Attention à la curiosité lors des entrevues d'embauche

Publié le 26/03/2011 à 00:00, mis à jour le 07/04/2011 à 13:46

Attention à la curiosité lors des entrevues d'embauche

Publié le 26/03/2011 à 00:00, mis à jour le 07/04/2011 à 13:46

Le Tribunal des droits de la personne a récemment rendu une décision selon laquelle il juge que l'employeur a discriminé un salarié en lui posant des questions sur ses croyances religieuses.

Le Tribunal ordonne notamment à l'employeur de se doter d'une politique antidiscrimination encadrant le processus de sélection (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Systématix Technologies de l'information inc., 2010 QCTDP 18).

Les faits

Le plaignant, d'origine marocaine, immigre au Canada en 2002. Il possède un diplôme de technicien en analyse, gestion et programmation. En 2004, il obtient un diplôme d'études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en systèmes d'informations géographiques de l'Université du Québec à Montréal, puis, en 2006, une maîtrise en géographie du même établissement.

Le plaignant occupe divers emplois dans son domaine et répond, en octobre 2006, à une offre visant à pourvoir un poste de technicien en géomatique auprès de la compagnie Systématix.

Convoqué en entrevue, le plaignant rencontre une représentante de l'employeur. Il est question, lors de cet entretien, des différentes expériences de travail du plaignant, tant au Maroc qu'au Canada. Durant l'entrevue, la représentante de l'employeur questionne le plaignant sur son appartenance religieuse. Le plaignant hésite alors à répondre à la question, mais la représentante insiste : " Quelle est votre religion ? Êtes-vous musulman ? "

Surpris, le plaignant répond qu'il est musulman et que l'Islam est une religion de paix et de relations avec les autres religions. Quand on lui demande s'il est pratiquant, il répond par l'affirmative. Quant à savoir s'il fréquente les boîtes de nuit, il affirme que ce n'est pas le cas.

Enfin, la représentante de l'employeur lui demande, entre autres exemples, s'il accepterait de travailler chez Molson ou Loto-Québec. Étonné, le plaignant répond que de telles éventualités seraient contraires à sa religion et à ses valeurs. Il précise cependant qu'il pourrait travailler dans ces entreprises si Systématix lui confiait un mandat à cet effet. L'entrevue se termine par d'autres questions et par la prise de références.

Après quelques jours d'attente, le plaignant communique avec l'employeur. Il finit par apprendre que sa candidature n'a pas été retenue. Intrigué, il prend contact avec l'employeur pour s'enquérir des raisons pour lesquelles il n'a pas obtenu l'emploi, mais sa question demeure sans réponse. Il porte finalement plainte à la Commission des droits de la personne quelques semaines plus tard.

La preuve

L'employeur fait la démonstration que 30 à 40 % de ses salariés sont d'origine étrangère. Il précise que la nationalité et la religion ne sont pas des critères d'embauche. Bien qu'il n'existe aucune politique antidiscrimination chez l'employeur, jamais celui-ci n'a fait l'objet d'une plainte de ce type au cours de ses 35 ans d'existence.

La représentante de l'employeur qui a procédé à l'entrevue d'embauche témoigne de sa façon habituelle de procéder à de telles entrevues. Ainsi, elle commence par établir le contact et briser la glace pour que le candidat se sente bien. Elle aborde ensuite le contenu du CV, de façon à discuter des expériences passées et des compétences du candidat. Elle prend des notes durant ses entrevues. Elle affirme que c'est en parlant de l'expérience du plaignant qu'il aurait précisé qu'il était originaire du Maroc et musulman. Consciente qu'il pouvait être délicat d'aborder ce sujet en entrevue, elle précise qu'elle voulait tout bonnement en discuter avec le plaignant pour le mettre à l'aise et en apprendre un peu plus sur sa personne. Bref, ces questions auraient été posées par simple curiosité.

La décision

Le Tribunal souligne l'application de l'article 18.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui interdit à un employeur de s'enquérir, lors d'une entrevue d'embauche, de renseignements relatifs notamment à l'origine ethnique et à la religion. L'employeur admet avoir posé de telles questions.

En l'espèce, le Tribunal juge que ce n'est pas le plaignant qui a librement fourni les renseignements prohibés par l'article 18.1 de la Charte. De l'avis du Tribunal, c'est la représentante de Systématix qui a placé le plaignant dans une situation où il se sentait obligé de répondre aux questions. Le Tribunal souligne aussi le rapport de force toujours présent entre les parties lors d'une entrevue d'embauche.

Le Tribunal rejette donc la défense de l'employeur et accueille la plainte. Il condamne l'employeur à verser au plaignant la somme de 7 500 $ à titre de dommages moraux. Il ordonne aussi à l'employeur de transmettre une copie du jugement rendu par le Tribunal au personnel chargé du recrutement de candidats. Finalement, il ordonne à Systématix de se doter d'une politique antidiscrimination encadrant le processus de sélection et de la transmettre à la Commission des droits de la personne pour approbation.

L'auteur est avocat chez Loranger-Marcoux

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