" Les journaux doivent se spécialiser "

Publié le 06/12/2008 à 00:00

" Les journaux doivent se spécialiser "

Publié le 06/12/2008 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Professeur de journalisme à l'Université de Caroline du Nord et auteur du livre The Vanishing Newspaper: Saving Journalism in the Information Age, Phil Meyer estime qu'il vaut mieux pour les journaux réduire leur rythme de parution et investir dans le Web que de tenter de survivre uniquement sur papier et de réduire le personnel. Entrevue.

Journal Les Affaires - Les quotidiens sont-ils en train de disparaître ou de vivre un renouveau ?

Philip Meyer - Quand j'ai écrit The Vanishing Newspaper, en 2004, j'avais sous-estimé la rapidité de l'effet Internet. Il est clair maintenant que l'impact est aussi important que celui qu'a eue l'invention de Gutenberg sur les crieurs, ces journalistes du 15e siècle. Mais les journaux ne disparaîtront pas, ils se transformeront.

JLA - Sous quelle forme ?

P.M. - Les quotidiens qui survivront à la crise actuelle le feront grâce à un contenu hybride : de l'analyse, de l'enquête, du contexte dans un produit papier qui ne paraîtra pas tous les jours, combiné à des mises à jour constantes et de l'interaction avec les lecteurs sur le Web.

JLA - Quel avenir voyez-vous pour les grands quotidiens généralistes ?

P.M. - Les quotidiens de masse étaient la réponse à l'ère industrielle. J'envisage un scénario où les quotidiens rétrécissent leur auditoire, en spécialisant leur produit pour desservir des niches avec du contenu de qualité. Les journaux doivent se spécialiser.

JLA - Vous dites qu'il faut concentrer les efforts et les ressources sur le journalisme pour les élites. Que voulez-vous dire ?

P.M. - La plus grande force des journaux - et celle qu'on ne peut pas remplacer facilement - est leur influence sur la communauté. Ils la gagnent en étant la source d'information la plus crédible. C'est en misant sur cette influence que les journaux sont en meilleure position pour concurrencer les autres contenus offerts sur le Web. Le modèle traditionnel de la chasse aux nouvelles et des résumés de communiqués de presse ne suffit plus. Il faut faire de la mise en contexte et donner des pistes de solutions. Tous les lecteurs ne demandent pas ce genre de contenu, mais les leaders de la communauté, ceux qui ont ou qui cherchent à avoir de l'influence, en veulent. Je crois que si les journaux ne se mettent pas rapidement à produire ce genre de contenu, d'autres joueurs prendront leur place.

JLA - Comment financer ce genre de journalisme ?

P.M. - C'est effectivement un problème. À l'heure actuelle, les quotidiens réduisent leurs effectifs. Mais si cela a pour effet de réduire la qualité du produit, ils perdront encore plus d'auditoire. C'est un cercle vicieux.

Et c'est clair que les quotidiens devront vivre avec des marges de profit inférieures à celles auxquelles ils sont habitués. Cela dit, de nouvelles sources de financement pour du journalisme de qualité apparaissent : les philanthropes. Charles Lewis, ancien journaliste du réseau CBS, a créé le Center for Public Integrity, financé par la Knight Foundation.

Il va falloir être imaginatif et ne pas oublier le rôle social majeur du journalisme. Récemment, le New York Times a envoyé cinq reporters en Chine pour enquêter sur la pollution industrielle. Ils ont fait traduire leur enquête en mandarin - trouvant ainsi un nouvel auditoire - et l'impact a été tel que le gouvernement chinois a dû réagir.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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