Un renvoi n'est pas du harcèlement

Publié le 17/04/2010 à 00:00

Un renvoi n'est pas du harcèlement

Publié le 17/04/2010 à 00:00

Un recours contre le harcèlement psychologique n'empêche pas un employeur de contrôler un employé qui a un mauvais rendement au travail lorsque ce dernier transgresse les règles de l'entreprise, dit la Commission des relations du travail (CRT).

La CRT a rejeté le 17 février une plainte pour harcèlement psychologique du pigiste d'un journal hebdomadaire parce que celui-ci avait cessé de retenir ses services en raison de la faible qualité de son travail (Dessureault c. La Revue de Terrebonne inc., 2010 QCCRT 0094).

Les faits

L'intimé est un journal hebdomadaire qui couvre l'actualité de la région de Terrebonne. Le plaignant, pigiste les week-ends, y travaille depuis moins de deux ans. Le rédacteur en chef lui assigne certains événements à couvrir pour obtenir des articles et des photos.

Lors d'une conversation téléphonique entre le plaignant et le rédacteur en chef, ce dernier lui souligne des erreurs dans ses textes et la piètre qualité de son travail en général. Le rédacteur en chef affirme également que ces reproches lui ont déjà été communiqués par le passé, en vain. Le plaignant rétorque simplement que si le rédacteur en chef voyait des erreurs, il n'avait qu'à les corriger. Ce dernier lui dit alors que le journal ne recourra plus à ses services.

Selon la version du plaignant, le rédacteur en chef lui aurait dit : " Trouve-toi un autre endroit pour faire de la pige, moi je ne t'appellerai plus pour des piges de fin de semaine. " Sur la base de cette réponse, le plaignant a déposé une plainte pour harcèlement psychologique, invoquant une conduite grave du rédacteur en chef, soit une réaction impulsive et un abus de pouvoir. Il allègue également avoir été traité comme un " déchet " et n'avoir reçu aucun avis formel sur son rendement.

La décision

La Commission note d'abord qu'elle n'est pas saisie d'une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante, et de ce fait, elle n'a pas à décider de la justesse de la mesure. Elle doit uniquement vérifier s'il y a eu manifestation de harcèlement lors de l'imposition de la mesure.

Il incombe donc au salarié de prouver les allégations selon lesquelles il aurait été victime de harcèlement. Selon la Loi sur les normes du travail, le harcèlement psychologique est une conduite vexatoire qui se manifeste par diverses actions ou par une seule conduite grave. Dans ce dernier cas, on doit retrouver dans cette conduite grave un comportement, des paroles ou des actes qui sont hostiles et qui portent atteinte à la dignité ou à l'intégrité physique du salarié et qui entraînent pour lui un milieu de travail néfaste.

Le critère d'appréciation de cette conduite grave est celui de la victime raisonnable placée dans les mêmes circonstances que la victime. De plus, la Commission se doit de faire une analyse globale de la preuve.

Pour le plaignant, la conduite grave s'est manifestée par les dernières paroles du rédacteur en chef, qui lui confirmait que ses services ne seraient plus requis. Or, la Commission est plutôt d'avis que la conduite reprochée constitue l'exercice normal des droits de la direction du journal. En effet, la Commission réitère que le nouveau recours contre le harcèlement psychologique n'a pas réduit les pouvoirs de direction d'une entreprise. Ce recours n'empêche pas un employeur de contrôler un employé qui a un mauvais rendement au travail lorsque ce dernier transgresse les règles de l'entreprise. L'employeur possède un pouvoir discrétionnaire étendu pour tout ce qui touche au respect des procédures en milieu de travail et à la vérification de la qualité du travail.

Les dispositions sur le harcèlement psychologique sanctionnent plutôt les comportements de l'employeur qui sont arbitraires, abusifs ou discriminatoires.

Erreurs du plaignant

Il a été démontré que le plaignant a commis certaines erreurs, et que l'intimé lui avait souligné ses manquements. Même si le plaignant les qualifie de mineurs, cela n'altère aucunement le droit d'un employeur d'exiger le respect de ses normes de qualité.

Rien dans la preuve ne démontre que la fin des services du plaignant équivaut à une conduite vexatoire grave, juge la CRT. Même si une fin d'emploi peut engendrer du stress, on ne peut prétendre que chaque fin d'emploi équivaut à du harcèlement psychologique. Seul l'exercice déraisonnable du droit de direction peut être qualifié ultimement de harcèlement psychologique.

En conclusion, la CRT rejette la plainte puisque le fardeau de la preuve n'a pas été rempli. Une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances que le plaignant, conclurait que l'entreprise a utilisé son pouvoir de direction de façon adéquate.

L'auteure est avocate chez Loranger Marcoux

lesaffaires.redaction@transcontinental.ca

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