CGI : les résultats sont-ils si bons ?


Édition du 30 Novembre 2013

CGI : les résultats sont-ils si bons ?


Édition du 30 Novembre 2013

En apparence, c'est l'une des plus belles acquisitions des dernières années du Québec inc.. Grâce à l'achat de Logica, Groupe CGI (Tor., GIB.A, 40,60 $) donne l'impression d'avoir vraiment réussi un coup de circuit. Bonne balle ou fausse balle ?

Depuis l'acquisition de l'européenne, au printemps 2012, le titre de la société a doublé.

Dans les jours qui ont suivi l'acquisition, le marché a un peu douté. Logica était un canard boiteux. Dans les quatre années précédant la transaction, le prix de son action avait varié de 60 à 150 pences, sans jamais réussir à s'envoler. Les analystes européens résumaient ainsi la situation : Logica a plusieurs bons wagons, mais n'a jamais réussi à atteindre une bonne vitesse de croisière, parce que l'un ou l'autre des wagons est toujours en déraillement et ralentit l'ensemble du train.

La direction de CGI était bien déterminée à régler le problème. Elle allait implanter dans chacune des unités de l'européenne ses processus de gestion et s'assurer que les coûts de chacun des contrats soient bien appariés à leurs revenus.

La transaction allait aussi éventuellement lui permettre de gagner de nouvelles ententes avec ses plus importants clients nord-américains (Rio Tinto, Bombardier, etc.) qu'elle pourrait désormais accompagner sur le marché européen. Même chose pour ceux de Logica (Michelin), dont les ententes pourraient avoir des retombées ici.

Mieux encore, il y avait des solutions spécialisées à exporter sur chacun des marchés (en finance et en santé pour CGI, dans les services publics pour Logica). Les premiers résultats de l'intégration allaient très vite dissiper les doutes et le titre de CGI, s'envoler.

Plusieurs y croient

Malgré la progression, une majorité d'analystes estiment aujourd'hui qu'il y a encore un bon potentiel pour CGI.

La Financière Banque Nationale (FBN) note que le titre ne se négocie qu'à 15 fois le bénéfice prévu pour l'exercice 2015 (septembre), tandis que des sociétés comparables comme Accenture ou Constellation sont à 17 et 18 fois. Avec l'Europe qui montre des signes de reprise, le multiple pourrait prendre de l'expansion, estiment les analystes de la FBN.

Cantor Fitzgerald est elle aussi optimiste et voit les marges de l'entreprise continuer à s'améliorer dans le futur.

Raymond James partage les deux opinions.

Le doute

Il n'y a cependant pas unanimité. La Deutsche Bank en a remis, il y a quelques jours, avec une nouvelle recommandation de vente. CGI rapporte des bénéfices supérieurs aux attentes, dit-elle, mais c'est largement en raison d'ajustements comptables.

Lorsqu'on suit les flux de trésorerie (l'argent qui rentre, moins l'argent qui sort), l'histoire est différente et l'entreprise livre une performance beaucoup moins intéressante.

Comment la chose est-elle possible ?

Quelques exemples.

CGI a modifié la méthode comptable de Logica sur les contrats en sous-traitance à prix fixe. Cela a conduit à une radiation de 624 M$ pour des revenus tirés de travaux en cours. Ces revenus avaient été reconnus, mais n'avaient pas encore été facturés. Ils pourraient bien être en train de revenir et de bonifier la marge, puisqu'il s'est aussi opéré d'importantes radiations de coûts. L'analyste Bryan Keane ajoute que, dans le passé, les états financiers de Logica n'affichaient pas de revenus reportés. Depuis l'acquisition par CGI, d'autres changements comptables ont eu pour effet de générer des revenus reportés de 676 M$. Des revenus que CGI devrait reconnaître d'ici un à trois ans. Ils feront artificiellement gonfler les marges.

Bref, en apparence, la rentabilité augmente et devrait continuer d'augmenter, mais la qualité des bénéfices et des marges est discutable. En postulant que les marges tiendront dans le futur, plusieurs analystes pourraient bien faire erreur et afficher des prévisions trop optimistes.

Le plus préoccupant est que, lorsqu'on adopte l'approche des flux de trésorerie, le titre de CGI semble fortement surévalué.

La valeur d'entreprise de CGI est actuellement d'environ 19,7 fois les flux de trésorerie de 2014, alors qu'Accenture n'est qu'à 14,3 fois. L'analyste croit qu'un multiple raisonnable pour CGI devrait plutôt être celui de Constellation, ce qui placerait le titre à 24 $. Une chute de près de... 40 %.

Qu'en penser ?

Il n'y a aucun doute dans notre esprit qu'il est légitime que CGI revoie les politiques comptables de Logica afin de les adapter aux siennes. Il n'y a pas de doute également sur son talent d'intégratrice. Beaucoup de synergies sont assurément réalisées.

À cause des ajustements comptables, leur force est cependant difficile à quantifier. Le pessimisme de la Deutsche Bank semble démesuré, mais le marché serait sage d'appliquer des multiples un peu plus faibles. À son cours actuel, on éviterait le titre.

Pour reprendre l'analogie baseballesque en introduction : la balle est en jeu pour plus d'un but, mais elle risque de ne pas traverser la clôture.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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