L'empreinte montréalaise dans Blade Runner 2049

Publié le 24/02/2018 à 06:00

L'empreinte montréalaise dans Blade Runner 2049

Publié le 24/02/2018 à 06:00

Par Denis Lalonde

Il n'y a pas que le réalisateur Denis Villeneuve qui a légué une empreinte québécoise au film Blade Runner 2049, suite du film culte Blade Runner, paru en 1982. La production a aussi grandement bénéficié du savoir-faire montréalais du côté des effets spéciaux.

Le film a déjà remporté les prix des meilleurs effets visuels et de la meilleure photographie durant la 71ᵉ cérémonie des British Academy Film Awards, organisée par la British Academy of Film and Television Arts (BAFTA), qui s'est déroulée le 18 février. Répétera-t-il l'exploit durant la 90e cérémonie des Academy Awards en remportant quelques Oscars? Réponse le 4 mars.

La confrontation

Une scène marquante du film survient quand le personnage de Rick Deckard (Harrison Ford) est confronté à une copie exacte de Rachael (Sean Young), une réplicante, telle qu'elle était dans le film original, il y a 35 ans.

Pour parvenir à refaire la tête de Rachael, MPC a utilisé une technique bien particulière. «Nous ne pouvions pas utiliser le visage actuel de Sean Young, car 35 ans plus tard, il n'est plus la copie conforme de ce qu'il était au moment du tournage du premier Blade Runner», expliquait Richard Clegg, directeur des effets spéciaux de l'entreprise, dans un panel tenu durant l'événement Hub Montréal en novembre.

L'entreprise choisit donc de poser la tête reproduite sur le corps d'une doublure. Pour y parvenir, M. Clegg dit s'être servi de l'expérience acquise dans la reconstitution du visage d'un jeune Arnold Schwarzenegger dans le film Terminator: Genisys, paru en 2015. 

MPC a donc commencé par numériser le crâne de Sean Young. Selon Richard Clegg, la forme du crâne ne change pas avec l'âge et constituait un bon point de départ. Par la suite, l'actrice a fourni des photographies ou des scènes dans lesquelles elle apparaissait dans d'autres films à l'époque, celles du premier Blade Runner étant trop sombres pour être utilisées. «Nous avons capté un maximum de données pour reproduire le visage, incluant la texture de la peau et des cheveux», dit-il.

Il a ensuite fallu obtenir une modélisation 3D du visage et le faire bouger pour qu'il reproduise les mêmes expressions qu'à l'époque. Dans le détail, des mouvements des lèvres, au battement des paupières, tout en tenant compte de l'éclairage.

«Blade Runner 2049 a été tourné dans une résolution proche de la 4k (à 3,5k), alors que la plupart des films sont tournés en 2k, ce qui a forcé les concepteurs d'effets spéciaux à couvrir beaucoup plus de pixels», dit M. Clegg.

Las Vegas sous la tempête

Framestore Montréal a aussi travaillé à la création de vastes environnements dans le nouveau Blade Runner, dont ceux de la ville de Las Vegas en 2049, où K est sur la piste de Rick Deckard.

«Le mandat de Denis était clair. Nous devions bâtir un environnement oppressant et toxique, monochrome, sans lumière directe ni forme de vie et meublé d'une architecture brutale», explique Adrien Saint Girons, superviseur de l'infographie 3D, ajoutant que le personnage de K devait y paraître très petit. 

Pour concevoir la Las Vegas du futur, Framestore s'est inspirée d'une tempête de sable survenue à Sydney en 2009 et qui avait recouvert la ville australienne d'un nuage de poussière de teinte orangée. «Pour cet effet, nous avons créé un ciel couvert et on a généré du brouillard pour s'assurer que ça reproduise ce qui s'est vraiment passé à Sydney à l'époque. En utilisant des photos, nous avons fait un exercice pour mesurer à quelle distance on pouvait voir dans ce brouillard, pour recréer un environnement le plus réaliste possible. On a ajouté de la lumière neutre et la teinte orangée par la suite», dit M. Saint Girons. 

La société a choisi de reproduire Las Vegas grâce à des modèles réduits, mais a fait face à un problème de taille. Les studios étaient trop petits pour reproduire une ville miniature à une échelle qui aurait paru réelle. Framestore a donc choisi d'ajouter de la profondeur aux séquences en utilisant des environnements numérisés pour les structures plus larges. 

L'autoroute Bonaventure dans Blade Runner?

Le studio montréalais de Rodeo FX a également collaboré au film, participant notamment à des séquences montrant K à son arrivée à Las Vegas et lorsqu'il visite un orphelinat à Trash Masa, une San Diego du futur devenue le dépotoir de Los Angeles. 

«Pour l'arrivée à Las Vegas, Denis voulait une ville épurée, avec des gratte-ciels au loin, visibles malgré l'environnement de tempête orangée qui frappait la ville», raconte Adam O'Brien Locke, directeur général des effets spéciaux de l'entreprise.

Ce dernier fait remarquer l'ajout à la séquence d'une structure routière partiellement détruite, qui n'est pas sans rappeler certaines infrastructures montréalaises. «Le directeur des effets spéciaux du film, John Nelson, était de passage à Montréal avant de distribuer les contrats et il a pris une photo de l'autoroute Bonaventure, alors en démantèlement. Nous avons décidé de l'intégrer au film», ajoute M. O'Brien Locke.

Pour les séquences à Trash Masa, Rodeo FX a reçu des séquences tournées à Budapest, avant d'y ajouter un effet de profondeur grâce à des projections sur des écrans verts. Pour les séquences tournées à l'intérieur de l'orphelinat, de véritables enfants s'affairaient aux tables à l'avant, alors que ceux en arrière-plan ont été ajoutés en projection, tout comme l'éclairage. 

Los Angeles et d'immenses digues 

Bien que Double Negative n'ait pas encore officiellement ouvert son bureau montréalais, la société britannique a tout de même réalisé 350 plans du film de ses studios de Vancouver et de Mumbai.

Les plus marquants sont ceux de la ville de Los Angeles en 2049, protégée par d'immenses digues étant donné la hausse du niveau de l'océan Pacifique. «Pour créer la ville, l'entreprise a modéliser plus de 200 immeubles en 3D, sans oublier les plateformes d'atterrissage pour les véhicules volants», explique Chris McLaughlin, directeur des effets spéciaux de Double Negative. 

Bien que l'on perde beaucoup de détails dans les scènes tournées de nuit et parfois sous la pluie, il n'en demeure pas moins que la société a construit la ville immeuble par immeuble. 

Mais les plans les plus réussis de Double Negative sont ceux de Joi (Ana de Armas), personnage holographique doté d'une intelligence artificielle qui se veut être l'amie de coeur de K (Ryan Gosling). La société a modélisé l'actrice avant de la transformer en hologramme.

«La séquence la plus difficile est survenue lorsque K fait l'amour avec une prostituée, à laquelle Joi devait se superposer», confie M. McLaughlin. Il fallait que Joi ait l'air la plus réelle possible, sans perdre totalement l'effet de transparence du personnage.

Les 4 studios d'effets spéciaux en chiffres

RodeoFx: Compte 340 emplois à son siège social de Montréal et 45 à Québec. Fondée en 2006, la société possède également des studios à Los Angeles et Munich. 

Moving Pictures Company (MPC): Filiale de la société française Technicolor, ayant son siège social à Paris. Arrivée à Montréal en 2013, MPC compte 600 emplois dans la métropole.

Framestore: Arrivée à Montréal en 2013. Le studio montréalais de l'entreprise britannique ayant son siège social à Londres compte 440 personnes. 

Double Negative: En septembre dernier, la société britannique ayant son siège social à Londres a ouvert son studio montréalais au début du mois de janvier, sans préciser combien d'employés elle souhaitait embaucher dans la métropole.

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