Le patron, l'alpha du groupe

Publié le 14/02/2013 à 10:41, mis à jour le 15/02/2013 à 10:41

Le patron, l'alpha du groupe

Publié le 14/02/2013 à 10:41, mis à jour le 15/02/2013 à 10:41

Les bons patrons sont des êtres conscients, inspirants et efficaces, nous dit Robert Sutton. Mais c’est néanmoins à eux que reviennent les tâches les plus difficiles.

Une entrevue réalisée par Stephen Watt, Rotman magazine

Vos travaux ont démontré que les entreprises comme General Electric et Procter & Gamble forment leurs dirigeants à devenir de « bons patrons ».

Qu’entendez-vous par là ?

Une multitude de travaux de recherche traitent des qualités requises pour être un bon patron, et le fait d’être compétent et de traiter ses employés avec respect en fait partie. Sans oublier la capacité d’inspirer son personnel et de structurer les tâches de façon à donner des résultats. Ces qualités sont souhaitables partout, autant au sein des équipes de baseball que des équipes de direction des entreprises du Fortune 500. A. G. Lafley, ancien PDG de Procter & Gamble, est l’exemple type du gestionnaire efficace. Ses anciens collègues et subordonnés parlent encore de la patience et de la persévérance dont il a fait preuve et du soutien qu’il a offert à ses employés pendant les dix années qu’il a passées à la tête de l’entreprise. Si on examine la transformation de P&G sous sa direction, on constate que bon nombre des changements qu’il a effectués semblent mineurs, voire banals. Il répétait constamment « Le client est roi » et « Rien ne vaut la simplicité ». Sa constance et l’attention qu’il accordait à chaque niveau de l’organisation sont perçues comme la marque d’un patron remarquable.###

Bien que le chef de la direction reçoive la part du lion des critiques ou des éloges quand l’entreprise réussit, vous avez souligné qu’il ne faut jamais négliger le pouvoir de l’employé ordinaire et consciencieux. Dites-nous en plus à ce sujet.

Les dirigeants d’entreprise tendent à recevoir plus d’éloges et de reproches qu’ils n’en méritent. C’est tout simplement leur lot. Toutefois, James March, qui est sans doute le théoricien de l’organisation le plus influent du monde, soutient que la compétence à l’échelle de toute l’entreprise compte davantage que les décisions de la haute direction. De plus, des études intéressantes publiées dans le Gallup Management Journal démontrent que lorsqu’une entreprise compte un fort pourcentage de gestionnaires efficaces, on peut davantage prévoir sa réussite que si cette entreprise n’a qu’un patron remarquable. La réussite d’entreprises comme P&G et GE ne vient pas seulement des personnes qui occupent les plus hautes sphères, elle tient également à la façon dont ces organisations cultivent le leadership à tous les niveaux. Ces deux entreprises ont une vision à long terme et mettent l’accent sur le choix de leurs leaders et sur leur perfectionnement. Et surtout, elles dénoncent ceux qui ne sont pas compétents ou qui ne soutiennent pas la culture de l’entreprise et ses employés.

Après le succès de votre dernier ouvrage, vous êtes devenu le confident de ceux qui souhaitaient raconter leur expérience de travail sous la direction d’un mauvais patron. Dans quelle mesure les commentaires sur votre livre The No Asshole Rule ont-ils contribué à la rédaction de Good Boss, Bad Boss ?

Mon dernier livre [The No Asshole Rule] portait sur les milieux de travail toxiques. Il était sans doute inévitable que le « mauvais patron » en devienne un personnage central. Après sa parution, j’ai commencé à penser aux types de patron que les gens aimeraient être ou qu’ils souhaiteraient avoir. Mes lecteurs m’ont appris entre autres qu’ils ne veulent pas d’un patron qui soit simplement civilisé. Ils en veulent un qui soit solide et compétent. Je reçois de la correspondance de gens dont le patron est très gentil, mais inefficace, qui ne sait pas comment assumer son rôle de mentor ni comment manœuvrer dans les méandres de l’organisation. Il est tout aussi désolant d’avoir un patron gentil mais incompétent que d’avoir un patron compétent mais imbécile ; c’est même parfois pire. Au moins dans le deuxième cas, vous pouvez apprendre à accomplir votre travail, une fois que vous avez fait abstraction de son comportement inapproprié.

Loin de moi l’idée de faire l’apologie de la « gentillesse » et de son pouvoir. Dans un chapitre de mon livre intitulé Doing the Dirty Work, je montre qu’un patron efficace s’attaque très rapidement aux comportements inacceptables et au travail bâclé. Une des façons de s’assurer que votre équipe est heureuse et qu’elle travaille consciencieusement, c’est de donner de la rétroaction aux employés dont le comportement est indésirable et de se défaire des mauvais éléments.

Certains des PDG les plus célèbres – pour ne rien dire des metteurs en scène et des producteurs de films – sont connus pour leur caractère difficile. Pourquoi changeraient-ils d’attitude puisqu’elle leur permet de réussir ?

On peut remonter à des milliers d’années pour expliquer pourquoi certaines personnes deviennent agressives quand elles sont en position d’autorité. D’un point de vue évolutif, la personne qui assume un poste de direction et qui ne se bat pas pour le garder est rapidement évincée. Cela dit, si vous êtes très performant, mais que vous traitez néanmoins les gens comme des moins que rien, à mon avis, vous n’êtes pas un bon patron. C’est mon opinion, et elle est fondée sur mes valeurs.

Aux chefs de la direction et autres dirigeants qui maltraitent leurs subordonnés, mais qui atteignent toujours la réussite, je dirais ceci : tant que vous réussissez, vous pouvez continuer à agir comme des imbéciles. Cependant, sachez que quand vous échouerez, vos ennemis vous attendront au tournant. L’exemple de Michael Eisner, de Disney, qui maltraitait ses employés, est bien documenté dans Disney Wars. Pendant des années, Michael Eisner n’a jamais subi les conséquences de sa mauvaise conduite, mais il a rapidement été remplacé dès que l’entreprise a connu des difficultés. Mon conseil aux PDG qui ne sont pas particulièrement compétents : efforcez-vous de traiter vos employés avec gentillesse, ne serait-ce que pour vous protéger. Les études révèlent en effet que les entreprises mettent plus de temps à congédier un patron qui est aimé.

La situation diffère bien sûr d’une organisation à l’autre. La culture officieuse peut inciter les gens à se donner des coups de poignard dans le dos pour avancer. C’est peut-être vrai, mais ce comportement a un coût très élevé et met en péril la santé mentale et physique des individus. Par ailleurs, on dénombre maints autres exemples d’entreprises très prospères qui, à la différence des autres, traitent bien leurs employés. La capacité d’instaurer la peur et le désespoir chez les travailleurs n’est certainement pas un prérequis pour être un dirigeant efficace. Même quand il est appelé à accomplir une tâche difficile, comme celle de congédier un employé, un bon patron réussit à le faire avec une certaine dose d’humanité et de grâce.

À quels égards un patron ressemble-t-il à un primate de statut élevé ?

Dans une société de primates, comme dans la hiérarchie des entreprises, le chef du groupe reçoit énormément d’attention. Selon des études menées sur des groupes de singes et de babouins, les membres moyens du groupe jettent un coup d’œil vers le mâle alpha toutes les 20 à 30 secondes. Les primates de statut élevé font beaucoup moins attention à leurs subalternes. C’est pourquoi ce phénomène pourrait être décrit comme l’« asymétrie de l’attention ». Dans le monde des entreprises, ceux qui occupent des postes de direction font l’objet d’un examen approfondi. Même s’il est désagréable d’être constamment observé, avec le temps, la plupart des patrons deviennent indifférents à toutes ces marques d’attention, à tel point qu’ils ne les remarquent plus. Les meilleurs patrons ne se laissent pas affecter par cette attention. Ils savent que leur vie fait l’objet d’un examen minutieux de la part de ceux qu’ils dirigent et ils se conduisent de façon à ce que ces gens aient une meilleure opinion d’eux-mêmes. Par exemple, le fait de dire « merci » peut avoir un impact important. Une étude récente menée dans le cadre de campagnes de financement universitaires a révélé qu’un simple merci venant d’un patron a immédiatement fait grimper les dons de 40 %.

Parlez-nous de la « loi Lasorda » et de son application à la gestion efficace.

Tommy Lasorda a travaillé pour les Dodgers de Los Angeles pendant environ 50 ans, dont 20 ans à titre de manager de l’équipe. Le jour où il a pris la direction de l’équipe, il a déclaré à la presse : « Gérer, c’est comme tenir une colombe dans sa main. Si on la tient trop fort, on la tue, mais si on ne la serre pas assez, on la perd. » Les patrons les plus efficaces sont suffisamment à l’écoute de leur personnel pour savoir quand il faut pousser et quand il faut laisser aller. C’est la marque de la bonne gestion, et elle s’applique particulièrement aux activités créatives telles que la conception de produits ou de films. Savoir quand se retirer est un talent rare, et en microgestion, les patrons ont beaucoup de difficulté à le faire.

Mon collègue de la Stanford University, Frank Flynn, professeur de comportement organisationnel, a mené une étude selon laquelle les meilleurs chefs n’ont pas nécessairement envie de s’affirmer, mais savent comment imposer leurs positions et leurs opinions. Fait intéressant, ses recherches ont également montré que ceux qui ont moins d’assurance n’ont aucune idée de la façon dont les autres les perçoivent.

Les bons patrons ne sont pas nécessairement plus intuitifs. Ils apprennent simplement avec le temps à rester à l’écoute de leurs employés. Hayagreeva Rao, un autre professeur de la Stanford University, a réalisé des études intéressantes sur la façon dont les patrons communiquent en réunion. Hayagreeva Rao compte le nombre de déclarations que les patrons font par rapport au nombre de questions qu’ils posent. Il soutient que le fait de laisser les autres parler et de poser des questions – de vraies questions, et non des déclarations sous le couvert de questions – favorise la collaboration et la créativité chez les employés. Le problème, c’est que de nombreux patrons ne se rendent pas compte du petit nombre de questions qu’ils posent et à quel point ils ne semblent pas vouloir écouter. Si vous êtes un patron, demandez à quelqu’un en qui vous avez confiance d’assister à une de vos réunions et de compter le nombre de questions que vous posez par rapport aux nombres d’affirmations que vous faites, et aussi combien de temps vous passez à parler par rapport au temps que vous passez à écouter. Avant d’entendre la réponse, devinez les résultats. Cela vous donnera une bonne indication de votre capacité à prendre conscience de vous-même.

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