Julie Roy: trois générations axées sur l'humain


Édition du 22 Novembre 2023

Julie Roy: trois générations axées sur l'humain


Édition du 22 Novembre 2023

Par Sophie Chartier

«Les femmes doivent accéder aux plus hauts postes parce que c’est là qu’on peut changer les choses. Moi, j’ai pu choisir mon comité de direction selon mes valeurs. Ceux qui n’avaient pas d’empathie ne sont plus là.» (Photo: Martin Flamand)

LE TÊTE-À-TÊTE. En 2024, Roy fêtera ses 70 ans. Classée au 50e rang de notre classement des 300 plus grandes entreprises au Québec et nommée dans la liste Deloitte des sociétés les mieux gérées au Canada 2023, l’entreprise familiale en entretien ménager commercial ne cache pas ses désirs d’expansion. Rencontre avec Julie Roy, une présidente qui valorise autant le bien-être au travail que le travail bien fait.

 

L’entreprise aura bientôt 70 ans. Comment honorez-vous l’héritage de votre grand-père, Guy Roy, le fondateur, et de votre père, Jean-Yves ?

C’est une grande fierté pour moi d’avoir repris l’entreprise familiale. Je crois que l’ADN de bienveillance qui nous caractérise aujourd’hui, mon grand-père et mon père l’avaient déjà, avant que ce soit à la mode.

Mon grand-père a fondé l’entreprise pour donner des emplois de qualité à sa famille et à ses amis. Il avait un fort côté entrepreneurial et il a perçu un besoin de sous-traitance en entretien ménager, d’abord dans les communautés religieuses. Ça a démarré comme ça.

Je suis fière, mais ça vient aussi avec une certaine pression. Je ne veux surtout pas faire planter ce beau projet ! J’ai un devoir de le moderniser. Le grand danger qui nous guette, c’est que les clients se disent : « Ça fait 50 ans qu’on fait affaire avec eux, on pourrait essayer autre chose. »

 

Par quoi passe cette modernisation, concrètement ?

Nous surveillons de près ce qui se passe du côté des robots. On est une entreprise axée sur l’humain, mais si j’avais accès à des robots pour remplacer certaines tâches, je les utiliserais sans hésiter. Ça permettrait de mettre les humains sur des tâches plus intéressantes.

La modernisation, c’est aussi la communication. D’abord, avec le client, pour lui montrer qu’on fait bien le travail pour lequel il paie. Même chose pour notre marque employeur. On a fait beaucoup de marketing, autant pour aller chercher de nouvelles personnes que pour assurer à nos employés existants qu’ils ont trouvé un bon endroit.

Nous avons aussi instauré la semaine de quatre jours pour les employés de bureau. Mes amis entrepreneurs m’ont beaucoup challengée là-dessus, mais on l’a fait et ça fonctionne bien, sans que cela affecte la qualité du service.

Sinon, nous sommes également dans une phase de diversification. On a récemment fait l’acquisition d’une entreprise de nettoyage de conduits de ventilation, un secteur assez proche du nôtre. C’est une niche où il y a plusieurs petites entreprises, donc il y a moyen d’aller faire de la consolidation.

 

Vous êtes présidente depuis une dizaine d’années, durant lesquelles près de 1500 nouveaux employés ont été embauchés. Comment expliquer une telle croissance ?

Petite précision : ça fait dix ans que je suis présidente, mais ça fait 23 ans que je travaille chez Roy à temps plein.

En 2018, nous avons fait l’acquisition de Signature Service d’entretien, un gros morceau. C’était une belle entreprise avec des valeurs similaires aux nôtres, de beaux contrats. Dans ma philosophie à moi, plus on a un gros chiffre d’affaires, plus on peut créer de possibilités d’avancement intéressantes pour nos employés. On est toujours à l’affût d’acquisitions potentielles.

Cela dit, je veux croître, mais pas à tout prix. C’est une industrie dans laquelle on doit bien faire nos devoirs. Je ne voudrais surtout pas dire que ça existe chez tous mes compétiteurs, car c’est loin d’être le cas, mais malheureusement, le travail au noir, dans notre milieu, ça existe.

Il y a eu aussi une croissance organique issue de la solidification de nos services.

Peu de gens grandissent avec le rêve d’être préposé à l’entretien ménager, soyons honnêtes. Les gens arrivent chez nous par le hasard de la vie, soit ils sont aux études, soit ils ont lâché l’école ou ils essaient quelque chose. Ce que j’aime, c’est découvrir des talents et les faire monter le plus possible dans l’entreprise.

 

Quel est le secret pour réussir une reprise d’entreprise familiale ?

Je conseillerais aux gens de faire comme mon père a fait pour moi : planifier la relève sur plusieurs années, minimalement de huit à dix ans. Ado, je travaillais un été sur deux chez Roy. Depuis toute petite, je disais que j’allais être présidente. Mon père m’a dit « tu vas d’abord aller chercher une expérience ailleurs. Et tu vas faire des études, car on ne prend pas les rênes d’une entreprise de cette taille avec un secondaire cinq ».

Je suis allée faire une maîtrise en finance et après, j’ai travaillé pour Deloitte pendant 18 mois à Edmonton. Quand je suis revenue, j’ai été aux ressources humaines de Roy pendant cinq ans. Ensuite, j’ai été VP exécutive pendant huit ans. J’étais au comité de direction avec mon père, je préparais des planifications stratégiques, je rencontrais les clients. Mais ça restait lui le patron, jusqu’au moment où il a dit : « Tu es prête. » Encore aujourd’hui, il siège au conseil d’administration et est actionnaire minoritaire.

 

L’entreprise est aujourd’hui une propriété féminine. Est-ce que ça change quelque chose ?

Je possède en effet 70 % des actions maintenant, donc c’est une propriété féminine. C’est un peu gênant en 2023 de penser « donnez-moi un contrat parce que je suis une femme ». Tu veux l’obtenir parce que tu es la meilleure entreprise, pas parce que c’est une femme la PDG ! Malgré cela, je le précise toujours parce que je pense que la diversité, peu importe la forme, ça ajoute toujours de la valeur.

Les femmes doivent accéder aux plus hauts postes parce que c’est là qu’on peut changer les choses. Moi, j’ai pu choisir mon comité de direction selon mes valeurs. Ceux qui n’avaient pas d’empathie ne sont plus là.

 

Les préposés à l’entretien chez Roy gagnent plus que le salaire minimum. Quelle part joue le salaire dans votre stratégie de rétention ?

Les salaires de notre industrie sont régis par un décret négocié par un comité paritaire, auquel je siège, et dans lequel il y a des représentants syndicaux et patronaux. C’est une négociation qu’on renouvelle aux cinq à sept ans. Tout le monde paie donc le même salaire et on s’assure ainsi qu’il est possible de bien vivre de ce métier.

C’est donc à nous, l’entreprise, de donner les meilleures conditions de travail possible pour garder notre monde. Roy est reconnue dans le milieu pour avoir le plus bas taux de roulement de l’industrie. Je pense que ça passe beaucoup par la reconnaissance, ce qui n’a pas de prix. Par exemple, nous avons ce qu’on appelle notre tournée de la connexion. Chaque mois, entre 10 et 12 personnes des bureaux doivent aller passer une soirée sur le terrain avec les préposés. On a réalisé un jour que si on vendait des barres tendres, ça n’aurait pas de sens de ne pas y goûter. C’est la même chose pour le service. Une fois par année, c’est obligatoire. Quand on a un renouvellement de contrat, je vais aussi célébrer avec les employés sur place, j’arrive à 23 h avec un gâteau et des flûtes. C’est ma façon de dire : « Merci, c’est grâce à vous. »

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