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À chacun sa solution

Claudine Hébert|Édition de la mi‑septembre 2020

Les crises ont la particularité de faire ressortir des compétences que ne soupçonnaient pas détenir des ...

Les crises ont la particularité de faire ressortir des compétences que ne soupçonnaient pas détenir des entrepreneurs qui ont su émerger des eaux troubles.

Rester calme

Le propriétaire de Bolduc chaussures et vêtements, à Lac-Mégantic, est reconnu dans la région pour ses décisions impulsives. Pourtant, au lendemain du déraillement du train, dont l’incendie a fait disparaître le coeur de la ville le 6 juillet 2013, Denis Bolduc a fait preuve d’un calme olympien. Une attitude qui, selon lui, a sauvé son entreprise.

«Mon commerce de la rue Frontenac a été épargné par l’incendie, mais pas de la fumée et de l’eau des pompiers qui a inondé le sous-sol du bâtiment», raconte cet ex-champion québécois de vélo sur route. Lorsque les autorités ont donné le feu vert aux commerçants de pouvoir récupérer leurs marchandises quatre jours plus tard, Denis Bolduc, lui, a refusé de le faire. Il plaidait qu’en raison des odeurs d’infiltration d’eau et de la fumée des hydrocarbures, les chaussures et les vêtements du commerce étaient irrécupérables pour la vente.

Se sont ensuivis six mois de vives discussions avec son assureur, des frais d’avocats et de notaires et au moins une douzaine d’allers-retours à Montréal et à Québec pour faire valoir son point. Un processus qui a coûté plus de 150 000 $, dit-il. Sans compter l’absence de profit jusqu’à la réouverture d’une nouvelle boutique en avril 2014, sur la rue Papineau, raconte Denis Bolduc qui a fait preuve de sérénité tout au long du processus.

Aujourd’hui, sa boutique attire non seulement la clientèle méganticoise, mais près de 20 % de ses clients proviennent du Grand Montréal. «En fait, plus d’un client sur quatre vient de l’extérieur de la région pour acheter nos chaussures», souligne Denis Bolduc.

Diminuer

Le fondateur d’Avency, Alexandre Tellier, a bien failli ne jamais revenir vivant au pays en 2015. Lors d’une visite à son usine, située en plein coeur de la jungle javanaise, en Indonésie, ce fabricant et distributeur de mobilier extérieur en teck a attrapé la dengue… pour une deuxième fois. Affecté par la phase hémorragique de la maladie, jumelée à une fièvre typhoïde, l’entrepreneur a été cloué dans un hôpital de brousse pendant 40 jours. Sans compter que les autorités lui ont interdit de revenir au pays les 25 jours suivant sa sortie en raison de son faible état de santé. «Ce coup dur m’a incité à remettre le succès de l’entreprise en question», avoue l’entrepreneur de 35 ans.

«Je pouvais passer plus de 80 heures par semaine à ma boutique de 6 000 pieds carrés près des Promenades Saint-Bruno. J’écoulais annuellement la marchandise d’une dizaine de conteneurs de 40 pieds. Je roulais à 100 milles à l’heure», raconte le dirigeant en affaires depuis 2004. À la fin de l’année 2015, toujours convalescent, l’entrepreneur n’a pas renouvelé son bail. «J’ai pris le pari de déménager dans un entrepôt moitié moins spacieux à Saint-Luc. Le personnel a aussi été réduit de moitié. Tout comme mes heures de travail, qui sont passées à moins de 40 par semaine.»

Au bout du compte, Alexandre Tellier dit avoir eu le temps de fonder une famille (il est maintenant papa d’un garçon de 4 ans), de peaufiner son site web et d’améliorer la profitabilité de l’entreprise qui n’a pas cessé de croître, de 10 % à 30 % par année, depuis qu’il a frôlé la mort.

Bouger vite

«On l’a eu dans les dents !» s’exclame David Cartier, président d’Emballage Cartier, lorsqu’il évoque l’épisode de verglas qui a plongé son entreprise de Saint-Césaire dans le noir – et surtout dans la glace – au retour des fêtes, en janvier 1998.

«Mon père, Jean, aujourd’hui décédé, venait d’investir 4 millions de dollars pour porter à 100 000 pieds carrés la superficie de l’entreprise. Il avait également acheté, quatre ans plutôt, une immense génératrice à 100 000 $. Plusieurs l’avaient traité de fou. Quand le verglas a eu lieu, cet accessoire a contribué à sauver l’entreprise.»

Alors que les chemins étaient glacés et couverts de fils électriques, David Cartier, âgé de 25 ans, a quitté son appartement le jeudi matin pour aller chercher du diesel dans le village voisin. «Il n’y avait pas de temps à perdre. Les autorités voulaient barrer les routes. J’ai d’ailleurs désobéi aux pompiers lors de mon retour vers l’entreprise», se souvient-il.

Pendant le weekend, lui et son équipe de livreurs, de techniciens et des employés d’entrepôt qu’il dirigeait ont pris l’initiative de déglacer au pic et à la pelle les quelque 130 cm de glace dans lesquels l’arrière d’une dizaine de camions était emprisonné dans les docks. «On a même rebranché les fils de téléphone sans attendre les techniciens de Bell. Grâce à ce gros travail de bras, le lundi matin, l’entreprise a pu reprendre les livraisons comme si de rien n’était.»

«Si nous n’avions pas bougé, si mes employés manuels n’avaient pas été là, l’entreprise, dont 60 % des revenus provenaient de l’extérieur du triangle noir, aurait pu perdre des contrats au profit de la concurrence. Au lieu de cela, nos efforts ont porté leurs fruits et 1998 a été une de nos années records.»

De plus, grâce au nouvel espace et à la génératrice, Emballage Cartier, qui comptait 60 employés, a servi de gîte à une vingtaine d’entre eux et à leur famille pendant près d’un mois.