Devenir leader ? Non merci

Publié le 24/08/2013 à 10:36, mis à jour le 28/08/2013 à 10:36

Devenir leader ? Non merci

Publié le 24/08/2013 à 10:36, mis à jour le 28/08/2013 à 10:36

Par Premium

L’image du leader héroïque est un piège qui nuit à l’épanouisse et à l’émergence de nouveaux talents dans l’entreprise. Voici comment déboulonner les mythes circulant sur ce « héros ».

Le leadership ainsi que la notion de pouvoir qui y est associée sont l’objet de bien des fantasmes. Plus ou moins consciemment, nous avons tendance à considérer le leader comme un héros : un être au-dessus de la mêlée, inébranlable face au doute et à l’angoisse, qui connaît la marche à suivre et peut ainsi façonner l’avenir en aidant son entourage à triompher de l’adversité.

Or, la réalité est tout autre, souligne l’auteur de Better Under Pressure. Expert en recherche de dirigeants chez Spencer Stuart, Justin Menkes a mené une étude auprès de dizaines de présidents et chefs d’entreprises afin de déterminer les traits qui caractérisent ces individus. Il en ressort des enseignements bien éloignés des idées reçues, notamment le fait que le leadership requiert une grande lucidité quant à ses propres limites, une faculté bien plus proche de l’humilité que d’un esprit conquérant et arrogant.###

Les entreprises cherchent plus que jamais à développer des leaders. À leur tête, mais aussi à chaque palier de l’organisation, elles ont besoin de personnes qui sauront diriger le changement et s’adapter à des problématiques constamment renouvelées. Bonne nouvelle : cela répond aux aspirations personnelles de nombreux gestionnaires.

Malheureusement, beaucoup se brûlent les ailes dans cette quête. L’analyse de ce phénomène montre que l’une des principales causes de ces échecs répétés est l’idéalisation à outrance du leader. L’image du leader « superhéros » est en effet très répandue. Or, elle mène à deux écueils. Certains baissent les bras, découragés devant l’ampleur de la performance à atteindre, et renoncent au rôle de leader. D’autres s’efforcent d’imiter les comportements de ce leader idéalisé, s’éloignant de leur identité et de leurs véritables forces.

Trois grandes caractéristiques sont généralement prêtées aux leaders ; ces traits découlent en réalité d’une perception erronée de ce qui fait le leadership et expliquent ces comportements inadaptés :

1. Un visionnaire, capable de changer le cours des choses

Un des traits de caractère les plus fréquemment associé aux leaders est leur côté visionnaire. On les croit capables de façonner l’avenir en conduisant leurs équipes contre vents et marées vers des terres inconnues qu’eux seuls savent voir. Or, peu de personnes s’estiment dotées d’une telle capacité de vision et d’une telle audace. Ce faisant, elles tendent à renoncer à briguer des responsabilités qui les obligeraient à adopter des comportements avec lesquels elles ne se sentent pas du tout à l’aise, au risque de se mettre en échec. D’autres, au contraire, prennent des risques excessifs par souci d’assumer leur position de leader.

Bien à tort, explique Justin Menkes. L’image du leader impassible face à l’adversité part d’une conception erronée de l’optimisme. En réalité, la capacité des leaders à faire progresser leurs équipes repose sur la conviction qu’ils peuvent influencer le cours des choses, mais aussi sur une vision très claire de la réalité. Si les leaders triomphent de l’adversité, ce n’est pas parce qu’ils sont capables de concevoir un avenir prometteur qui les encourage à prendre des risques élevés. C’est parce qu’ils savent reconnaître les difficultés et qu’ils se donnent les moyens de s’y adapter au mieux.

2. Une personnalité sûre d’elle, sans doutes et sans angoisses

À cette image du leader visionnaire, on associe volontiers celle du conquérant sûr de lui, à l’abri du doute et de la peur. Cela conduit souvent à l’idéaliser comme un individu exceptionnellement doué, affranchi de la plupart des faiblesses ou vulnérabilités qui nous affligent. Cette image constitue à la fois un frein à l’ambition des leaders en devenir et un obstacle à la réussite. En fait, même les leaders les plus accomplis sont soumis à leurs propres faiblesses et anxiétés. En réalité, ils sont parmi ceux qui ont les inquiétudes les plus intenses, du fait des risques qu’ils prennent et des nombreux moments de vérité auxquels ils sont confrontés. Leur force réside non pas dans l’absence de faiblesses ou de peur, mais dans leur capacité à assumer leurs vulnérabilités et à agir en dépit de leur anxiété.

3. Une personnalité autonome, qui s’est construite sans l’aide des autres

L’imaginaire collectif voit dans le leader un être indépendant, au-dessus de la mêlée. Lorsqu’il interagit avec son entourage, ce serait pour exposer sa vision et indiquer la marche à suivre. Là encore, cette image est trompeuse. Au contraire, c’est précisément l’humilité de s’en remettre aux autres qui a permis à la plupart des grands leaders de réussir. Jim Owens, président de Caterpillar, raconte comment son début de carrière lui a enseigné cette leçon sans ambiguïté. Après avoir travaillé d’arrache-pied, mais de façon isolée, pendant six mois sur un projet, il a vu celui-ci rejeté malgré son potentiel. Il a alors compris que le fait d’avoir des idées brillantes ne le mènerait pas loin s’il n’apprenait pas à écouter les autres ; il en a fait un point clé pour la suite de sa carrière.

Pour développer son leadership, il est donc capital de s’affranchir de l’image du leader héroïque, qui constitue un modèle erroné. Les experts invitent à développer trois caractéristiques qui en sont bien éloignées et sont déterminantes de la capacité d’agir en leader : agir avec lucidité et optimisme ; avoir la force d’accepter ses vulnérabilités ; se construire et bâtir sa réussite avec la collaboration des autres.

• Combiner lucidité et optimisme

Contrairement à ce que pourrait laisser penser l’image d’un leader visionnaire tourné vers l’avenir, les grands leaders sont des personnes particulièrement conscientes de leur environnement. C’est leur aptitude à capitaliser au mieux sur cet environnement, qu’il soit favorable ou défavorable, qui leur confère la capacité de façonner l’avenir. Cela nécessite avant tout de combiner une forme d’optimisme avec une qualité qu’on leur reconnaît rarement : la lucidité.

Les leaders ont la réputation d’être convaincus qu’ils peuvent changer le cours des choses. Ceci est vrai, mais seulement en partie. Les grands leaders sont en effet naturellement enclins à innover et à relever des défis. Mais ils ne vont pas jusqu’à croire qu’ils peuvent modifier les éléments qu’ils ne contrôlent pas. Ils excellent au contraire à dresser un constat objectif de la réalité, à partir duquel ils construisent une vision optimiste et réaliste de la manière dont ils veulent façonner l’avenir.

Ce réalisme est beaucoup moins anodin qu’il y paraît. Les individus les plus doués ont généralement l’habitude de réussir. Or, cette habitude conduit aisément à l’aveuglement, voire à l’arrogance. Le sentiment de pouvoir réussir tout ce qu’ils entreprennent les incite à ignorer les faits qui contrediraient leur vision ou qui remettraient en question leur image. Ainsi, nombreux sont les gestionnaires qui ont connu un brillant début de carrière, mais dont la trajectoire s’interrompt brutalement : confrontés à un premier échec, ils perdent soudain confiance en leur vision et ne parviennent pas à rebondir. Les leaders qui réussissent à long terme sont au contraire très à l’écoute des faits désagréables et prompts à admettre leurs erreurs. Winston Churchill, par exemple, a connu de nombreux échecs tout au long de sa carrière : il a échoué à l’examen d’entrée à l’université, il a dû démissionner de son poste d’amiral en 1915 à cause d’une erreur stratégique, il a perdu de nombreuses élections… Mais il a su apprendre de ses erreurs et progresser.

Les leaders se projettent en tout temps vers le but qu’ils se sont fixé. Ils se distinguent ainsi par leur constance et leur détermination. Pour maintenir cette détermination en dépit d’une conscience aiguë des obstacles, ils se concentrent avant tout sur les occasions que présente la réalité. En cas d’échec, ils s’interrogent sur les leçons à en tirer, et repartent vers leur but avec une énergie nourrie du sentiment d’être mieux armés grâce à ce qu’ils ont appris. En cas d’obstacle imprévu, ils s’interrogent non seulement sur la façon de le contourner, mais aussi sur les nouvelles possibilités offertes par la situation telle qu’elle se présente désormais. À cette détermination s’ajoute la capacité de ne pas se laisser distraire de leur objectif. Ces leaders savent en particulier prendre du recul par rapport aux impulsions suscitées par leurs émotions.

Ainsi, ils ne renoncent pas à la suite d’une déception, et ne changent pas non plus leur fusil d’épaule sous le coup de l’enthousiasme motivé par une bonne surprise ou par une idée brillante. De même, les bons leaders résistent à la tentation de beaucoup de personnalités ambitieuses qui se comparent continuellement à leur entourage. En effet, si le fait d’être témoin de la réussite des autres peut provoquer une prise de recul salutaire, on court aussi le risque de disperser son attention. Les leaders qui réussissent dans le temps ont une force, celle de s’ouvrir aux enseignements qui peuvent en découler, sans toutefois se laisser entraîner par le désir d’égaler les autres ou de se montrer meilleur qu’eux.

Ambition et détermination peuvent parfois se confondre avec entêtement et aveuglement. Pour éviter cette dérive, les grands leaders n’oublient jamais qu’ils peuvent se tromper. Ils veillent ainsi à effectuer des choix qui tiennent compte de la possibilité d’une erreur ou de l’évolution inattendue d’une situation. C’est ainsi qu’un cadre dirigeant d’une des premières compagnies d’assurance du monde, cité dans Better Under Pressure, a préservé sa société pendant la crise de 2008. Confronté au choix de la stratégie à adopter à l’égard des CDS – les fameux Credit Default Swaps qui ont par la suite provoqué l’effondrement d’AIG – ce dirigeant était perplexe. Les perspectives de rentabilité étaient considérables. Il aurait paru présomptueux d’agir à rebours de l’ensemble de la profession, qui se ruait sur ces produits. De plus, cela aurait placé sa compagnie en position de désavantage concurrentiel. Et le niveau de risque était particulièrement élevé. Il a donc décidé d’entrer sur le marché, mais en créant pour cela une filiale qui préserverait la compagnie en cas de concrétisation du risque. Là où la plupart des acteurs du marché ont été aveuglés par une confiance excessive en ce marché lucratif, ce dirigeant a maintenu sa foi en ces placements tout en reconnaissant que la situation pouvait évoluer différemment de ce que la majorité prévoyait. La suite lui a donné raison. On peut aussi éviter d’adopter des positions trop absolues, en se confrontant régulièrement aux faits.

Lorsque Jim Kilts a pris la tête de Gillette avec pour mandat de redresser l’entreprise, une de ses premières actions a été de mettre en place des indicateurs précis et détaillés de suivi quotidien de la performance. Il explique que, selon son expérience, la tendance à ignorer les faits qui les dérangent est un des plus grands risques qui guettent dirigeants et organisations. Se forcer à suivre de près des indicateurs objectifs, tels que les chiffres de ventes ou les coûts, est un des meilleurs antidotes.

• Avoir la force d’accepter ses vulnérabilités

Un leader est confronté à une telle multitude de situations ou d’informations qu’il est exposé, dans une même journée, à éprouver de l’anxiété, de la solitude, de la frustration, de la plénitude et un sentiment de grandeur. Gérer cette diversité et cette intensité d’émotions est un véritable défi, auquel est rapidement confronté tout nouveau leader lors de ses premiers postes importants. Il est alors tentant de maîtriser ses émotions, de les considérer comme un handicap à rejeter pour apprendre à garder la tête froide, pour prendre des décisions de façon rationnelle en toute circonstance. Grave erreur !

En effet, les émotions sont riches en information : reflets de l’intuition, elles fournissent des indices précieux sur ce que pense vraiment un interlocuteur, sur le degré de confiance à accorder aux conclusions d’une analyse, etc. Tout l’enjeu consiste ainsi à cultiver sa sensibilité aux émotions ressenties, sans se laisser dominer par les impulsions qu’elles suscitent. Pour cela, une clé se trouve dans la détermination mise à atteindre un objectif perçu comme essentiel – prioritaire par rapport à toute autre motivation. Avoir clairement et constamment cet objectif en tête permet en effet de garder le cap en dépit des pulsions de ses émotions. Dave Dillon, à la tête de Kroger, un leader mondial de la grande distribution, en témoigne. Sa motivation vise l’occasion d’imprimer sa marque de façon bénéfique et durable sur une organisation qui a un impact chaque semaine sur la vie d’environ 10 % de ses concitoyens. Il souligne que la force de cette ambition est déterminante pour sa capacité à avancer en dépit des aléas ou des tentations.

Admettre ses faiblesses avec sérénité n’a rien d’évident ! Pas plus que de rester calme quand les mauvaises nouvelles ou les réactions hostiles à une décision que l’on a prise s’accumulent … Si certaines personnalités sont mieux armées que d’autres pour y parvenir, l’étude des leaders montre que cette faculté n’a rien d’inné : elle résulte d’un apprentissage à long terme. Une étude récente a illustré ce phénomène, en examinant la performance sous pression de plusieurs centaines de vendeurs de produits financiers. Il en est ressorti que lors des périodes de pression intense, la performance des plus jeunes vendeurs chutait, même chez les meilleurs d’entre eux, alors qu’elle s’améliorait notablement chez les plus aguerris.

La clé consiste ainsi à s’entraîner, en se confrontant régulièrement à des défis qui forcent à sortir de sa zone de confort et à faire face à son anxiété. Bien sûr, il ne s’agit pas de prendre des risques inutiles, mais de se développer en faisant face à des situations de difficultés variées ou croissantes. Quand on les aborde avec humilité, en sachant faire appel aux autres pour pallier ses propres insuffisances et pour se placer en situation de réussite, ces situations permettent de consolider graduellement la confiance en ses capacités – tout en affinant la connaissance de ses forces et vulnérabilités. Cela permet surtout de renforcer sa résistance au stress – et donc, la capacité de conserver toutes ses facultés en dépit de la pression.

• 4 Réussir grâce aux autres

Les leaders ne réussissent pas strictement par eux-mêmes : ils ont appris à s’en remettre aux regards, aux avis et aux initiatives des autres, tant pour le développement de leurs capacités que pour la mise en œuvre de leurs projets. Conscients de leurs limites, ils veillent à écouter avec attention l’opinion de ceux qui peuvent leur apporter les points de vue qui leur font défaut. Leur temps étant bien sûr limité, ils veillent à s’entourer de mentors et de conseillers soigneusement choisis (Voir l’encadré Pourquoi se choisir un mentor ?) Se tourner vers un mentor, une personne au parcours inspirant, hors de tout lien hiérarchique, peut être particulièrement bénéfique pour un leader en devenir. Cela crée l’occasion de développer une relation dans laquelle les enjeux d’ego, de comparaison ou de pouvoir sont minimisés, et cela facilite des échanges sincères et ouverts.

Cependant, il ne faut pas hésiter à s’entourer aussi de plusieurs conseillers aux profils divers, susceptibles d’apporter des points de vue complémentaires. Jared (QUI ???), fondateur d’un cabinet de conseil international, en a fait l’expérience. Après une croissance très élevée, son bureau européen était entré dans une phase de consolidation, pour laquelle il se sentait moins bien armé. Jusqu’alors, il s’était beaucoup appuyé sur un entrepreneur plus âgé qui avait réussi à monter son propre cabinet. Il a progressivement pris conscience du fait qu’il reproduisait trop le parcours de son aîné, ce qui nuisait au développement de son entreprise. Peu à peu, il s’est ouvert à un réseau élargi de conseillers, qui comprenait ses associés bien sûr, mais aussi des partenaires externes et certains salariés. L’un de ses meilleurs mentors s’est même révélé être un jeune consultant au parcours atypique, pourvoyeur de bonnes idées ! En diversifiant ses sources de conseil, Jared XXXX a pu redonner un élan à son entreprise.

La clé de la réussite

Un leader n’est rien sans ses équipes : sa réussite découle de leur réussite. Or, cette réussite suppose la mise en œuvre de compétences variées, souvent bien plus pointues que ce que le leader lui-même maîtrise. La vision indiquée par le leader touche vite ses limites. Elle doit être relayée par la création d’un contexte dans lequel chacun ressent la motivation de donner le meilleur de lui-même, au service de l’ambition collective. Cela nécessite avant tout de permettre à ses équipes d’agir avec autonomie. Marijn Dekkers, PDG de Bayer, insiste sur ce point auprès de l’auteur de Better Under Pressure. Croire que la meilleure approche consiste à expliquer aux autres ce qui doit être fait est une erreur répandue chez de nombreux jeunes leaders, dit-il. Convaincu que l’on connaît la bonne approche, il est tentant d’indiquer à ses collaborateurs ce qu’ils doivent faire. Or, il est bien plus efficace de les laisser déterminer par eux-mêmes ce qui doit être fait, quitte à les aider dans cette démarche : « Ainsi, ils se sentent pleinement responsabilisés, et font mieux et plus vite ». En plus de cette liberté d’action, le leader doit stimuler chez chacun le sentiment de pouvoir s’investir pour atteindre un objectif qui mérite d’être atteint. Gordon Bethune, qui a redressé Continental Airlines, souligne l’importance d’avoir communiqué des objectifs clairs et stimulants à l’ensemble des salariés. Lors de son entrée en fonction, il a promis un bonus mensuel de 65 dollars à chacun si l’entreprise rejoignait le top 50 des compagnies aériennes en matière de ponctualité – ce qu’elle a fait dès le premier mois ! Son explication : ce défi collectif a conduit les équipes à prendre les initiatives nécessaires pour mieux travailler ensemble et résoudre les difficultés. L’une des pires compagnies sur le plan de la ponctualité, Continental est progressivement devenue l’une des meilleures.

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