîne d'approvisionnement, mais depuis l'arrivée de Tim Cook, qui est aujourd'hui le pdg d'Apple, c'est l'une de ses forces», explique Saibal Ray, professeur en gestion des opérations à l'Université McGill.
Apple, qui a écoulé pas moins de 37 millions d'iPhone au dernier trimestre, a un avantage de volume sur ses concurrents, qui offrent de nombreux modèles de téléphones. Cet avantage et son encaisse exceptionnelle de 97,6 milliards de dollars américains lui permettent de négocier des contrats d'approvisionnement à prix très avantageux.
Lors de son lancement en 2007, le modèle le moins cher de l'iPhone coûtait 499 $ US avec un contrat de deux ans aux États-Unis. Depuis, le prix du célèbre téléphone n'a cessé de baisser et ses caractéristiques, d'être bonifiées. L'iPhone 4S ne coûte aujourd'hui que 199 $ avec le même contrat aux États-Unis.
Même chose pour l'iPad ; ses premiers concurrents, la Xoom de Motorola et la Galaxy Tab de Samsung, ont respectivement été lancés à un prix de base supérieur à celui de l'iPad, fixé dès son lancement à 499 $.
De la même manière, aucun manufacturier asiatique n'a encore réussi à proposer un équivalent moins coûteux au MacBook Air d'Apple, dont le modèle de base coûte 999 $.
Une rentabilité insoutenable ?
Le directeur financier d'Apple, Peter Oppenheimer, estime que la marge de 44,7 % était exceptionnelle : «Je ne crois pas qu'on puisse dégager une marge aussi élevée de nouveau cette année», a-t-il dit lors du dévoilement des résultats trimestriels, fin janvier.
La plupart des analystes, quant à eux, sont persuadés du contraire. «Cette marge de profit pourra être maintenue, du moins dans un horizon de un à deux ans, dit Mike Walkley, de Canaccord Genuity. Dans la mesure où l'iPhone 4S n'était qu'une évolution mineure, Apple pourra générer un volume encore plus grand avec l'iPhone 5 et négocier des contrats encore plus avantageux.»
Edward Zabitsky, d'ACI Research, est l'un des seuls analystes à tabler sur une baisse du titre. Il doute de la capacité d'Apple à maintenir ses marges, et note qu'elle n'est pas en bonne posture pour gagner une guerre de prix : «Samsung a un pouvoir d'achat similaire à celui d'Apple. De plus, Samsung conçoit et manufacture des composants d'une valeur de 60 à 80 $ intégrés à chaque téléphone Galaxy haut de gamme, tandis qu'Apple ne conçoit que 25 $ de composants pour l'iPhone.»
Le professeur Saibal Ray explique qu'il n'y a pas de plafond au phénomène d'économie d'échelle dans une chaîne d'approvisionnement industrielle. «Plus le volume d'Apple sera important, plus les prix négociés seront avantageux», confirme-t-il.
L'ENCAISSE POUR BLOQUER SES CONCURRENTS
En 1997, Steve Jobs comptait sur l'iMac, qui serait lancé un an plus tard, pour remettre Apple sur les rails. Comme elle voulait s'assurer d'avoir suffisamment de stocks durant les fêtes, l'entreprise a alors déboursé 50 millions de dollars afin d'acheter toute la capacité de transport aérien disponible durant cette période critique. Ainsi, à l'approche de Noël 1998, Compaq fut incapable de transporter ses produits par avion.
Dix ans plus tard, le pouvoir d'achat d'Apple était si important qu'il lui a permis de s'emparer de ressources beaucoup plus difficiles à remplacer. En 2009, les contrats d'approvisionnement d'Apple en mémoire flash destinée à ses iPod et ses iPhone ont engendré une pénurie mondiale.
«Le volume ne permet pas seulement d'avoir de meilleurs prix, mais aussi de créer une rareté artificielle et d'accroître les coûts des concurrents», explique Saibal Ray, professeur en gestion des opérations à l'Université McGill.
Voire, de rendre certaines ressources indisponibles. Saibal Ray cite l'exemple des semi-conducteurs, employés pour réaliser les processeurs et la mémoire vive, et fabriqués dans des usines extrêmement coûteuses et complexes. On peut ainsi imaginer Apple, devenue le plus grand acheteur de ce composant en 2011, paralyser l'industrie durant des mois grâce à ses audacieux contrats d'approvisionnement. «Depuis la crise de 2008, les fabricants de semi-conducteurs sont en surcapacité, mais avec la reprise économique, un tel scénario n'est pas impossible», soutient Saibal Ray.
Une rentabilité très enviable
Marge de profit brute d'Apple au premier trimestre
1998
Tim Cook se joint à Apple à titre de vice-président des opérations mondiales.
2001
Lancement de l'iPod, dont le modèle de base coûte 399 $.
2004
Tim Cook est nommé chef de l'exploitation.
2007
Lancement de l'iPhone, dont le modèle de base coûte 499 $ avec un abonnement.
2008
Lancement du MacBook Air, dont le modèle de base coûte 1 799 $.
2010
Lancement de l'iPad, dont le modèle de base coûte 499 $.
2011
Lancement de la 5e mouture du MacBook Air, dont le modèle de base coûte 999 $.
Lancement de l'iPhone 4S, dont le modèle de base coûte 199 $ avec un abonnement.
Tim Cook est nommé pdg d'Apple.
Source : Bloomberg
