Créer par analogie

Publié le 08/09/2012 à 00:00, mis à jour le 06/09/2012 à 15:50

Créer par analogie

Publié le 08/09/2012 à 00:00, mis à jour le 06/09/2012 à 15:50

Par Premium

Il existe plusieurs façons d’innover. Dans ce texte, les auteurs proposent de régler certains problèmes en s’inspirant de solutions connues mais associées à des contextes complètement différents.

Auteurs : Jeffrey Laux, Julie Linsey, Arthur Markman,Jeremy Murphy et Kristin Wood, Rotman magazine

LE COMPORTEMENT HUMAIN EST UN MÉLANGE ÉTONNANT D’HABITUDES ET DE CRÉATIVITÉ. D’une part, la majorité de nos activités comportent une certaine part de routine : nous faisons le même trajet jusqu’au travail chaque jour, nous nous asseyons au même endroit pendant les réunions et nous achetons les mêmes produits à l’épicerie chaque semaine. D’autre part, tous les jours, nous ponctuons notre langage de nouvelles phrases dans de nouveaux contextes et communiquons nos pensées avec des séquences de mots jamais prononcées auparavant.###

Notre comportement au quotidien, tant le coutumier que le productif, semble pour l’essentiel dénué de difficultés. En revanche, les efforts, l’abattement et les frustrations sont souvent présents dans les contextes d’innovation. Par conséquent, nous sommes portés à croire que l’innovation exige des processus cognitifs très différents de ceux qui participent à notre comportement de tous les jours. Mais il n’en est rien, et voici pourquoi.

Nous pensons que la frustration et les efforts propres aux contextes d’innovation découlent d’une incapacité à récupérer les connaissances antérieures qui apportent une solution au problème actuel. Pour résoudre des problèmes de façon innovatrice, il est donc primordial d’avoir la capacité individuelle ou collective de se rappeler de cas que nous avons déjà vécus ou de principes que nous avons déjà appliqués pour ensuite les adapter à de nouveaux problèmes. Certes, cette capacité n’est pas donnée à tout le monde, mais une fois que nous comprenons les forces et les faiblesses des gens quant à leur aptitude à se souvenir des connaissances acquises dans un contexte similaire, nous pouvons concevoir des outils qui améliorent ces habiletés.

L’une des deux approches habituellement adoptée par la science cognitive pour étudier la résolution de problèmes est « la perspective des connaissances antérieures ».

Selon cette perspective, la méthode générale pour résoudre un nouveau problème consiste d’abord à trouver un problème antérieur qui présente d’importantes similitudes avec le problème actuel et ensuite à adapter la solution du problème antérieur à la nouvelle situation. Il peut s’agir d’une situation analogue ou d’un cas particulier dans un domaine semblable.

Par exemple, l’idée du fil barbelé est venue des buissons de ronces que l’on faisait pousser dans l’Ouest afin de créer des enclos pour le bétail, et George De Mestral a inventé le Velcro après avoir remarqué la présence de fleurs de bardane accrochées au poil de son chien.

Raisonnement analogique

Les analogies impliquent des séries de relations parallèles entre domaines. Par exemple, prenons l’analogie entre un matelas gonflable et des haltères que l’on remplit d’eau : un matelas gonflable permet aux campeurs de dormir confortablement. Le matelas est une enveloppe de plastique qui est gonflée à l’air au moment de l’utiliser. Les haltères sont des pochettes de plastique reliées par une tige que l’on remplit d’eau et qui servent à s’entraîner aux poids. Les pochettes de plastique sont vides durant leur transport, mais peuvent être remplies d’eau pour permettre aux voyageurs de continuer à s’entraîner en voyage.

Toutefois, ces produits sont analogues, car ils présentent une série commune de relations : il est difficile de voyager avec un matelas parce qu’il est lourd. De même, il est difficile de voyager avec des haltères parce qu’ils sont lourds.

Par exemple, si quelqu’un essayait de créer des haltères utilisables en voyage, il faudrait coupler d’une part l’énoncé du problème et les obstacles à la résolution du problème (créer des haltères qui peuvent être utilisés en voyage, car les haltères ordinaires sont lourds) et d’autre part, les problèmes connus auxquels on a trouvé des solutions (comme le matelas gonflable). On pourrait ensuite tenter d’adapter la solution au nouveau domaine.

Il n’est pas plus facile de trouver des problèmes analogues que de reconnaître une analogie entre deux domaines qui font déjà l’objet d’une comparaison. On trouve une illustration classique de ce point dans une étude au cours de laquelle les chercheurs ont raconté aux gens une histoire à propos d’un général qui a divisé son armée en petits groupes et leur a demandé d’attaquer une forteresse à partir de plusieurs directions, car le principal chemin menant à la forteresse avait été miné. On a plus tard demandé aux gens de résoudre un problème de radiation dans lequel ils devaient soumettre à une radiothérapie un patient qui avait une tumeur inopérable. Le problème se résumait ainsi : la radiothérapie capable de tuer la tumeur détruirait des tissus sains. La solution consistait à scinder la radiation en rayons plus faibles et à les faire converger vers la tumeur de telle sorte que celle-ci soit la seule zone de tissu à recevoir assez de radiation pour être détruite.

Même s’ils avaient entendu l’histoire du général plus tôt au cours de l’expérience, peu de participants à l’étude ont reconnu les similitudes entre l’histoire du général et le problème de radiation. Les gens se souviennent de l’information qui relève du même domaine que la situation courante plutôt que de l’information qui est analogue à celle-ci. Par exemple, lorsqu’il s’agit de résoudre un problème en oncologie (comme dans le cas du problème de radiation), les chercheurs sont plus susceptibles de penser à d’autres solutions médicales, ou encore à d’autres solutions qui impliquent de la radiation. Il y a toutefois peu de chances qu’ils songent à des solutions militaires !

Il existe trois façons d’optimiser le rappel de problèmes analogues ou l’utilisation de solutions déjà utilisées dans d’autres contextes.

Premièrement, on devrait encourager les gens à se concentrer sur les aspects causals et relationnels du problème plutôt que sur ses éléments contextuels évidents. Ainsi, une équipe qui cherche une façon de réduire le coût de la pellicule photographique pourrait commencer par penser à l’amélioration du médium de stockage des images plutôt qu’au film lui-même.

Deuxièmement, on peut optimiser les rappels en encourageant l’utilisation de termes relationnels abstraits. De nombreux outils peuvent être utilisés pour promouvoir de nouvelles descriptions plus abstraites des problèmes. Par exemple, on peut consulter des bases de données lexicales en ligne comme WordNet.

Troisièmement, les outils qui favorisent l’innovation ont tendance à présenter l’information par écrit. Toutefois, il y a lieu de croire que le rappel analogique est plus facile lorsque l’information est présentée sous d’autres formes. Par conséquent, les outils favorisant l’innovation devraient encourager les discussions durant les séances de conception afin de rendre les conditions plus propices à la découverte d’analogies.

Outils d’innovation analogique

Dans la plupart des entreprises, la composition des équipes s’appuie souvent sur des suppositions quant aux connaissances et à l’expérience requises pour la tâche à accomplir. Par exemple, une équipe compte peut-être un spécialiste en recherche sur la clientèle qui a fait des études empiriques sur les besoins des clients, ainsi que des spécialistes dans le domaine particulier d’expertise requise pour créer le produit (par exemple en génie mécanique ou en conception de logiciels). L’équipe compte peut-être aussi des spécialistes en gestion et en marketing. Or, les membres du groupe n’ont peut-être jamais établi l’analogie nécessaire pour créer une solution innovatrice. Habituellement, les équipes de conception sont formées au début du processus d’innovation, en fonction des domaines qui semblent pertinents pour le problème à résoudre. De toute évidence, il n’est pas possible de prévoir les domaines pour lesquels il existe des solutions analogues, et par conséquent, l’équipe ne compte peut-être pas de spécialistes dans des domaines qui pourraient offrir des solutions innovatrices.

On peut en déduire que dès la formation d’une équipe, il y aurait peut-être lieu d’inclure des personnes qui ont des connaissances et de l’expérience à l’extérieur des secteurs évidents pour qu’elles donnent leur point de vue sur un problème qui pourrait ne pas être évident pour ceux qui appartiennent au domaine d’expertise du problème à résoudre. On peut aussi en déduire que les personnes qui ont des antécédents, des intérêts et des préférences plus vastes, peut-être qualifiées de « concepteurs généralistes », pourraient faciliter l’exploration de solutions potentielles, qui ne sautent pas nécessairement aux yeux d’un groupe composé uniquement de personnes très spécialisées.

Pour que les gens établissent des correspondances avec d’autres domaines, on doit leur fournir des techniques et des outils afin de créer un « échafaudage » et en arriver à une représentation du problème qui facilitera le repérage d’analogies.

Le premier élément de cet « échafaudage » implique qu’on s’assure que les membres de l’équipe aient une compréhension et une représentation claire du problème à résoudre, ou, en fait, qu’ils disposent de compréhensions et de représentations multiples. Par conséquent, dans un premier temps, on devrait encourager les équipes à énoncer le problème à l’étude, aussi explicitement que possible, à partir de multiples points de vue et contextes. Cette étape fera ressortir des aspects du problème qui ne sont pas vraiment clairs.

Inférences analogiques

Il demeure que les gens ont une facilité étonnante à faire des analogies — à remarquer des similitudes entre des domaines qui, en apparence, ne sont pas semblables. Cette capacité à faire des inférences analogiques est primordiale pour résoudre des problèmes. L’énoncé d’un nouveau problème ne correspond que partiellement aux solutions connues. Pour résoudre un problème par analogie, la clé, c’est de trouver des problèmes connus qui ont la même structure que le problème en question.

En conclusion, il est indispensable de comprendre comment les gens en viennent à reconnaître que les connaissances qu’ils possèdent dans un domaine pourraient servir à résoudre un nouveau problème. Il s’agit donc de savoir comment utiliser l’analogie de façon proactive.

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